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26/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19915

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2005, 19915


Tribunal administratif N° 19915 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juin 2005 Audience publique du 26 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19915 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), alias … ,

né en 1984 au Libéria, alias … , né le 10 décembre 1969 à Freetown (Liberia), alias … , né...

Tribunal administratif N° 19915 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juin 2005 Audience publique du 26 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19915 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), alias … , né en 1984 au Libéria, alias … , né le 10 décembre 1969 à Freetown (Liberia), alias … , né le 15 mai 1981 à Sao Jorge (Portugal), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 23 mars 2005 par laquelle sa demande en reconnaissance du statut de réfugié fut rejetée comme étant non fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 2 mai 2005 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 août 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 24 octobre 2005 et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES qui s’est référée au mémoire écrit de la partie publique.

En date du 28 janvier 2004, le dénommé … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 28 juin 2004, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 23 mars 2005, notifiée en mains propres le 5 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … que sa demande avait été refusée comme non fondée en constatant en premier lieu que nonobstant déclaration formelle de sa part d’être venu directement du Nigeria via la Libye et de n’avoir jamais séjourné auparavant en Europe, il résulterait des informations en ses mains, notamment d’un rapport du Service de Police Judiciaire, section des stupéfiants du 6 août 2004, qu’il serait connu en Espagne sous le nom de … , né au Libéria, et qu’il résulterait par ailleurs d’un courrier du parquet du Tribunal d’Arrondissement du Luxembourg du 4 octobre 2004 qu’il serait également connu en France sous le nom … , né à Libéria, de sorte que sa demande pourrait être rejetée comme étant manifestement infondée pour avoir fait délibérément de fausses déclarations au sujet de sa demande, et, a fortiori, comme étant non fondée sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire. Le ministre relève en outre que le demandeur avait été arrêté à l’aéroport de Luxembourg en possession d’un faux passeport portugais alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour Londres. Le ministre retient en outre que le récit présenté par Monsieur … présenterait différentes contradictions et invraisemblances entachant sa crédibilité et que de toute façon, même à supposer les faits par lui allégués comme étant établis, ils ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié.

Le ministre a retenu finalement que Monsieur … serait resté en défaut de fournir une explication satisfaisante relativement au fait de ne pas avoir profité d’abord d’une possibilité de fuite interne avant de se diriger vers le Luxembourg.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 26 avril 2005 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 23 mars 2005 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 2 mai 2005, il a fait introduire, par requête déposée en date du 6 juin 2005, un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre des deux décisions ministérielles prévisées des 23 mars et 2 mai 2005.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait exposer qu’il aurait été contraint de quitter son village au Nigeria en raison du fait qu’il était membre du culte « Neo Black Movement of Africa aka Black Axe ». A ce titre, il expose qu’en 1997 les autres membres de ce groupement l’auraient suspecté d’être un espion et de travailler pour la police. Pour le faire avouer les faits reprochés, les autres adeptes du culte l’auraient séquestré et torturé, mais il aurait réussi à s’échapper. Il n’aurait pas dénoncé ces faits à la police par manque de confiance en elle et il aurait préféré quitter le Nigeria, ne se sentant plus « en sécurité en Afrique ».

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est en effet de constater que la décision ministérielle litigieuse du 23 mars 2005 telle que confirmée le 2 mai 2005 est basée notamment sur ce que le demandeur a délibérément fait de fausses déclarations qui jettent un doute sérieux sur son identité réelle, d’autant plus qu’il ne présente aucune pièce d’identité et qu’il a utilisé différentes identités, de sorte que ses mensonges entachent sérieusement la crédibilité et la véracité de l’ensemble de ses déclarations. La décision précise encore qu’il ne présente pas de récit crédible et cohérent notamment en ce qui concerne son voyage en Europe et ses dires sur les tortures dont il prétend avoir été victime, le demandeur ayant entre autres soutenu avoir été protégé par un « serment vaudou », de sorte que les balles de fusils tirées sur lui et les coups de manchettes lui infligés ne l’auraient pas blessé. Bien que ces mensonges et le manque de crédibilité furent ainsi expressément et explicitement relevés à l’appui de la décision de refus litigieuse initiale, le tribunal constate que le demandeur, aussi bien dans le cadre de son recours gracieux que dans le cadre de la procédure contentieuse sous examen, reste en défaut de rencontrer, ne serait-ce que par un début d’explication, la motivation ainsi retenue à la base de la décision litigieuse. En effet, au-

delà de réexposer sommairement ce qu’il a déclaré dans le cadre de son audition, il n’a fourni aucun élément susceptible d’éclaircir les doutes pourtant concrètement libellés par le ministre à l’appui de sa décision, de sorte que le tribunal, appelé à apprécier le bien-

fondé d’une décision lui soumise dans le cadre des moyens présentés pour justifier une réformation éventuelle, n’a pas été utilement mis en mesure de constater une éventuelle erreur d’appréciation commise par le ministre lors de l’évaluation de la crédibilité de la situation personnelle et du récit présenté par Monsieur ….

Au vu des considérations qui précèdent, le recours en réformation laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 octobre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19915
Date de la décision : 26/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-26;19915 ?

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