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07/11/2005 | LUXEMBOURG | N°19533

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 novembre 2005, 19533


Tribunal administratif N° 19533 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2005 Audience publique du 7 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de permis de travail

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19533 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 mars 2005 par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité slovène, demeurant

à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de...

Tribunal administratif N° 19533 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2005 Audience publique du 7 novembre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de permis de travail

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19533 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 mars 2005 par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité slovène, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 novembre 2004, ainsi que de la décision du même ministre du 22 décembre 2004 intervenue sur recours gracieux, portant à chaque fois refus du permis de travail par lui sollicité en tant que coffreur auprès de la société anonyme …, établie à L-… ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 juin 2005 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions ministérielles déférées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Hida OZVEREN, en remplacement de Maître Adrian SEDLO et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 octobre 2005 ;

Vu les pièces complémentaires versées au dossier administratif en dates des 21 et 24 octobre 2005 à la demande du tribunal ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, Maître Hida OZVEREN et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES s’étant rapportées aux écrits respectifs de leurs parties à l’audience publique du 24 octobre 2005.

Considérant que par déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention d’un permis de travail datée du 16 juillet 2004, Monsieur …, de nationalité slovène, a sollicité un permis de travail pour l’emploi de coffreur auprès de la société anonyme … S.A., avec effet à partir du 19 juillet 2004 ;

Que par arrêté du 17 novembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a refusé le permis de travail ainsi sollicité « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 56 coffreurs, dont 9 B1, 8 B2, et 1B3, inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi ;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) ;

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

- occupation irrégulière depuis le 19.07.2004 » ;

Que suivant courrier de son mandataire du 16 décembre 2004, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux, rencontré par une décision confirmative de refus du même ministre du 22 décembre 2004 libellée comme suit :

« Maître Sedlo, En réponse à votre courrier du 16 décembre 2004 dans l’affaire reprise sous rubrique, je suis au regret de vous informer qu’il n’existe aucun élément nouveau me permettant de revenir sur ma décision du 17 novembre 2004 de refuser le permis de travail à Monsieur … .

En outre, je tiens à ajouter que votre mandant ne peut pas bénéficier ni de prestations sociales au-delà du 03.09.2004 ni de l’assistance sociale alors qu’il séjourne illégalement au Grand-Duché de Luxembourg.

Une copie de la présente est transmise pour information à Madame le Directeur de l’Administration de l’Emploi.

Veuillez agréer, Maître Sedlo,… » ;

Considérant que par requête déposée en date du 22 mars 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des deux décisions ministérielles précitées des 17 novembre et 22 décembre 2004 ;

Considérant que le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant qu’en premier lieu le demandeur conclut à l’incompétence de l’autorité ayant statué dans la mesure où la décision ministérielle précitée du 17 novembre 2004 a été couchée sur papier à entête du ministère du Travail et de l’Emploi, quoique portant la mention que la signature a été prise pour compte du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, de sorte que pour le moins il y aurait création d’une confusion quant à l’autorité ayant pris l’acte administratif en question ;

Considérant que bien que de toute évidence la décision déférée du 17 novembre 2004 soit couchée sur papier à entête du ministère du Travail et de l’Emploi, il n’en reste pas moins qu’au niveau de la signature, le signataire, conseiller de direction première classe, a clairement indiqué agir par délégation, en remplacement du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, de sorte que l’autorité administrative ayant pris la décision déférée a été clairement énoncée à exclusion de tout doute raisonnable y relatif ;

Que le moyen laisse dès lors d’être fondé ;

Considérant qu’en second lieu, le demandeur de critiquer le passage de la décision confirmative sur recours gracieux du 22 décembre 2004 prérelaté suivant lequel il ne pourra pas bénéficier de prestations sociales, ni de l’assistance sociale au-delà du 3 septembre 2004, pour soutenir que le ministre signataire était incompétent pour statuer sur les éléments d’ordre social en question ;

Que le délégué du Gouvernement de prendre position comme suit :

« Il n’est pas contesté que la décision relative aux prestations sociales et à l’assistance sociale ne revienne pas au ministre ayant les Affaires étrangères et l’Immigration dans ses attributions.

Il est cependant contesté que la décision du 22.12.2004 précitée eût eu la prétention de trancher une question relative à ces matières.

A la lecture de la décision du 22.12.2004, il faut se rendre à l’évidence qu’elle a pour objet de confirmer purement et simplement la décision critiquée du 17.11.2004, alors que le deuxième alinéa ne fait que transmettre une information de la situation de fait existant dans le chef de Monsieur ….

Que ce moyen doit dès lors être écarté pour être dénué de toute pertinence » ;

Considérant que s’il est patent que la décision déférée du 22 décembre 2004 tend en premier lieu à confirmer celle du 17 novembre 2004 qu’elle entérine purement et simplement, il n’en reste pas moins que la même décision confirmative ne revêt pas un caractère simplement informatif concernant les éléments des prestations sociales et d’assistances sociales y émargés ;

Considérant qu’en retenant que le demandeur « ne peut pas bénéficier ni des prestations sociales au-delà du 3.9.2004 ni de l’assistance sociale alors qu’il séjourne illégalement au Grand-Duché de Luxembourg », le ministre, loin de se confiner à relater une information, a arrêté une position de refus, présentée comme si elle émanait de son autorité ;

Considérant que de l’aveu même de la partie publique cette décision ayant trait aux prestations sociales et à l’assistance sociale ne rentre pas dans le champ de compétence du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, de sorte que la décision déférée du 22 décembre 2004 est à annuler dans cette mesure pour incompétence de l’autorité administrative ayant statué ;

Considérant qu’en troisième lieu le demandeur conclut à une violation de la loi dans la mesure où l’annexe XIII au Traité d’adhésion à l’Union européenne, concernant les ressortissants slovènes, se rapporterait aux mesures nationales que les Etats membres de l’Union européenne de l’époque appliqueraient à leur égard concernant leur marché du travail ;

Que dans la mesure où l’article 2.2. de l’annexe XIII en question se rapporterait aux mesures nationales et non point aux mesures nationales « existantes » dans le chef des quinze Etats membres de l’Union européenne concernés au sujet de l’accès à leur marché du travail, ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni le règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ne trouveraient application en l’espèce, de sorte que plus particulièrement l’obligation d’un permis de travail ne porterait pas à l’encontre d’un ressortissant slovène ;

Considérant que suivant l’article 2.2. de l’annexe XIII au Traité d’adhésion de dix nouveaux Etats membres dont la République de Slovénie, à l’Union européenne, signé à Athènes le 16 avril 2003 et approuvé par la loi du 8 mars 2004, c’est par dérogation aux articles 1er à 6 du règlement CEE n° 1612/68 jusqu’à la fin de la période de deux ans suivant la date de l’adhésion de la Slovénie, que les Etats membres actuels appliqueront des mesures nationales ou des mesures résultant d’accords bilatéraux qui réglementent l’accès des ressortissants slovènes à leur marché du travail ;

Considérant qu’il est constant que suite à l’adhésion de dix nouveaux Etats membres à l’Union européenne avec effet à partir du 1er mai 2004, le Grand-Duché de Luxembourg n’a pas adapté la législation concernant l’accès au marché du travail dont notamment les loi modifiée du 28 mars 1972 et règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 précités, encore que suivant le point 16 de l’acte final afférent, intitulé « déclaration sur la libre circulation des travailleurs : Slovénie » y soit retenu que: « l’UE met l’accent sur la modulation et la souplesse considérables introduites dans le régime de libre circulation des travailleurs. Les Etats membres s’efforcent d’octroyer aux ressortissants slovènes un accès plus ouvert à leur marché du travail dans le cadre de leur droit interne, en vue d’accélérer l’alignement sur l’acquis. En conséquence, les possibilités d’emploi dans l’UE pour les ressortissants slovènes devraient être grandement améliorées lors de l’adhésion de la Slovénie. En outre, les Etats membres de l’UE tireront le meilleur parti du régime proposé pour parvenir le plus rapidement possible à appliquer pleinement l’acquis dans le domaine de la libre circulation des travailleurs » ;

Considérant que force est de constater au tribunal qu’il n’existe pas de mesures nationales luxembourgeoises qui réglementeraient de façon particulière l’accès des ressortissants slovènes au marché du travail luxembourgeois, ni d’ailleurs n’existe-t-il des dispositions spécifiques concernant les autres neuf nouveaux Etats membres de l’Union européenne y ayant adhéré avec effet à partir du 1er mai 2004 ;

Considérant que d’après les dispositions constantes applicables avant et après le 1er mai 2004 au niveau de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, l’article 26 pose le principe qu’ « aucun travailleur étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail », tandis que l’article 28 retient que « le permis de travail prévu à l’article 26 n’est pas requis pour les travailleurs ressortissants des pays membres de l’Union européenne et des pays parties à l’accord sur l’Espace Economique Européen » ;

Considérant qu’à défaut de modification de la législation luxembourgeoise intervenue en relation avec l’adhésion des dix nouveaux pays membres à l’Union européenne et sous peine de vider l’article 2.2. de l’annexe XIII prérelaté de tout sens concernant la période biennale de transition y instaurée, force est au tribunal de retenir que pour les ressortissants de la République de Slovénie vaut jusqu’au 1er mai 2006 le principe inscrit à l’article 26, suivant lequel un permis de travail reste requis dans leur chef pour pouvoir être occupés sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que le demandeur ne propose pas d’autres moyens à l’appui de son recours ;

Considérant qu’en vertu de l’article 10 (1) alinéa 2 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tel qu’introduit par règlement grand-ducal du 29 avril 1999, « la non déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe 2 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail » ;

Considérant qu’en l’espèce la preuve de l’existence d’une déclaration de poste vacant reste d’avoir été rapportée par le demandeur, de sorte que les deux décisions de refus du permis de travail sont utilement sous-tendues par le seul motif tiré de l’absence de déclaration de poste vacant compte tenu de l’article 10 (1) alinéa 2 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 prérelaté ;

Que dès lors le recours laisse d’être fondé à défaut plus particulièrement d’autres moyens proposés par le demandeur ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit partiellement justifié ;

annule la décision déférée du 22 décembre 2004 pour incompétence de l’autorité ayant statué en ce qu’elle a trait aux prestations sociales et à l’assistance sociale ;

dit le recours non fondé pour le surplus ;

partant en déboute ;

fait masse des frais et les impute pour trois quarts au demandeur et pour un quart à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 novembre 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19533
Date de la décision : 07/11/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-11-07;19533 ?

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