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26/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19619

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2005, 19619


Numéro 19619 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2005 Audience publique du 26 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, … (D) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19619 du rôle, déposée le 7 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à D-…, tendant à

la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du ...

Numéro 19619 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2005 Audience publique du 26 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, … (D) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19619 du rôle, déposée le 7 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à D-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 5 janvier 2005 déclarant irrecevable la réclamation introduite pour son compte contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2002 émis le 31 juillet 2003 à son encontre;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2005;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2005 par Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en sa plaidoirie à l’audience publique du 19 octobre 2005.

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En date du 31 juillet 2003, le bureau d'imposition Luxembourg Y de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes émit à l’égard de Monsieur …, préqualifié, un bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2002.

Par courrier du 7 août 2003, le conseil fiscal F.T., demeurant à Mülheim an der Ruhr (D), déclarant avoir été mandaté à cet effet, introduisit pour compte de Monsieur … une réclamation devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », à l’encontre de ce bulletin d’impôt du 31 juillet 2003.

Suivant courriers des 3 mars, 28 juin et 25 octobre 2004, Monsieur … rappela au directeur l’existence de sa réclamation du 31 juillet 2003 et l’invita à y statuer.

Par lettre du 21 décembre 2004, le directeur informa Monsieur … que sa réclamation avait été enregistrée sous le numéro C 12112 du rôle et lui demanda de désigner un représentant au Luxembourg chargé de recevoir la notification de la décision directoriale à intervenir, demande à laquelle Monsieur … donna suite par courrier du 3 janvier 2005.

Suivant décision du 5 janvier 2005, le directeur écarta cette réclamation du 31 juillet 2003 comme irrecevable pour défaut de mandat aux motifs énoncés comme suit :

« In Erwägung, dass nach Luxemburger Recht, in allen Verfahrensarten, um andere zu vertreten, eine ausdrückliche und besondere Vollmacht ad litem erforderlich ist (Art. 106 NCPC; Conseil d’Etat 14.01.1986, Nr. 6514; Trib. adm. 16.06.1999, Nr. 10724; Cour adm.

21.12.1999, Nr 11382C);

In Erwägung, dass, mangels einer der Rechtsmittelschrift beiliegenden, gültigen Vollmacht, der Deponent, per Schreiben wiederholt, in Ergänzung des Verfahrens, aufgefordert wurde, seine ausdrückliche und besondere Bevollmächtigung für die vorliegende Streitsache nachzuweisen, welchen Aufforderungen keine Folge geleistet wurde;

In Erwägung, dass somit festzustellen ist, dass keine ausdrückliche und besondere Vollmacht ad litem zur Zeit der Einreichung der Rechtsmittelschrift bestand;

In Erwägung, im übrigen, dass sich der Rechtsmittelführer dadurch beschwert fühlt, weil das Steueramt keinen „Abzugsbetrag“ für seine Tochter gewährt hätte;

In Erwägung, dass die Akteneinsicht erweist, dass das Steuerbüro den gesetzlichen Bestimmungen entsprach indem es dem Reklamanten Steuerklasse 2.01 zuerkannte;

dass es nach Luxemburger Steuerrecht keine anderen „Abzugsbeträge“ für Kinder gibt, wodurch selbst eine zulässige Reklamation hinfiele ».

Par requête déposée le 7 avril 2005, Monsieur … a introduit à l’encontre de cette décision directoriale du 5 janvier 2005 un recours contentieux à travers lequel il déclare exercer la voie de recours du « Widerspruch ».

En présence d’un contribuable exerçant sans l’assistance d’un professionnel de la postulation les voies de recours lui ouvertes contre une décision directoriale, la désignation impropre, dans la requête introductive, de la voie de recours par lui exercée n’est pas de nature à affecter la recevabilité de son recours du moment qu’il se dégage par ailleurs du contenu de la requête introductive qu’il a entendu exercer contre cette décision la voie de recours lui ouverte par la loi.

En l’espèce, nonobstant l’utilisation par le demandeur du terme « Widerspruch » et donc l’indication d’une voie de recours non prévue par la législation luxembourgeoise à l’encontre d’une décision directoriale statuant sur une réclamation contre un bulletin d’impôt, il ressort du libellé de la requête introductive que le demandeur entend contester le bien-fondé de la décision directoriale et conclut en substance à la reconnaissance du mandat par lui conféré et au fond à la reconnaissance d’un trop-payé d’impôt sur le revenu. Il en découle que le demandeur a en fait entendu exercer un recours en réformation à l’encontre de la décision directoriale du 5 janvier 2005.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours devant être considéré comme tendant à la réformation de la décision directoriale du 5 janvier 2005.

Le délégué du gouvernement conteste la recevabilité du recours en faisant valoir qu’un recours contentieux ne pourrait être introduit que par une personne qui était déjà partie à l’instance antérieure et qu’à défaut de mandat conféré à son conseil fiscal par le demandeur déjà au moment de la réclamation, ce dernier n’aurait pas été partie à l’instance devant le directeur.

Ce moyen est cependant à écarter, étant donné qu’en qualité de destinataire direct de la décision directoriale litigieuse du 5 janvier 2005, le demandeur doit être considéré comme partie à cette instance ayant un intérêt suffisant pour faire vérifier le bien-fondé de cette décision.

Le recours sous analyse est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur déclare conférer ex post (« im nachhinein ») ce mandat tout en précisant qu’il a personnellement émis tous les courriers subséquents de rappel dans le cadre de sa réclamation. Il sollicite l’envoi d’une invitation écrite du directeur à son conseil fiscal pour lui conférer l’occasion de justifier de son mandat et ajoute que ce dernier affirme ne pas avoir reçu jusque lors pareille invitation.

Le paragraphe 238 AO, qui prévoit notamment que le destinataire d’un bulletin de l’impôt est autorisé à introduire une réclamation contre celui-ci, dispose que ce destinataire du bulletin de l’impôt peut se faire représenter conformément au paragraphe 102 (2) AO, ce paragraphe disposant par ailleurs que les règles du droit civil sont applicables en droit fiscal quant à la capacité d’agir des personnes privées. Ce paragraphe renvoie donc aux règles du code civil sur le mandat en l’absence de dispositions spécifiques dans l’AO.

L’acte d’introduire une réclamation devant le directeur, eu égard plus particulièrement au risque y inhérent de voir l’imposition revue le cas échéant in pejus, présente un risque de voir modifier de manière permanente et irrévocable la situation de l’intéressé. Une procuration afférente doit dès lors être expresse et spéciale et renseigner clairement l’intention du mandant d’investir le mandataire du pouvoir d’agir par la voie d’une réclamation à l’encontre d’une décision déterminée avec toute la précision requise (trib. adm. 8 mai 2000, n° 11431, Pas. adm. 2004, v° Impôts, n° 333).

En l’espèce, il découle des éléments incontestés en cause que le conseil fiscal F.T. a certes introduit la réclamation du 7 août 2003 en affirmant agir pour compte du demandeur (« namens und im Auftrag meines oben genannten Mandanten »), mais qu’il n’a point soumis avec ladite réclamation un document écrit qui prouverait l’existence d’un tel mandat de la part du demandeur pour l’introduction d’une réclamation devant le directeur contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2002.

Le directeur était partant en droit, sur base du paragraphe 254 (2) AO, suivant lequel « Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen », d’inviter l’auteur de la réclamation à produire devant lui une procuration documentant qu’à la date de l’introduction de la réclamation, en l’occurrence le 7 août 2003, le signataire de celle-ci fut investi d’un mandat valable. D’après les éléments du dossier administratif, le directeur a usé de cette prérogative en adressant le 13 août 2003 un courrier à Monsieur F.T. invitant ce dernier à lui soumettre un mandat ad litem.

Indépendamment de la question de savoir si ce courrier du 13 août 2003 est parvenu ou non à Monsieur F.T. et s’il a partant eu l’occasion d’adresser au directeur un tel mandat, il échet de constater que le demandeur n’a pas versé en cause devant le tribunal une procuration écrite émise par lui avant l’introduction de la réclamation du 7 août 2003 ou certifiant l’existence d’un mandat à la date du 7 août 2003, mais qu’il a seulement déclaré dans sa requête introductive que « ich erteile hiermit im nachhinein Herrn F.T. diese Vollmacht ».

Il découle de ces éléments que cette procuration tend seulement à conférer rétroactivement un mandat qui n’a partant pas existé lors de l’introduction de ladite réclamation antérieure en date, de manière qu’elle n’établit pas l’existence d’un mandat à la date de l’introduction de la réclamation.

Or, s’il est vrai que le contribuable est en droit de produire matériellement une procuration, même suite à la demande du directeur en vue de la soumission d’une preuve écrite du mandat dans le chef de celui qui a introduit une réclamation, il n’en reste pas moins que ce mandat doit avoir existé dès l’introduction de la réclamation auprès du directeur et cette antériorité au dépôt de la réclamation doit ressortir clairement du libellé de la procuration émanant du contribuable concerné.

A défaut de la preuve de l’existence d’un mandat conféré par le demandeur à Monsieur F.T. au moment de l’introduction par ce dernier de la réclamation en cause du 7 août 2003, c’est dès lors à bon droit que le directeur a déclaré ladite réclamation irrecevable faute de qualité. Il s’ensuit que le recours est à déclarer non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 26 octobre 2005 par le premier juge en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHROEDER 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19619
Date de la décision : 26/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-26;19619 ?

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