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14/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19547

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 novembre 2005, 19547


Numéro 19547 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée C., Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19547 du rôle, déposée le 24 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Gasto

n VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Numéro 19547 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2005 Audience publique du 14 novembre 2005 Recours formé par la société à responsabilité limitée C., Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19547 du rôle, déposée le 24 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée C., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 14 février 2005 lui interdisant d’exploiter un restaurant destiné à recevoir plus de 50 personnes en attendant que les travaux demandés pour rendre l’établissement conforme à la législation sur les établissements classés aient effectivement été exécutés;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 24 mars 2005 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg et aux époux T., demeurant à L-…;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2005 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2005 par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux T.;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2005 par Maître Gaston VOGEL pour compte de la société à responsabilité limitée C.;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2005 par Maître Jean MEDERNACH au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2005 par Maître Lex THIELEN au nom des époux T.;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Ferdinand BURG, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Michèle VAN KASTEREN, en remplacement de Maître Lex THIELEN, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 octobre 2005.

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La société à responsabilité limitée C., préqualifiée, ci-après désignée par la « société C. », exploita depuis le 1er juillet 1990 un restaurant italien sous l’enseigne commerciale « B. » dans l’immeuble sis à L-…. Ce restaurant fut destiné à recevoir plus de 50 personnes, la société C. indiquant elle-même que « le restaurant B. a 68 couverts ».

Alors que l’exploitation de ce restaurant fut possible sans autorisation sous l’égide de la loi modifiée du 9 mai 1990 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, les restaurants destinés à recevoir plus de 50 personnes furent rangés dans la classe 2 des établissements classés par le règlement grand-ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés et, conformément à l’article 4 alinéa 2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après désignée par la « loi du 10 juin 1999 », leur exploitation doit être couverte par une autorisation en matière d’établissements classés à délivrer par le bourgmestre.

Le délai de six mois fixé par l’article 31 alinéa 5 de la loi du 10 juin 1999 pour l’introduction d’une demande simplifiée de régularisation ayant déjà expiré à ce moment, la société C. introduisit par courrier du 27 juillet 2000 une demande d’autorisation d’exploitation auprès du bourgmestre de la Ville de Luxembourg, ci-après désigné par le « bourgmestre ».

Comme suite à l’affichage d’un avis relatif à cette demande à partir du 14 août 2000 et l’exécution d’une enquête publique commodo et incommodo relative à l’exploitation du restaurant en cause, les époux T., habitants de la maison adjacente à celle abritant le restaurant B., firent part au bourgmestre de nuisances sonores dont ils seraient les victimes du fait de l’exploitation dudit restaurant.

Par lettre du 13 décembre 2000, le bourgmestre informa la société C. que la procédure d’enquête était terminée et qu’ « il ressort du rapport de la commission locale de sécurité ainsi que du procès-verbal d’enquête commodo-incommodo, qu’avant de pouvoir vous accorder cette autorisation, une isolation acoustique des murs et des chapes donnant sur l’immeuble voisin devra être réalisée, ceci dans le souci de garantir la commodité par rapport au voisinage.

Je vous invite donc à réaliser cette isolation et de m’informer de l’état d’avancement des travaux y relatifs afin de me mettre en mesure de délivrer, le moment venu, l’autorisation sollicitée ».

A travers un courrier du 27 août 2002, la société C. communiqua au bourgmestre le descriptif acoustique des murs et des chapes dans leur état existant donnant sur l’immeuble voisin appartenant aux époux T..

La société LUXCONTROL effectua le 25 avril 2003 une étude phonique pour compte de la société C. et son rapport afférent du 29 avril 2003 retient les conclusions suivantes :

« La mission de Luxcontrol S.A. a consisté en la mesure de l’isolation acoustique au bruit de choc entre le restaurant B. et la maison de Monsieur et Madame T.. Les mesures ont été réalisées d’après la norme DIN EN ISO 140 et l’évaluation d’après la norme DIN EN ISO 717.

Si le restaurant était uniquement exploité en période jour (jusqu’à 22h00), les valeurs de la DIN4109 )L’n,w ≤43 dB) seraient respectées en ce qui concerne l’isolation au bruit de choc. Mais en tenant compte que le restaurant est également exploité actuellement après 22h00, les conditions de la DIN4109 ne sont pas respectées.

Compte tenu de la valeur à atteindre (33 dB), les mesures suivantes peuvent être appliquées :

Soit :

- Mise en place d’une chape flottante sur la dalle (sèche et humide) du restaurant (rez-

de-chaussée) et de la cuisine (sous-sol) en faisant bien attention que celle-ci soit séparée des murs latéraux et de tout autre élément solidaire de la dalle (il faudra par exemple que les plinthes soient surélevées par rapport au sol et que ce joint soit fermé au silicone). La valeur d’amélioration devra être au minimum de ∆Lw 10 dB.

Pour ce faire, il faudra que la chape ait au minimum 45 kg/m2 et que la rigidité dynamique du matériau isolant soit de 50 MN/m3.

Soit :

- Mise en place d’un système élastique (par exemple un produit tel que SIPLAST) sous le carrelage du restaurant (rez-de-chaussée) et de la cuisine (sous-sol) en faisant bien attention que celle-ci soit séparée des murs latéraux et de tout autre élément solidaire de la dalle. La valeur d’amélioration devra être au minimum ∆Lw 10 dB.

Pour ce faire, il faudra que le produit dispose d’un certificat d’épreuve acoustique.

Par ailleurs, le revêtement de sol doit supporter la charge statique appliquée aux points d’appui du mobilier. L’écrasement de la sous-couche soumise au poids du mobilier ne doit pas dépasser 20 % de son épaisseur vide, sous peine de perdre ses propriétés élastiques.

Une dernière possibilité est d’organiser le restaurant pour que la cuisine arrête à 22h00 et que tous les travaux de rangement et/ou de nettoyage soient effectués le lendemain et non pas après 22h00 ».

En date du 25 avril 2003, la société GENEST effectua une étude phonique pour le compte des époux T. et le rapport afférent du 10 juin 2003 aboutit aux conclusions suivantes :

« Aufgrund der in Abschnitt 7 während der Nachtzeit festgestellten zum Teil sehr hohen Immissionsrichtwertüberschreitungen ist die Ausführung wirksamer Schallschutzmassnahmen erforderlich.

Da im vorliegenden Falle bei einem Aufrechterhalten des derzeitigen Restaurantbetriebs realistischerweise davon ausgegangen werden muss, dass eine Schließung während der Nachtzeit (ab 22.00 Uhr) ausscheidet, kommen hier zum Schutze der Nachbarschaft ausschließlich bauliche Schallschutzmassnahmen im Restaurant-

Gebäude in Frage.

Zur quantitativen Auslegung dieser baulichen Maßnahmen sind weitergehende bauakustische Messungen und Untersuchungen notwendig, mit denen zunächst die schalltechnischen Kennwerte der derzeit vorhandenen Bauteile und Schallübertragungswege ermittelt werden (Norm-Trittschalpegel, Luftschall-Dämmmasse, Körperschallpegel-

Differenzen, Isoliergrade usw.). Auf der Grundlage dieser Daten können dann die notwendigen Maßnahmen konkret dimensioniert und festgelegt werden.

Anhand der hier ermittelten Ergebnisse ist davon auszugehen, dass je nach Betriebsvorgang deutliche Pegelminderungen erzielt werden könnten, wenn z.B. folgende Maßnahmen fachgerecht und langzeitbeständig ausgeführt werden (qualitative Angaben):

- Einbau eines trittschalldämmenden Bodenbelags im Küchen- und Restaurantbereich mit einem möglichst hohen Trittschall-Verbesserungsmaß ∆Lw.

Das Verbesserungsmaß sollte mindestens 10 dB betragen. Ein derartiger Belag sollte auch auf den Treppen aufgebracht werden.

Schalltechnisch wirksamer wäre hier der Einbau eines schwimmenden Estrichs mit einer Trittschall-Dämmschicht, mit der ein Trittschall-Verbesserungsmaß ∆Lw 20 dB erzielt werden kann (z.B. 15 mm Mineralwolle-Trittschall-Dämmplatte.) - Aufstellung sämtlicher maßgeblich körperschalleinleitenden Maschinen und Geräte auf körperschalldämmenden Matten bzw. Platten (z.B. Mafund). Dies gilt z.B. für die Waschmaschine, den Wäschetrockner und die Spülmaschine.

- Aufstellung bzw. Befestigung von Geräten (z.B. Lüftungsgeräte) und Maschinen mit Schwingungs- und Körperschallisolationselementen.

- Unterlegung von Körperschalldämmenden Materialien (z.B. Mafund-Platten) bei sämtlichen Arbeitsgeräten und -bereichen, bei denen maßgeblicher Körperschall in die Gebäudeteile eingeleitet wird. Dies gilt z.B. für den Fleisch-Klopfbereich (Hackklotz), den Herd- und Fritiertopf-Bereich sowie den Bereich vor dem Pizza-

Ofen, auf dem die Pizzen geklopft werden.

- Unabhängig von den baulichen Maßnahmen sollte das Arbeitspersonal dazu angehalten werden, unnötigen und vermeidbaren Lärm durch entsprechend sensibles, angepasstes Verhalten zu unterlassen (z.B. Holzscheite auf dem Boden ablegen anstatt abwerfen). Damit derartige Maßnahmen greifen, setzt dies ein hohes Verantwortungsbewusstsein und Durchgreifungsvermögen des jeweiligen Vorgesetzten des Arbeitspersonals und des Restaurantbesitzers voraus.

Da mit Schallschutzmassnahmen nur bei fachlich einwandfreier Auslegung und Ausführung vor Ort die angestrebten Pegelminderungen erzielt werden können, wird dringend empfohlen, vor und während der Ausführung der Maßnahmen einen kompetenten akustischen Berater hinzuzuziehen ».

Par décision du 23 juillet 2003, le bourgmestre déclara soumettre la délivrance d’une autorisation aux conditions suivantes :

« 1. Il y a lieu de procéder à l’installation d’un revêtement insonorisant sur l’escalier attenant au mur mitoyen, avec l’immeuble sis au 24, rue d’Amsterdam.

2. La machine à laver, le séchoir, ainsi que la table de préparation pour la viande doivent rester placés sur des pieds en caoutchouc. D’une manière générale, tous les appareils pouvant être une source de bruit sont à installer sur un soubassement en matière résorbant les chocs et les bruits. En outre, ces appareils et installations sont à placer de manière à ne pas favoriser une propagation du bruit, par les murs de séparation avec l’immeuble voisin, sis au 24, rue d’Amsterdam. Tout appareil, faisant un bruit anormal, devra sur-le-champ être révisé ou remplacé.

3. Les feutres installés sous les chaises et les tables doivent rester en place et remplacés, sans délai, en cas de dégradation ou d’usure.

4. Le personnel doit être sensibilisé afin d’éviter tout bruit inutile. Ainsi, par exemple, il y aura lieu de veiller à ce que les employés posent le bois, au lieu de le jeter … 5. En outre, comme le fonctionnement de votre établissement se poursuit après 22 heures, il y a lieu d’installer une chape flottante au rez-de-chaussée et au sous-sol (cuisine) du restaurant. Cette chape, qui peut être sèche ou humide, doit être séparée des murs latéraux, ainsi que de tout élément solidaire de la dalle. Il est conseillé de faire suivre lesdits travaux par un conseiller en acoustique afin de garantir que la valeur d’amélioration soit au moins supérieure à 10dB et s’approche le plus possible des 20dB, conseillés dans le cadre du rapport Genest. La deuxième hypothèse, envisagée par la société Luxcontrol, en l’occurrence la mise en place d’un système élastique sous le carrelage, n’est envisageable qu’à la condition que la même valeur d’amélioration soit garantie.

Une fois lesdits travaux réalisés, vous voudrez contacter Monsieur le délégué en matière d’établissements classés, afin qu’il puisse attester que les travaux correspondent aux conditions ci-avant énumérées. La cinquième condition n’est pas à réaliser si votre établissement est fermé au public avant 22 heures ».

A travers la même décision, le bourgmestre accorda à la société C. un délai de 6 mois afin de se conformer à ces conditions sous peine de ne plus être autorisée à servir plus de 50 couverts et d’une éventuelle fermeture administrative.

La société C. adressa le 22 août 2003 au bourgmestre une lettre de la teneur suivante :

« Me référant à votre lettre du 23 juillet 2003, Réf.: 5/359/2000, nous vous informons que nous sommes en principe d’accord pour procéder à une amélioration de l’isolation de notre établissement. A ce propos, nous avons chargé l’expert Pierre Majerus, 7 Am Hueschterterboesch, L-1670 Senningerberg, de procéder à une étude spécialisée des travaux à réaliser. Le dosser de l’expert sera présenté aux autorités dès que M. Majerus aura conclu son étude ».

Suite à un rapport de la part d’un responsable de la circonscription régionale à Luxembourg de la police grand-ducale dressé sur base d’un contrôle effectué en date du 15 juillet 2004, le bourgmestre constata à travers un courrier du 20 août 2004 que certaines conditions fixées dans la décision du 23 juillet 2003 n’avaient toujours pas été remplies en critiquant notamment les points suivants :

« Point 1 : L’escalier attenant au mur mitoyen, avec l’immeuble sis 24, rue d’Amsterdam n’a pas de revêtement insonorisant, ni en montant au premier étage, ni en descendant dans la cave, où se trouve la cuisine.

Point 2 : La machine à laver et le séchoir sont installés sur un support en caoutchouc. Dans la cuisine, toutes les tables de préparation, de même que tous les appareils, comme cuisinières etc., reposent sur des pieds en caoutchouc, de sorte que le point 2 semble correctement réalisé.

Point 3 : Lors de divers contrôles, il a dû être constaté que les feutres qui devraient être installés sous les tables et sous les chaises n’étaient plus en place.

Point 4 : Le personnel s’est dit informé par vos soins de veiller à éviter tout bruit inutile.

Point 5 : Vous auriez expliqué ne pas encore avoir réalisé l’installation d’une chape flottante au rez-de-chaussée (salle à manger) et au sous-sol (cuisine), respectivement la deuxième alternative proposée, l’installation d’un système élastique sous le carrelage.

Lors de la visite du délégué en matière d’établissements classés, vous aviez expliqué à ce dernier que vous auriez demandé un devis auprès de la société Alfio Santini pour la mise en place d’une chape flottante.

Or, jusqu’à cette date, vous n’avez toujours pas remis de tel document à l’administration communale ».

Dans le même courrier, le bourgmestre prit la décision suivante :

« Comme la cinquième condition n’est toujours pas réalisée, vous voudrez veiller à ce que votre établissement ferme à 22.00 heures, alors qu’actuellement le repos nocturne de vos voisins n’est pas garanti.

En ce qui concerne les autres conditions, qui n’ont toujours pas été concrétisées, vous disposez d’un ultime délai de trois mois pour vous conformer aux conditions énumérées dans mon courrier du 23 juillet 2003. Passé ce délai, vous ne serez définitivement plus autorisé à servir plus de 50 couverts. En outre, l’administration communale se verra contrainte de prendre les mesures qui s’imposeront et votre établissement pourra faire l’objet d’une fermeture administrative ».

Le 25 novembre 2004, le mandataire de la société C. adressa un courrier au bourgmestre pour lui signaler que selon le devis lui remis par la société SANTINI, les travaux de pose d’une chape flottante au sous-sol et au rez-de-chaussée exigés sous la cinquième condition prévisée représenteraient un coût de 105.272,18 € TTC et que l’entrepreneur aurait émis la réserve expresse que « malgré la réalisation des travaux énumérés dans ladite offre nous ne pouvons pas vous garantir l’insonorisation due aux impacts ». La société C. considéra que ces travaux seraient trop onéreux et qu’elle ne pourrait, ni ne voudrait investir un tel montant sans obtenir la moindre garantie de succès des mesures prises, de manière à prier le bourgmestre « de convoquer toutes les parties intéressés ainsi que des experts en bâtiment de la VILLE DE LUXEMBOURG à une réunion pour discuter des mesures à entreprendre en vue d’une solution ».

Le 14 février 2005, le bourgmestre adressa à la société C. un courrier rédigé en ces termes :

« Par courrier du 23 juillet 2003, vous aviez été sommé d’entreprendre toute une série de travaux pour rendre l’établissement que vous exploitez à l’adresse 26, rue d’Amsterdam conforme à la législation sur les établissements classés dans le délai y indiqué.

Suite au rapport de police établi en date du 24 juillet 2004, il vous a été rappelé, par courrier du 24 août 2004, de vous conformer aux conditions fixées dans un délai de trois mois.

Au moment où ce délai est écoulé, vous faites parvenir à l’administration communale un devis dont il apparaît que la société Alfio Santini & Fils sàrl ne saurait garantir l’insonorisation due aux impacts, bien qu’il s’agisse là précisément de la nuisance qui devrait être éliminée, sinon du moins fortement diminuée par des mesures appropriées.

Comme le délai de réalisation des conditions est actuellement écoulé, je tiens à vous informer, comme cela vous avait déjà été annoncé par courrier du 23 juillet 2003 et rappelé par courrier du 24 juillet 2004, que vous n’êtes plus autorisés à exploiter un restaurant destiné à recevoir plus de 50 personnes en attendant que les travaux demandés aient effectivement été exécutés.

Conformément à l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, un recours contre la présente décision peut être adressé endéans le délai de 40 jours à partir de la notification de la présente. (…) ».

Par requête déposée le 24 mars 2005, la société C. a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de cette décision du bourgmestre du 14 février 2005.

Dans la mesure où l’article 19 alinéa 1er de la loi du 10 juin 1999 instaure un recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

La Ville de Luxembourg et les époux T. soulèvent le moyen d’irrecevabilité du recours tiré du défaut d’élément décisionnel faisant grief dans le courrier du bourgmestre du 14 février 2005. Ils affirment que la décision faisant grief à la société C. serait celle du 20 août 2004 ayant conféré une autorisation temporaire pour une exploitation durant 3 mois et ayant pareillement décidé de refuser l’autorisation pour l’exploitation avec plus de 50 couverts si le restaurant B. ne suffisait pas aux 5 conditions y émargées une fois ce dernier délai révolu. Dans ces circonstances, le courrier entrepris du bourgmestre du 14 février 2005 ne constituerait qu’un acte confirmatif, en ce qu’il ne ferait que répéter la décision du 20 août 2004 sur base d’une identité d’objet et de motifs, et un acte d’exécution en ce sens qu’il se limiterait à mettre en œuvre ladite décision du 20 août 2004 sans rien lui ajouter.

Il découle du libellé de la décision du bourgmestre du 20 août 2004 qu’en substance elle comporte deux volets, à savoir d’abord une « invitation » (« vous voudrez veiller à ce que .. ») à l’adresse de la société C. à fermer le restaurant B. à 22:00 heures à défaut d’avoir satisfait à la 5e condition et ensuite la fixation d’un dernier délai de 3 mois pour se conformer aux 4 autres conditions sous peine de ne plus être autorisée à servir plus de 50 couverts, mais sans préciser qu’à défaut par la société C. de s’y conformer, l’écoulement du délai vaudra automatiquement interdiction de servir plus de 50 couverts. Par rapport à la décision du 20 août 2004, le courrier entrepris du 14 février 2005 comporte d’abord nécessairement le constat définitif du défaut par la société C. de se conformer aux conditions susvisées pour l’obtention d’une autorisation et la fixation de l’interdiction de servir plus de 50 couverts sans reprendre « l’invitation » à fermer le restaurant en cause à 22:00 heures. Ces volets constituent autant d’éléments décisionnels nouveaux par rapport à la décision antérieure du 20 août 2004, de manière que le courrier du bourgmestre du 14 février 2005 est à qualifier de décision nouvelle et non simplement confirmative qui ouvre un droit de recours à son encontre. Cette analyse se trouve d’ailleurs confirmée par l’instruction sur les voies de recours insérée par le bourgmestre dans sa décision entreprise du 14 février 2005. Il en découle que le moyen d’irrecevabilité soulevé par la Ville de Luxembourg et les époux T. est à écarter.

Par voie de conséquence, le recours en réformation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la société C. s’empare d’abord de l’article 9 alinéa 3 de la loi du 10 juin 1999 pour soutenir que, conformément à cette disposition, en présence d’une demande motivée et sérieuse de sa part à travers le courrier de son mandataire du 24 novembre 2004 pour obtenir un entretien en vue de discuter sur les mesures à prendre, le bourgmestre aurait été tenu de convoquer toutes les parties intéressées à une entrevue, mais qu’il aurait manqué à cette obligation légale en se limitant à demander par lettre du 20 décembre 2004 l’avis des époux T..

Aux termes de l’article 9 paragraphe 3 de la loi du 10 juin 1999, « le demandeur a le droit de s’enquérir auprès de l’administration compétente de l’état d’instruction du dossier et de solliciter un entretien à cet égard pendant la procédure d’instruction et de prise de décision, à l’exception de la période d’enquête publique ».

Cette disposition s’insère dans l’article 9 régissant la procédure à suivre à partir du dépôt du dossier de demande d’autorisation jusqu’à la prise de la décision afférente et il découle tant de l’agencement dudit article 9 que du libellé même de son paragraphe 3 que le droit de demander un entretien est limité dans son objet aux questions concernant l’instruction du dossier avant la prise d’une décision.

Or, en l’espèce, il découle de l’exposé des faits supra que suite à l’enquête publique et à l’exécution des mesures d’instruction complémentaires des deux études acoustiques des sociétés LUXCONTROL et GENEST, le bourgmestre avait pris le 23 juillet 2003 sa décision concernant la demande d’autorisation pour l’exploitation du restaurant B. en affichant sa disposition à émettre pareille autorisation sous condition pour la société C. de se conformer aux 5 points précités dans un délai de 6 mois, sous peine de se voir refuser l’autorisation en cause à travers l’interdiction de servir plus de 50 couverts. Par voie de conséquence, le bourgmestre avait pris à ce moment ses conclusions sur base de tous les éléments de l’instruction du dossier de la demande de la société C. et cette même instruction était achevée à partir de ce moment, de manière que les courriers subséquents du bourgmestre, dont la décision entreprise du 14 février 2005, n’avaient plus pour objet l’instruction de ladite demande mais le suivi quant à la mise en conformité du restaurant B.

avec les 5 points émargés dans la décision du 23 juillet 2003 et repris sans variation dans la suite. Il s’ensuit que l’article 9 paragraphe 3 de la loi du 10 juin 1999 n’était plus applicable au moment de la demande de la société C. du 25 novembre 2004 afin de voir convoquer une réunion avec toutes les parties intéressées, de sorte que le reproche de la société C. quant au non-respect de cette disposition par le bourgmestre par la prise de la décision entreprise du 14 février 2005 laisse d’être fondé.

La société C. renvoie ensuite au rapport de la société LUXCONTROL d’après lequel l’exploitation du restaurant B. ne dépasserait pas le plafond de 43 dB admissible jusqu’à 22:00 heures et que le dépassement de la norme ne se produirait qu’après 22:00 heures quand le niveau de bruit admissible descend à 33 dB. Elle ajoute que, s’agissant d’un restaurant-pizzeria de quartier où la clientèle de bureaux viendrait se nourrir, le restaurant B.

ne « fait le plein » qu’à midi et pas en soirée et qu’il « ferme ses portes vers 23:30 heures et il n’est pas dans les habitudes de la clientèle du restaurant de se présenter après 20:00 heures ». Elle en déduit qu’en considération de ces éléments, le bourgmestre aurait dû lui accorder l’autorisation d’exploitation sollicitée pour la période journalière allant jusqu’à 22:00 heures et lui interdire d’accueillir plus de 50 personnes après ce moment.

Or, sil est vrai que l’article 13 paragraphe 1er de la loi du 10 juin 1999 autorise l’autorité compétente à fixer des conditions d’exploitation requises pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la même loi, cette disposition ne lui imposait pas en l’espèce l’obligation de délivrer une autorisation d’exploitation pour certaines plages horaires journalières seulement. En effet, en présence d’un établissement conçu pour une exploitation d’une certaine envergure rentrant dans le champ d’application de la loi du 10 juin 1999 et de rapports techniques concluant à la possibilité de mesures techniques permettant de rendre l’établissement conforme aux exigences légales quant au bruit pour toute la durée journalière normale et légale de son exploitation, l’autorité compétente peut valablement décider d’imposer au demandeur d’autorisation l’exécution desdites mesures techniques – sous réserve de l’examen de leur correspondance aux meilleures techniques disponibles dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs – afin de rendre l’établissement en cause conforme aux exigences de la loi durant toute la durée journalière d’exploitation au lieu de prévoir des restrictions à l’exploitation pour certaines plages horaires journalières, d’autant plus qu’une telle ventilation de l’envergure admissible de l’exploitation risquerait d’être difficilement gérable et contrôlable en pratique et qu’elle n’aurait pas pour effet de réduire efficacement le niveau de bruit auquel les voisins directs se trouvent exposés à partir de 22:00 heures, alors que les sources essentielles de bruit continuent à être exploitées, de manière à ne pas satisfaire à l’exigence d’une protection suffisante de la commodité du voisinage. Le moyen afférent de la société C. est partant à rejeter.

En troisième lieu, la société C. rappelle que le problème en cause ne concernerait que la plage horaire journalière entre 22:00 et 23:30 heures, que la société LUXCONTROL aurait préconisé, avec réserves, l’installation d’une chape flottante sous le carrelage au rez-

de-chaussée et dans la cave et que la difficulté sous-jacente résiderait dans le fait que la maison occupée par le restaurant B. et celle des époux T. seraient construites avec des dalles en béton continues entre les deux maisons. Elle fait valoir d’abord qu’au vu de ce lien fixe entre les deux maisons, la méthode préconisée des chapes flottantes ne résoudrait probablement pas le problème de la propagation des bruits à défaut de comporter une coupure au niveau des dalles entre les deux maisons, la preuve en étant le refus de l’entrepreneur, auteur du devis soumis, de garantir le résultat d’une absorption suffisante des bruits. Elle estime ensuite que la mesure de la mise en place de chapes flottantes ne serait économiquement pas viable pour elle en ce qu’elle provoquerait des coûts disproportionnés et excessifs par rapport au problème rencontré, étant donné qu’au-delà du coût des travaux de pose des chapes estimé à 105.272,18 €, ces mêmes travaux impliqueraient une fermeture de l’établissement durant au moins 70 jours entraînant un manque de tout chiffre d’affaires durant cette période, alors que les frais de personnel et de loyer continueraient à courir. La société C. reproche ainsi au bourgmestre de s’être limité à suivre l’avis technique de la société LUXCONTROL sans procéder à l’analyse lui imposée par l’article 13 paragraphe 1er de la loi du 10 juin 1999 consistant à vérifier la réalité des avantages de cette solution et le caractère excessif ou non de son coût par rapport à l’envergure de l’établissement. Elle allègue encore qu’il n’incomberait pas à l’administré de prouver le caractère excessif du coût de certains travaux, mais qu’il incomberait à l’autorité de procéder à l’analyse requise par l’article 13 paragraphe 1er de la loi du 10 juin 1999 et d’émettre une décision motivée à cet égard.

Le tribunal est amené à constater liminairement que la condition de la réalisation de chapes flottantes au sous-sol et au rez-de-chaussée de la maison abritant le restaurant B. a été posée par le bourgmestre dès sa décision du 23 juillet 2003, dûment munie de l’instruction sur les voies de recours légalement prévue, laquelle n’a pas été attaquée par la société C. en temps utile, de manière qu’elle a acquis autorité de chose décidée. Il s’ensuit que la question de savoir si le bourgmestre était ou non en droit de fixer initialement cette condition sans avoir préalablement procédé à une analyse concrète de la proportion entre l’avantage de la solution imposée et son coût au regard notamment de la taille de l’établissement en cause ne saurait plus être examinée dans le cadre du recours sous analyse dirigé exclusivement contre la décision entreprise du 14 février 2005, laquelle se situe en aval de celle du 23 juillet 2003.

La seule question que le tribunal peut valablement solutionner est celle de savoir si, dans le cadre de sa décision litigieuse du 14 février 2005 et compte tenu des éléments soumis par la société C. par le biais du courrier de son mandataire du 25 novembre 2004, le bourgmestre pouvait valablement considérer la condition relative à la réalisation de chapes flottantes comme restant valable et non exécutée pour refuser l’autorisation d’exploitation ou s’il aurait plutôt été tenu sur base de ces mêmes éléments fournis par la société C. de procéder à nouveau à la prédite analyse de la proportion entre l’avantage de la solution imposée et son coût au regard notamment de la taille de l’établissement en cause pour aboutir à la conclusion d’une disproportion entre l’avantage censé être procuré par les chapes flottantes et leur coût et prendre des démarches en vue de l’établissement d’une solution alternative.

Contrairement aux conclusions de la société C., le tribunal est amené à retenir que dans la constellation ci-avant décrite, par rapport à une condition fixée dans une décision antérieure, il incombe au demandeur d’autorisation de soumettre à l’autorité compétente des éléments suffisants tendant à étayer la réalité de son assertion relative au caractère excessif du coût des travaux requis par cette condition par rapport à l’avantage procuré par la mesure afférente.

Or, en l’espèce, il se dégage des rapports des sociétés LUXCONTROL et GENEST que ces deux experts proposent chacun outre la pose d’une chape flottante au sous-sol et au rez-de-chaussée également une seconde variante de mesures anti-bruit, à savoir la mise en place d’un système élastique sous le carrelage du restaurant et de la cuisine telle que proposée par la société LUXCONTROl ou la pose d’un revêtement de sol insonorisant dans le restaurant et la cuisine telle que visée par la société GENEST.

D’un autre côté, la société C., après avoir annoncé dans son courrier précité du 22 août 2003 son intention de charger un expert pour étudier les travaux à réaliser, se fonde plus d’un an après la décision du bourgmestre du 23 juillet 2003 sur un seul devis pour la pose de chapes flottantes, donc concernant seulement l’une des méthodes proposées par les sociétés LUXCONTROL et GENEST, et sans soumettre une prise de position de l’expert pour conclure au caractère disproportionné du coût des travaux à réaliser.

Au-delà de la faculté de solliciter un second devis pour les travaux de pose d’une chape flottante, la preuve concrète du caractère excessif du coût des mesures imposées aurait impliqué du moins la soumission de devis pour la mise en place d’un système élastique sous le carrelage ou la pose d’un revêtement de sol insonorisant afin de déterminer le coût de ces mesures alternatives, ainsi qu’une prise de position de l’expert quant à leur efficacité acoustique relative par rapport à celle d’une chape flottante. Ce ne serait que dans l’hypothèse où soit les mesures alternatives n’entraînaient pas une réduction suffisante des nuisances acoustiques pour les voisins malgré un coût inférieur, soit les mesures alternatives aboutissaient à un coût comparable, voire supérieur à celui du devis soumis pour les chapes flottantes que la société C. pourrait valablement arguer du caractère excessif du coût des mesures lui imposées en soumettant des données concrètes sur la perte économique, tant au niveau du coût d’exécution des mesures qu’à celui de la perte découlant de la fermeture du restaurant pour la durée des travaux, découlant de l’exécution de l’une ou l’autre de ces mesures par rapport à sa situation patrimoniale et de revenus globale.

Il s’ensuit que les éléments soumis par la société C. tant au bourgmestre qu’au tribunal sont insuffisants pour établir le caractère excessif de l’import des mesures acoustiques imposées par la décision précitée du 23 juillet 2003 et reprises dans celle déférée du 14 février 2005 et amener le tribunal à réformer cette dernière décision dans le sens demandé par la société C..

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la société demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 14 novembre 2005 par le premier juge en présence de M. LEGILLE, greffier.

s. LEGILLE s. SCHROEDER 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19547
Date de la décision : 14/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-14;19547 ?

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