La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19877

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 octobre 2005, 19877


Tribunal administratif N° 19877 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mai 2005 Audience publique du 19 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19877 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2005 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), de nationalitÃ

© nigériane, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Schrassig, tendant à la réforma...

Tribunal administratif N° 19877 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mai 2005 Audience publique du 19 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19877 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2005 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigeria), de nationalité nigériane, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 23 mars 2005 par laquelle sa demande en reconnaissance du statut de réfugié fut rejetée comme étant non fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 2 mai 2005 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juillet 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2005 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 17 octobre 2005, Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK s’étant rapportée aux écrits de la partie publique.

En date du 19 mars 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les 3 septembre 2004 et 10 mars 2005, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par jugement du 10 janvier 2005 rendu par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 2 ans et à une amende de trois mille euros du chef d’infraction à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.

Par décision du 23 mars 2005, notifiée en mains propres le 5 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … que sa demande avait été refusée comme non fondée en constatant que le récit présenté par Monsieur … présenterait différentes contradictions et invraisemblances entachant sa crédibilité et que de toute façon, même à supposer les faits par lui allégués comme étant établis, ils ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié.

Le ministre a encore retenu qu’il ne serait pas établi que les autorités compétentes du Nigeria auxquelles il n’aurait pas demandé de protection, seraient dans l’incapacité ou auraient refusé de lui fournir une protection et que Monsieur … serait par ailleurs resté en défaut de fournir une explication satisfaisante relativement au fait de ne pas avoir profité d’abord d’une possibilité de fuite interne avant de se diriger vers le Luxembourg.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 27 avril 2005 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 23 mars 2005 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 2 mai 2005, il a fait introduire, par requête déposée en date du 31 mai 2005, un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles prévisées des 23 mars et 2 mai 2005.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait exposer qu’il aurait été contraint de quitter le Nigeria en raison de « menaces graves pesant sur sa vie en raison de sa non-

appartenance au groupe ethnique des Ijaw ainsi que des Itsekiri ». Il ajoute qu’il craint d’être persécuté respectivement d’être tué du fait de sa non-appartenance à un de ces deux groupes, que la situation politique et militaire du Nigeria serait telle que les autorités publiques ne seraient pas en mesure de protéger la vie et d’assurer la sécurité à ses habitants, qu’une fuite interne ne serait pas possible du fait que « les habitants du Warri auraient voulu attenter à sa vie » et que ces derniers l’auraient retrouvé lors d’une première tentative de fuite, de sorte qu’il aurait été contraint de quitter son pays.

Il estime dès lors avoir fait l’objet de « justes craintes de persécutions », de sorte qu’il devrait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est de constater que les déclarations du demandeur dégagent essentiellement un sentiment général d’insécurité, mais non pas une crainte légitime de subir des persécutions personnelles.

En effet, faisant état de sa crainte d’actes de persécution provenant de membres d’autres ethnies, même abstraction faite de ce que les affirmations du demandeur restent à l’état de simples allégations, le demandeur se prévaut d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains éléments de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut de démontrer concrètement que les autorités en place encourageraient, voire toléreraient de tels actes.

Il convient de relever en outre que les conflits entre Itsekiris et Ijaws se limitent au territoire de Warri et le demandeur aurait pu trouver refuge dans une autre partie de son pays d’origine, étant donné que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 48 et autres références y citées).

S’y ajoute que le récit du demandeur est incrédible eu égard aux diverses incohérences et ignorances relevées dans la décision ministérielle du 23 mars 2005. A défaut de toute explication fournie en cause susceptible d’expliquer ses incohérences et ignorances, le tribunal ne peut dès lors que faire siens les doutes émis par le ministre relativement à la véracité du récit globalement présenté par l’intéressé, étant donné que celui-ci ne collabore visiblement pas à clarifier sa situation.

Le tribunal ne peut dès lors que constater que le récit présenté à la base de la demande d’asile qui s’est soldé par la décision litigieuse manque de persuader quant à sa crédibilité, de sorte que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 octobre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19877
Date de la décision : 19/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-19;19877 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award