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26/10/2005 | LUXEMBOURG | N°20434

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2005, 20434


Tribunal administratif N° 20434 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2005 Audience publique du 26 octobre 2005

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Recours formé par Monsieur T. et consorts, Beaufort en matière d'élections communales

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 11 octobre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur T., commerçant, demeurant à L-…, de Madame L.,

femme au foyer, demeurant à L-…, et de Monsieur P., agriculteur, demeurant à L-…, tendant à voi...

Tribunal administratif N° 20434 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2005 Audience publique du 26 octobre 2005

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Recours formé par Monsieur T. et consorts, Beaufort en matière d'élections communales

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 11 octobre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur T., commerçant, demeurant à L-…, de Madame L., femme au foyer, demeurant à L-…, et de Monsieur P., agriculteur, demeurant à L-…, tendant à voir constater que la candidature de Madame B., employée privée, demeurant à L-…, aux élections communales du 9 octobre 2005 dans la commune de Beaufort et l'acceptation, par elle, de son mandat de conseiller, ont vicié lesdites élections et, par réformation, voir dire qu'il y a lieu de procéder à de nouvelles élections dans la commune de Beaufort sinon, en toute occurrence, voir constater que les deux postes que revêt actuellement Madame B., à savoir celui de responsable gestionnaire du groupe d'action locale "L." et celui de conseiller communal, sont incompatibles au sens de l'article 194, paragraphe 2 de la loi électorale du 18 février 2003;

Vu la communication de la requête introductive d'instance, par le greffe du tribunal administratif à l'administration communale de Beaufort par lettre recommandée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé le 14 octobre 2005 au greffe du tribunal administratif;

Vu la "requête en intervention volontaire et mémoire en réponse" déposée le 17 octobre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame B., préqualifiée;

Vu les pièces versées et notamment le résultat des élections du 9 octobre 2005;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Jean-Paul WILTZIUS et Jean KAUFFMAN et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée le 11 octobre 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur T., Madame L. et Monsieur P. demandent au tribunal de constater que la candidature de Madame B., aux élections communales du 9 octobre 2005 dans la commune de Beaufort et l'acceptation, par elle, de son mandat de conseiller, ont vicié lesdites élections et, par réformation, de dire qu'il y a lieu de procéder à de nouvelles élections dans la commune de Beaufort sinon, en toute occurrence, de constater que les deux postes que revêt actuellement Madame B., à savoir celui de responsable gestionnaire du groupe d'action locale "L." et celui de conseiller communal, sont incompatibles au sens de l'article 194, paragraphe 2 de la loi électorale du 18 février 2003.

Madame B. se rapporte à la sagesse du tribunal concernant la question de l'absence de signification de la requête introductive d'instance à son adresse, alors même qu'elle est intéressée au premier degré par l'objet du litige.

En vertu de l'article 277, alinéa 2 de alinéa loi électorale du 18 février 2003, le greffe du tribunal administratif donne avis du recours, par lettre recommandée, à l'administration communale concernée qui informe les candidats et le public par les voies ordinaires.

Il se dégage des pièces versées que ces formalités ont été remplies, de sorte que la procédure de notification de la requête introductive aux parties intéressées est régulière. Par ailleurs, Madame B. a eu la possibilité, dont elle a fait usage en déposant un mémoire en temps utile, de faire valoir son point de vue, de sorte qu'il n'y a pas eu, en l'espèce, violation des droits de la défense.

Le délégué du gouvernement estime que la loi ne prévoit pas de recours en réformation en la matière, seule une annulation des élections étant possible. Madame B.

estime en revanche que s'il était vrai que, ainsi qu'il est exposé dans la requête introductive d'instance, sa candidature et l'acceptation de son mandat auraient vicié les opérations électorales, seul un recours en réformation serait possible et que le recours en annulation serait dès lors à déclarer irrecevable.

Il est vrai que l'article 277 de la loi électorale du 18 février 2003 dispose que le tribunal administratif "statue au fond" dans les vingt jours suivant la date à laquelle il a été saisi d'un recours dirigé contre une élection communale. Il se dégage d'autre part de l'article 279 de la même loi, que "[l]orsqu'une élection est définitivement déclarée nulle", il y a lieu à de nouvelles élections dans les soixante jours.

Il se dégage de la combinaison de ces deux textes que dans le cadre de son pouvoir de statuer "au fond" sur la régularité d'une élection communale, le tribunal administratif est habilité à annuler celle-ci, la mesure en question constituant la mesure la plus grave qu'il puisse prendre en la matière.

Il s'ensuit que le tribunal administratif a été valablement saisi d'un recours en réformation par les demandeurs et que, dans le cadre de celui-ci, il peut être amené à annuler les élections qualifiées d'irrégulières.

Les moyens d'irrecevabilité afférents invoqués respectivement par le délégué du gouvernement et les demandeurs sont partant à rejeter.

Tant le délégué du gouvernement que Madame B. invoquent ensuite l'irrecevabilité du recours en tant qu'il est dirigé contre la prétendue incompatibilité de celle-ci, au motif qu'une telle incompatibilité constituerait une affaire personnelle qui ne serait pas de nature à vicier les élections.

La loi électorale distingue entre les conditions d'éligibilité, telles qu'elles ressortent des articles 192 et 193, et des incompatibilités qui sont énumérées par l'article 194 de la loi.

La différence essentielle réside dans le fait que ceux qui ne sont pas éligibles ne peuvent pas se présenter aux élections, sous peine de vicier celles-ci le cas échéant, tandis que ceux qui sont susceptibles de tomber sous une cause d'incompatibilité sont admis à se présenter aux élections et peuvent être élus, sauf qu'après l'élection, ils doivent opérer un choix entre le mandat électoral et la fonction incompatible avec celui-ci.

Mais le fait qu'un candidat se présente aux élections alors que ses fonctions qu'il exerce sont incompatibles avec le mandat électoral qu'il brigue n'est pas de nature à vicier l'élection à laquelle il se présente (cf. F. DELPEREE, Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruylant 2000, n° 572).

Or, en l'espèce, les demandeurs se prévalent d'une condition d'incompatibilité de Madame B. pour prétendre que celle-ci n'aurait pas dû se présenter aux élections et n'aurait pas pu être légalement élue.

Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus, ces reproches ne sont pas fondés.

Leur manque de fondement ne conduit cependant pas à l'irrecevabilité de la demande, mais au débouté de la partie de la demande qui s'y appuie.

Concernant la demande subsidiaire en constatation de l'incompatibilité des deux fonctions de responsable gestionnaire du groupe d'action locale L. et de celui de conseiller communal, il y a lieu de constater que l'incompatibilité se résout au niveau de l'acceptation du mandat électoral ainsi que, le cas échéant, à celui de la renonciation à ce mandat voire de la déchéance de celui-ci en cas de persistance de l'incompatibilité, conformément aux articles 9 et 10 de la loi communale du 13 décembre 1988, telle qu'elle a été modifiée.

Il ne s'agit donc pas d'un vice qui affecterait les élections, mais d'une question qui se pose, le cas échéant, ultérieurement, si le candidat élu ne renonce pas à son mandat avant d'entrer en fonctions, ainsi que le lui permet l'article 7 de la loi communale, précitée. Cette question peut alors se poser, soit à l'occasion de la composition du conseil communal, auquel cas il ne saurait être admis à prêter serment, conformément à l'article 9 de la loi communale, soit, en cas d'acceptation du mandat électoral, au cas où le candidat ne met pas fin, dans les trente jours après une mise en demeure lui signifiée par le collège échevinal ou le ministre de l'Intérieur, à ses fonctions incompatibles avec son mandat, ainsi que le prévoit l'article 10 de la même loi.

Il suit des considérations qui précèdent que la partie de la demande qui tend à constater au stade actuel, avant que la candidate élue n'ait opéré les choix que lui offre la loi et avant que les autorités investies de la compétence de la forcer à opérer son choix n'aient été mises en mesure d'exercer leurs pouvoirs respectifs, est prématurée et que les demandeurs sont partant à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 26 octobre 2005 par:

M. Ravarani, président, M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 20434
Date de la décision : 26/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-26;20434 ?

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