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26/10/2005 | LUXEMBOURG | N°20412

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2005, 20412


Tribunal administratif N° 20412 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 septembre 2005 Audience publique du 26 octobre 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20412 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2005 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mitrovica (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nat...

Tribunal administratif N° 20412 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 septembre 2005 Audience publique du 26 octobre 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20412 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2005 par Maître Aurore GIGOT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mitrovica (Kosovo/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 septembre 2005, confirmative sur recours gracieux de la décision initiale de refus du 4 août 2005, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été déclarée manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Aurore GIGOT et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 1er juillet 2005, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu le 15 juillet 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa, par lettre du 4 août 2005, que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir que des problèmes personnels avec les membres de la famille de son épouse, mais non pas de crainte raisonnable de persécution pour l’une des raisons prévues par la Convention de Genève. Il ajouta que les craintes du demandeur, en tant qu’Albanais du Kosovo, seraient dénuées de fondement.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 24 août 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 12 septembre 2005.

Par requête déposée le 28 septembre 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle du 12 septembre 2005, confirmative sur recours gracieux de la décision initiale de refus du 4 août 2005.

Une décision prise sur recours gracieux, purement confirmative d'une décision initiale tire son existence de cette dernière, et, dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un seul tout. Il s’ensuit qu’un recours introduit en temps utile contre la seule décision confirmative est valable (cf. trib. adm. 21 avril 1997, n° 9459 du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 112 et autres références y citées).

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la loi prévoirait expressément et exclusivement un recours en annulation en matière de demandes d’asile refusées comme étant manifestement infondées.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demande d’asile déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de ladite loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit donc que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision critiquée.

Le recours en annulation est cependant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel aurait été le cas, dans la mesure où il aurait dû quitter son pays d’origine, le Kosovo, pour échapper aux persécutions de la part des membres de la famille de son épouse qui lui reprocheraient son refus de les entretenir financièrement. Ainsi, il aurait été menacé de mort et brutalisé par ses beaux-frères et le frère aîné de son épouse aurait menacé de le tuer s’il ne lui donnait pas d’argent, de sorte qu’il craignerait pour sa vie en cas de retour dans son pays d’origine. S’y ajoute que ses beaux-frères lui auraient toujours reproché le fait que son propre frère ait épousé une Serbe.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, au motif que les craintes exprimées par le demandeur ne correspondraient à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, mais relèveraient plutôt d’une criminalité de droit commun. Il ajoute que Monsieur … aurait été demandeur d’asile en Belgique de 1998 à 2000 et qu’en août 2004, il aurait été intercepté par les autorités allemandes, de sorte que sa demande d’asile serait abusive. Enfin, il relève qu’en tant qu’Albanais du Kosovo, les craintes du demandeur seraient manifestement dénuées de tout fondement.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité, sans qu'il soit fait état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 107 et autres références y citées ; trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm.

2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent tant du rapport d’audition susvisé du 15 juillet 2005 que de la requête introductive d’instance, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine.

En effet, il se dégage clairement du compte-rendu de son audition que le départ du demandeur de son pays d’origine est exclusivement motivé par des problèmes d’ordre personnel et privé avec les membres de la famille de son ex-épouse. Ainsi, il se plaint de ce qu’il aurait depuis son mariage dû subvenir aux besoins des membres de la famille de son ex-épouse qui seraient tous sans emploi. Il précise que les frères de son épouse auraient commencé à le provoquer, à le frapper et à le menacer lorsqu’il aurait refusé de continuer à subvenir à leurs besoins et à ceux de son ex-épouse et qu’il serait parti pour ne plus avoir à payer.

Ainsi, Monsieur … n’a pas apporté le moindre élément concret et plausible dont il résulterait que les agissements dont il déclare avoir été l’objet de la part des membres de la famille de son ex-épouse, à les supposer établis, aient eu pour origine l’un des motifs de persécution énoncés à l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève, les frères de son ex-épouse, c’est-à-dire de simples personnes privées, ne pouvant manifestement pas être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que la demande d’asile de Monsieur … ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’a rejetée comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 26 octobre 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 20412
Date de la décision : 26/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-26;20412 ?

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