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24/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19743

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 octobre 2005, 19743


Tribunal administratif N° 19743 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2005 Audience publique du 24 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de port d’armes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19743 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 avril 2005 par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la ré

formation d’une décision du ministre de la Justice du 27 janvier 2005 rejetant sa demande en ...

Tribunal administratif N° 19743 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2005 Audience publique du 24 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de port d’armes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19743 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 avril 2005 par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 27 janvier 2005 rejetant sa demande en renouvellement de son autorisation pour le port d’armes de sport ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 août 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 septembre 2005 par Maître Claude WASSENICH au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Lise REIBEL, en remplacement de Maître Claude WASSENICH, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 octobre 2005.

Par une décision du 27 janvier 2005, le ministre de la Justice refusa de faire droit à une demande en renouvellement d’une autorisation de port d’armes introduite le 30 novembre 2004 par Monsieur ….

Ladite décision a la teneur suivante :

« Monsieur, J’ai l'honneur de me référer à votre demande du 30 novembre 2004 par laquelle vous sollicitez le renouvellement de votre autorisation de port d’arme de sport no. 22-2-327417 du 17 décembre 2001.

Force est de constater que vous avez fait l’objet de la condamnation prononcée le 24 janvier 2001 par le Tribunal correctionnel de Luxembourg pour la détention illégale d’une arme prohibée ainsi que le transport sans autorisation ministérielle d’un fusil FN BROWNING cal. 12, arme figurant sur le permis de port d’arme précité.

Il résulte du jugement précité qu’il est à craindre que vous ne fassiez un mauvais usage d’armes à feu en votre possession de sorte que l’autorisation sollicitée est refusée en application de l’article 16 alinéa 2 de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.

Je me permets encore de vous rendre attentif au fait qu’en exécution de la présente décision vous êtes invité à vous dessaisir des armes en votre possession, soit en les remettant provisoirement à un commissariat de Police, soit en les cédant directement et à titre définitif à une personne autorisée ou à autoriser par le Ministère de la Justice, telle qu'un armurier.

Copie de la présente est transmise pour information à la Direction de la Police grand-

ducale.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à introduire dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision par une requête signée par un avocat à la Cour.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués. (…) ».

Par requête déposée en date du 27 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation, à l’encontre de cette décision ministérielle de refus Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm.

4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 3 et autres références y citées).

Etant donné que ni la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions, ni aucune autre disposition légale ne prévoient la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre subsidiaire.

Le recours en annulation, formé en ordre principal est, pour sa part, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … estime que les faits invoqués par le ministre ne seraient pas de nature à justifier à eux seuls la décision déférée. S’il admet avoir fait l’objet d’une condamnation en date du 24 janvier 2001, il souligne néanmoins que les faits lui reprochés remontaient aux 4 et 5 avril 1999, soit à une date antérieure à celle de sa demande initiale en autorisation de port d’armes, autorisation accordée le 17 décembre 2001 par le ministre de la Justice.

Il fait encore plaider que depuis le jour des faits lui reprochés, il n’aurait plus commis de faits similaires et que son casier ne renseignerait pas plus de condamnations pouvant donner à craindre un comportement dangereux dans son chef.

Enfin, il relève que la pratique du tir sportif, pratique qui lui serait interdite par la décision déférée, réunirait « l’ensemble des enfants de la famille et ce depuis de nombreuses années », de sorte que la décision ministérielle déférée serait contraire à l’article 16 de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions en ce que le refus déféré serait en inadéquation avec la situation de fait présentée.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, il fait plaider que lors des faits qui lui seraient actuellement toujours reprochés il n’y aurait « jamais eu de blessé ou d’usage », et que le ministre ne saurait indéfiniment lui reprocher une faute commise dans le passé, ce passé devant être considéré, à l’instar de la matière des condamnations pénales, comme étant effacé par le passage du temps.

Le demandeur fait encore plaider que le ministre ne pouvait pas valablement se contenter de se référer à une procédure et à une décision juridictionnelle antérieure, mais qu’il lui aurait appartenu de justifier pourquoi il estime que le demandeur ne bénéficierait pas, actuellement, des conditions de moralité requises par l’article 16 de la loi modifiée du 15 mars 1983 précitée.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine application de la loi, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours.

En ce qui concerne les motifs avancés par le ministre pour justifier sa décision de refus, il y a lieu de rappeler que le juge administratif vérifie les faits formant la base de la décision administrative qui lui est soumise et examine si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la décision prise est proportionnelle par rapport aux faits établis.

Les dispositions pertinentes des articles 16 et 18 combinés de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions disposent, d’une part, que « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables. L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvais usage de l’arme » et, d’autre part, que « les autorisations accordées sont essentiellement révocables (…) ».

Il résulte de la combinaison des deux dispositions légales précitées que la révocation ou le refus d’une autorisation de porter des armes et munitions est possible, d’une part, lorsqu’il est établi que l’intéressé n’a plus de motifs valables pour requérir l’autorisation de port d’armes, et, d’autre part, même au cas où des motifs valables persisteraient, sur base de considérations fondées sur le comportement, l’état mental ou les antécédents portant à craindre que le titulaire fasse un mauvais usage de l’arme.

En l’espèce, il échet de constater que le ministre de la Justice s’est basé sur le deuxième cas de figure lui permettant de révoquer, ou comme en l’espèce, de ne pas renouveler une autorisation de porter des armes.

En matière d’armes prohibées, le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer, de refuser, voire de retirer l’autorisation de porter des armes, à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire. (trib.

adm 27 mars 1997, n° 9597; Pas. adm. 2004, v° Armes prohibées, n° 1, p.53, et autres références y citées.

Il résulte des éléments du dossier administratif librement discutés en cause que suivant jugement définitif du tribunal correctionnel de Luxembourg du 24 janvier 2001 le demandeur s’est vu condamner à une amende de 20.000 francs pour avoir, dans la nuit du 4 au 5 avril 1999, détenu des armes et munitions sans autorisations ministérielles, à savoir un revolver de poche ainsi qu’un pistolet et quelque 150 cartouches, et pour avoir transporté, toujours sans autorisation, une arme de catégorie II, à savoir un fusil de trap.

Or tout comme la gravité de la décision d’accorder une autorisation de porter une arme impose au ministre de faire application de critères très restrictifs pour la reconnaissance de motifs valables y relatifs (trib. adm. 11 novembre 2002, n° 4888, confirmé par arrêt du 4 février 2003, n° 15655C, Pas. adm. 2004, V° Armes prohibées, n° 2), celle de renouveler pareille autorisation appelle une démarche également rigoureuse de la part de l’autorité administrative amenée à statuer.

Aussi, au regard des faits ainsi toisés par le jugement définitif du 24 janvier 2001, précité, le ministre a valablement pu, à travers sa décision déférée, retenir que compte tenu de ce comportement, caractérisé par une attitude peu respectueuse de la législation en la matière, l’intéressé ne fasse un mauvais usage d’armes, de sorte que c’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que le ministre a pu valablement prendre la décision de refus actuellement déférée au regard des faits et motifs par lui énoncés de façon étayée.

Cette conclusion n’est pas énervée par le reproche adressé par le demandeur à la décision déférée selon lequel les faits lui reprochés seraient antérieurs à la demande initiale, de sorte que le ministre aurait dû logiquement également lui refuser l’autorisation initiale de port d’armes de sport, étant donné que l’Etat explique de manière cohérente la raison précise pourquoi cette information importante n’a pas été communiquée à l’autorité de décision, l’Etat prenant d’ailleurs soin de préciser que si le ministre de la Justice avait eu connaissance de cette infraction, il n’aurait pas manqué de refuser déjà à l’époque également l’autorisation initiale.

Est pareillement à écarter l’argument selon lequel le demandeur n’aurait depuis 1999 plus commis d’infraction à la législation en la matière, de sorte que le ministre ne saurait lui reprocher « indéfiniment » la faute commise.

Il convient en effet de souligner à ce sujet que le tribunal n’est saisi que d’une décision refusant à la date du 27 janvier 2005 le renouvellement de l’autorisation de port d’armes, de sorte qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur les intentions futures prêtées au ministre par le demandeur, même si celui-ci perçoit la décision de refus déférée comme constituant une sanction à durée illimitée dans le temps.

Aussi, si le ministre a estimé, au vu de la gravité des faits retenus à charge du demandeur et de la politique générale par lui suivie consistant à refuser le renouvellement d’une autorisation en la matière en cas de condamnation subie en matière de port et de détention d’armes, que celui-ci a encore présenté, à la date de la décision déférée, un risque de faire mauvais usage de l’arme, le tribunal, pour sa part, est amené à déclarer fondée cette analyse au vu de la nécessité pour chaque détenteur d’armes prohibées, et plus particulièrement d’armes à feu, de présenter une attitude particulièrement respectueuse de la législation afférente ainsi qu’un sens aigu des responsabilités.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre, compte tenu des éléments établis en cause, n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi modifiée du 15 mars 1983 en rejetant la demande en renouvellement d’un permis de port d’armes, et il a donc légalement pu refuser à cette date le renouvellement de l’autorisation de port d’armes sollicité, sans que cette conclusion ne préjuge cependant du sort à réserver à une éventuelle future demande en renouvellement ou en obtention d’un permis de port d’armes.

Il s’ensuit que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

En ce qui concerne la demande en octroi de l’effet suspensif telle que basée sur l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il y a lieu de souligner, outre que le demandeur reste en défaut de préciser en quelle mesure l’exécution de la décision de refus risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif, que la décision de refus de renouveler un permis d’ores et déjà expiré telle que déférée ne modifie pas la situation de droit antérieure, caractérisée précisément par l’absence d’autorisation de port d’armes valable dans le chef du demandeur, de sorte que la mesure sollicitée tendant à voir accorder l’effet suspensif du recours est à rejeter pour être sans objet.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

rejette la demande en effet suspensif du recours ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 octobre 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lamesch, juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19743
Date de la décision : 24/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-24;19743 ?

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