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24/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19932

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 octobre 2005, 19932


Tribunal administratif N° 19932 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2005 Audience publique du 24 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19932 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2005 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeuran...

Tribunal administratif N° 19932 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2005 Audience publique du 24 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19932 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2005 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 mai 2005 par laquelle ledit ministre a déclaré non fondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2005 pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Virginie VERDANET, en remplacement de Maître François MOYSE, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 octobre 2005.

Le 5 janvier 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en outre en date du 20 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 10 mai 2005, notifiée par lettre recommandée du 11 mai 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, se fondant notamment sur un avis émis par la commission consultative pour les réfugiés daté du 23 décembre 2004, l’informa que sa demande avait été refusée aux motifs qu’il n’aurait allégué aucune crainte raisonnable de persécution entrant dans le cadre de l’article 1er, A, 2. de la Convention de Genève.

Dans le cadre de son avis du 23 décembre 2004 annexé à ladite décision pour en faire partie intégrante, la commission consultative pour les réfugiés a retenu plus particulièrement que Monsieur … n’apporterait pas de preuve ou d’indices suffisamment pertinents pour établir la réalité des craintes alléguées, en particulier d’un emprisonnement auquel il serait exposé à son retour en Tunisie. Elle a relevé en outre que parmi les documents remis par le mandataire du demandeur se trouvent des documents concernant la situation générale en Tunisie, très préoccupante du point de vue des droits de l’homme, mais que au-delà du fait que ces documents datent pour la plupart de 1999 et 2001, partant d’une période antérieure aux problèmes évoqués par Monsieur …, ils concernent des personnes activement engagées dans la lutte en faveur des droits de l’homme, engagement auquel le demandeur serait cependant étranger, pour conclure que le simple fait qu’il y ait des violations des droits de l’homme en Tunisie ne saurait à lui seul suffire pour admettre que l’intéressé lui-même soit également exposé à de telles violations.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 10 mai 2005.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles critiquées. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre compétent d’avoir commis une erreur d’appréciation en refusant sa demande d’asile, au motif que dans sa fonction de président de l’Union tunisienne de l’Industrie et de l’Artisanat (UTICA) il aurait été amené à critiquer l’Etat à diverses reprises et que ces critiques lui auraient valu plusieurs passages en prison sous l’accusation d’être communiste et contre la mondialisation. Il insiste avoir subi, lors de divers interrogatoires, des insultes et des maltraitances, de sorte à avoir été contraint de quitter son pays finalement en décembre 2003. Dans la mesure où les traitements ainsi épinglés auraient été dus au fait qu’il faisait partie d’un groupe social déterminé et qu’il aurait dénoncé le « système de copinage », il estime que ses craintes d’être à nouveau condamné à une lourde peine d’emprisonnement en cas de retour forcé dans son pays seraient justifiées et devraient lui valoir l’octroi du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement rétorque que l’UTICA aurait pignon sur rue en Tunisie et que ses membres ne risqueraient certainement aucune persécution du seul fait de leur appartenance à ce groupe. Il se réfère pour le surplus à la conclusion de la commission consultative relative à l’absence d’élément tangible produit par le demandeur permettant d’étayer sa crainte de persécution en cas de retour dans son pays d’origine.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur le caractère cohérent et crédible de son récit ainsi que sur le fait que ses arrestations ont eu lieu juste après ses interventions lors de réunions de l’UTICA, pour conclure qu’au vu de ces différents éléments, il serait établi qu’il remplit les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, alors que le récit du demandeur traduit essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait produit le moindre élément tangible susceptible de sous-

tendre utilement son récit.

Dans ces conditions le tribunal ne saurait dès lors utilement mettre en cause le bien-fondé de la décision litigieuse ensemble la conclusion de la commission consultative pour les réfugiés en faisant partie intégrante.

Le recours en réformation laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 octobre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19932
Date de la décision : 24/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-24;19932 ?

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