La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2005 | LUXEMBOURG | N°20429

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 octobre 2005, 20429


Tribunal administratif Numéro 20429 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 octobre 2005 Audience publique du 19 octobre 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20429 du rôle et déposée le 10 octobre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serb...

Tribunal administratif Numéro 20429 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 octobre 2005 Audience publique du 19 octobre 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20429 du rôle et déposée le 10 octobre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 septembre 2005 prorogeant pour une nouvelle durée d’un mois une mesure de placement audit Centre de séjour provisoire instituée à son égard suivant décision du même ministre du 2 septembre 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2005 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 octobre 2005.

__________________________________________________________________________

Le 2 septembre 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 2 septembre 2005 ;

Considérant qu’il existe d’un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; » Par décision du 29 septembre 2005, le ministre prorogea ce placement pour une nouvelle durée d’un mois au motif notamment « qu’un laissez-passer a été demandé aux autorités serbo-monténégrines ;

-

qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement » :

Par requête déposée le 10 octobre 2005 au greffe du tribunal administratif Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de prorogation prévisée du 29 septembre 2005 ;

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur … fait exposer qu’une décision de placement présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure en raison d’une circonstance de fait, pour conclure à l’illégalité de la décision litigieuse en raison de son défaut d’indication de la date réalisable de son transfert vers son pays d’origine. Il se réfère plus particulièrement à un accord entre le gouvernement du Grand-

Duché de Luxembourg et le gouvernement fédéral de la République de Yougoslavie relatif à la réadmission de personnes qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée ou de séjour sur le territoire de l’autre Etat membre, signé à Belgrade le 19 juillet 2002, pour soutenir qu’il existerait en l’espèce une possibilité effective de procéder à son éloignement sans autre délai et conclure, par voie de conséquence, au non-respect d’une condition essentielle en la matière, en l’occurrence celle d’une impossibilité de refoulement.

Le demandeur conclut ensuite au caractère disproportionné de la décision litigieuse tant au regard de sa situation personnelle qu’au regard des conditions légales en faisant valoir qu’il ne saurait faire l’objet d’une mesure de rétention en raison de son état de santé mentale.

Le délégué du Gouvernement rétorque qu’en date du 2 septembre 2005, l’UNMIK a été saisie en vue de l’organisation du rapatriement de Monsieur …, qu’en date du 22 septembre 2005, un rappel a été adressé audit organisme, qu’un accord de principe fut émis le même jour, mais que malgré cet accord quant au rapatriement, l’UNMIK a émis des réserves en rapport avec l’état de santé de l’intéressé. Il signale ensuite qu’après avoir envisagé dans un premier temps le retour volontaire, sans escorte, de Monsieur … à Pristina, le service de police judiciaire aurait estimé, au vu de l’état psychiatrique de l’intéressé, qu’un rapatriement sous escorte était devenu indispensable. Or, dans ces circonstances l’UNMIK devrait impérativement être au courant de tous les aspects médicaux, au risque que la police frontalière du Kosovo refuserait d’admettre la personne concernée. Ainsi, le rapport médical versé au dossier par le mandataire de Monsieur … aurait été transmis en date du 11 octobre 2005 au Kosovo en tant que complément à la demande initiale adressée à l’UNMIK, de sorte que dès l’accord de cet organisme, le service de police judiciaire sera en mesure d’organiser concrètement le rapatriement de l’intéressé. Il estime ainsi qu’au vu de la spécificité de ce cas, il serait clairement établi qu’à l’heure actuelle il y a impossibilité de refoulement dans le chef de Monsieur … dans l’attente d’un accord de l’UNMIK qui, pour tout rapatriement vers le Kosovo et à plus forte raison encore en cas de retour sous escorte, doit impérativement donner son accord.

Quant au caractère approprié ou non du Centre de séjour provisoire de Schrassig, le représentant étatique fait valoir que le demandeur resterait en défaut de prouver ses affirmations.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur le caractère inapproprié du lieu de placement retenu.

L’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Au vu du libellé dudit article 15, paragraphe 2 prérelaté, il appartient au tribunal de vérifier si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (cf. trib. adm. 6 novembre 2002, n° 15509, confirmé par Cour adm. du 21 novembre 2002, n° 15593C, ibidem).

En l’espèce, il est constant à partir des éléments fournis au dossier par le délégué du Gouvernement et non utilement contestés en cause que des démarches concrètes en vue de l’éloignement du demandeur ont été entreprises par les autorités compétentes et sont encore actuellement en cours, de sorte que face à l’imminence de l’éloignement de Monsieur …, ainsi que de l’impossibilité d’y procéder dans l’immédiat, la condition d’une nécessité absolue de reconduire la décision de placement initiale est remplie à suffisance. Il est en effet établi que les autorités luxembourgeoises sont en contact avec l’UNMIK en vue de l’organisation du rapatriement de l’intéressé sous escorte, mais qu’au vu de l’état mental gravement perturbé de l’intéressé, la préparation de cet éloignement qui doit se faire sous escorte se révèle plus difficile qu’initialement prévu.

Cette conclusion ne saurait être énervée par l’argumentation avancée en cause tendant à établir le caractère inapproprié du lieu de rétention de Monsieur …, étant donné d’abord que l’intéressé rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, et que la mise en place d’un centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime (cf. Cour adm. 7 juillet 2005, n° 20030C du rôle).

Quant aux problèmes psychiques du demandeur, il se dégage d’un certificat établit par le médecin psychiatre du Centre hospitalier neuro-psychiatrique après du service médico-

psychologique pénitentiaire que Monsieur … bénéficie depuis son admission d’un suivi psychiatrique et infirmier régulier et que, en raison de son état mental gravement perturbé, totalement instable et imprévisible, il n’existe pas de possibilité de transfert dans un hôpital psychiatrique classique faute de surveillance adaptée disponible.

Encore que le demandeur reproche à ce certificat médical de ne pas se prononcer sur la compatibilité de son état de santé avec sa rétention au Centre de séjour et sur le caractère approprié, médicalement parlant, de cet établissement par rapport à son état psychique, force est de constater qu’il s’en dégage clairement que des soins appropriés sont dispensés à l’intéressé, de sorte que l’argumentation présentée tendant à établir le caractère inapproprié du lieu de rétention laisse de convaincre, étant entendu que l’intéressé rentre par ailleurs dans les prévisions de la loi en la matière.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le recours en réformation laisse dès lors d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 octobre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünne, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20429
Date de la décision : 19/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-19;20429 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award