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26/10/2005 | LUXEMBOURG | N°20181

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2005, 20181


Tribunal administratif N° 20181 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2005 Audience publique du 26 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20181 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 juillet 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau d

e l'Ordre des avocats à Luxembourg, nom de Monsieur …, né le … (Algérie), de nationalité...

Tribunal administratif N° 20181 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2005 Audience publique du 26 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20181 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 juillet 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, nom de Monsieur …, né le … (Algérie), de nationalité algérienne, détenu actuellement au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 mars 2004 lui refusant l’entrée et le séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2005 ;

Vu la constitution de nouvel avocat en remplacement de Maître Nicky STOFFEL communiquée par Maître Michel KARP au greffe en date du 19 août 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 septembre 2005 par Maître Michel KARP au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Patrice MBONYUMUTWA, en remplacement de Maître Michel KARP, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 octobre 2005.

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Monsieur … déposa en date du 12 juillet 2001 une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministère du Travail et de l’Emploi, ministère de la Justice et ministère de la Famille, de la Sécurité sociale et de la Jeunesse, autorisation qui lui fut accordée « à titre tout à fait exceptionnel » et sous certaines conditions par courrier daté du 6 septembre 2002 signé par le ministre de la Justice et par le ministre du Travail et de l’Emploi.

Le même service commun lui adressa cependant en date du 30 décembre 2002 un courrier, signé conjointement par le ministre de la Justice et par le ministre du Travail et de l’Emploi, libellé comme suit :

« Monsieur, Nous avons l'honneur de nous référer à notre lettre du 6 septembre 2002 par laquelle nous vous avons informé qu’à titre tout à fait exceptionnel, nous étions d’accord à vous accorder, sous certaines conditions, une autorisation de séjour ainsi qu’un permis de travail.

Nous avons toutefois le regret de vous faire savoir que nous avons l’intention de revenir sur cette décision et de refuser l’autorisation de séjour alors que vous êtes susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

Quant au permis de travail, il résulte de l’article 9 bis du règlement grand-

ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché du Luxembourg que le retrait de l’autorisation de séjour vaut retrait du permis de travail. Comme un refus de l’autorisation de séjour équivaut à un retrait, la délivrance d’un permis de travail est impossible.

Me référant à l’article 9 bis du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, je vous prie de bien vouloir me faire part de vos observations pour le 15 janvier 2003 au plus tard.

Copie de la présente est adressée à Monsieur le Ministre de la Justice, à Monsieur le Ministre du Travail et de l’Emploi et à Madame le Directeur de l’Administration de l’Emploi.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments très distingués. » Par courrier daté du 13 janvier 2003, le mandataire d’alors de Monsieur …, Maître Nicky STOFFEL, s’adressa au service commun pour obtenir notamment communication du dossier administratif, et en particulier des « précisions et pièces quant à ce prétendu risque afin de prendre position en connaissance de cause ».

Par courrier du 12 février 2003, le ministre de la Justice informa l’avocat qu’il lui serait loisible de prendre inspection du dossier au ministère.

Par courrier du 12 mars 2004, le ministre de la Justice refusa l’autorisation d’entrée et de séjour à Monsieur… pour les motifs suivants :

« Monsieur, J’ai l’honneur de me référer à votre demande que vous avez déposée en date du 12 juillet 2001 auprès du Service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse par laquelle vous sollicitez une autorisation de séjour en votre faveur.

Il ressort d’un réexamen de votre dossier que vous ne m’avez pas fait part de vos observations avant le 15 janvier 2003, suite au courrier du Service commun du 30 décembre 2002 concernant un refus éventuel de l’autorisation de séjour alors que vous êtes susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

Par conséquent, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête, alors que, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1 ° l’entrée et le séjour des étrangers; 2° le contrôle médical des étrangers; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour peut être refusée à l’étranger qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics. En outre, une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Etant donné que vous vous trouvez en séjour irrégulier au Luxembourg, vous êtes invité à quitter le pays dans les meilleurs délais. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois.

Je vous prie, Monsieur, de croire en l’expression de ma considération distinguée (…) ».

Par requête déposée le 28 juillet 2005, Monsieur… a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 12 mars 2004 lui refusant l’entrée et le séjour.

A l’appui de son recours, le demandeur affirme de prime abord que la décision déférée ne lui aurait jamais été notifiée en bonne et due forme, de sorte que les délais impartis pour agir en justice n’auraient pas commencé à courir.

Le délégué du Gouvernement, pour sa part, conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière, ainsi qu’à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation pour cause de tardiveté.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

En ce qui concerne la recevabilité du recours subsidiaire en annulation ratione temporis, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 13 alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, « sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».

Alors même que la loi n’a pas fixé la forme de la notification administrative des décisions individuelles et qu’il suffit que l’acte soit porté à la connaissance de l’intéressé par l’administration, il n’en demeure cependant pas moins que la notification ne se présume pas et que la charge de la preuve de la notification et de la date de la réception de la décision en question par le destinataire incombe à l’administration dont elle émane (trib. adm. 25 septembre 2000, n° 11835 du rôle, Pas.

adm. 2004, V° procédure contentieuse, n° 120, et autres décisions y citées).

En l’espèce, force est au tribunal de constater que le recours, déposé en date du 28 juillet 2005, a été introduit à l’encontre d’une décision datée du 12 mars 2004 notifiée au 36, rue d’Audun à Esch-sur-Alzette, mais retournée à son expéditeur - le ministre de la Justice - en date du 18 mars 2004 avec l’indication que le destinataire serait parti de l’adresse indiquée.

Il résulte encore du mémoire en réplique déposé par le demandeur que celui-ci habiterait en fait à Esch-sur-Alzette au numéro 9 de la rue d’Audun, le demandeur versant à ce propos aux débats un document pré-imprimé, intitulé « attestation testimoniale », et paraphé illisiblement par un dénommé Luis COSTA qui y affirme que le demandeur n’habiterait plus depuis fin décembre 2001 au « 36, rue d’aucun (sic), à Esche-sur-Alzette (re-sic) ».

Il s’ensuit que le tribunal est de prime abord appelé à analyser la valeur de la notification de la décision déférée faite au 36, rue d’Audun à Esch-sur-Alzette au regard des exigences ci-avant exposées.

Le tribunal à ce sujet est amené à constater que le premier conseil juridique de Monsieur… a indiqué dans son courrier daté du 13 janvier 2003 en tant qu’adresse de son mandant le numéro 36, rue d’Audun, à Esch-sur-Alzette.

Il résulte encore du dossier que Monsieur… a fait l’objet d’une demande de signalement adressée à la police grand-ducale en date du 31 mars 2003 aux fins de découvrir sa résidence, signalement qui eut pour conclusion datée du 29 novembre 2003 (« Erledigung des Signalements ») que Monsieur… indiquait en tant qu’adresse officielle le numéro 36, rue d’Audun, à Esch-sur-Alzette.

Il s’ensuit qu’à la date de la décision déférée, à savoir le 12 mars 2004, le ministre a pu valablement considérer en tant que domicile, sinon résidence, du demandeur le numéro 36, rue d’Audun, à Esch-sur-Alzette, adresse d’ailleurs toujours indiquée dans le recours introductif d’instance daté du 28 juillet 2005.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation faite par le demandeur dans le cadre du mémoire en réplique selon laquelle il n’habiterait plus depuis 2001 à cette adresse, mais au numéro 9 de la même rue, cette affirmation, outre qu’elle n’est étayée d’aucune pièce - le document intitulé « attestation testimoniale » restant en défaut de remplir les conditions de validité prescrites par l’article 402 du Nouveau Code de procédure civile – se trouvant en contradiction avec les constatations faites en date du 29 novembre 2003 par la police grand-ducale.

Le tribunal relève de surcroît que le demandeur était intervenu presque immédiatement par le biais de son avocat suite à l’envoi du courrier du service commun daté du 30 décembre 2002 au numéro 36, rue d’Audun, à Esch-sur-Alzette, ce qui atteste du fait qu’il résidait à cette date encore à cette adresse, contrairement à ce qu’il fait actuellement plaider.

Le tribunal tient par ailleurs à souligner qu’il aurait en tout état de cause appartenu au demandeur de signaler le cas échéant son changement de résidence au service commun auprès duquel il avait déposé une demande de régularisation, et de respecter les formalités légales à remplir par les étrangers séjournant au pays, consistant notamment à déclarer sa résidence auprès de l’administration communale compétente, le choix manifeste du demandeur de demeurer dans la clandestinité ne pouvant en aucun cas avoir pour conséquence de lui aménager des délais de recours illimités en lui permettant d’exciper du fait qu’il n’aurait, à défaut d’adresse connue, pu être valablement touché par les décisions administratives.

Il s’ensuit que la décision déférée du 12 mars 2004 doit être considérée comme ayant été valablement notifiée à la dernière adresse connue du demandeur au cours du mois de mars 2004, de sorte que le recours déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 juillet 2005, l’a été en dehors du délai prescrit par l’article 13 alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée.

Il s’ensuit que le recours est irrecevable pour avoir été déposé en dehors du délai légal.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 octobre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20181
Date de la décision : 26/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-26;20181 ?

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