La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2005 | LUXEMBOURG | N°18690

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 octobre 2005, 18690


Numéro 18690 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 octobre 2004 Audience publique du 19 octobre 2005 Recours formé par la société anonyme …, … contre deux décisions de la ministre des Travaux publics en matière de marchés publics

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18690 du rôle, déposée le 6 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établ...

Numéro 18690 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 octobre 2004 Audience publique du 19 octobre 2005 Recours formé par la société anonyme …, … contre deux décisions de la ministre des Travaux publics en matière de marchés publics

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18690 du rôle, déposée le 6 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision de la ministre des Travaux publics du 19 mai 2004 de ne pas lui attribuer un marché de travaux pour la menuiserie extérieure en aluminium et la vitrerie du projet du Centre national de l’Audiovisuel et du Centre Culturel régional à Dudelange, ainsi que d’une seconde décision de la même ministre du 29 juillet 2004 attribuant ce marché à la société S. S.A.;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 14 octobre 2004 déclarant la demande en sursis à exécution introduite par la société anonyme … non justifiée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2004;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Yves TAPELLA, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 12 avril 2005 portant signification de ce recours à la société anonyme S., établie et ayant son siège social à L-…;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ahmed BENSSOUNA, en remplacement de Maître Pierrot SCHILTZ, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 septembre 2005.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Dans le cadre de la mise en adjudication publique d’un marché de travaux de menuiserie extérieure en aluminium et de vitrerie à exécuter dans l’intérêt de la construction du Centre national de l’Audiovisuel et du Centre culturel régional à Dudelange, la société anonyme …, préqualifiée, ayant soumis le 14 janvier 2004 une offre afférente, fut informée, par courrier du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 19 mai 2004 que son offre n’avait pas été prise en considération aux motifs énoncés comme suit :

« Conformément au règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, j’ai le regret de porter à votre connaissance que votre offre n’a pas pu être prise en considération, étant donné que vous ne remplissez pas les conditions minima de participation. En effet, les références ne peuvent en aucun cas être considérées comme étant similaires au présent marché. Le montant le plus élevé des marchés de référence s’élève à EUR 724'500.- TTC alors que la majorité des commandes exécutées par votre société se situe entre EUR 200'000.- et EUR 300'000.- TTC, montants largement inférieures au présent marché d’envergure.

En vertu de l’article 90 (3) du règlement grand-ducal précité, il vous est loisible d’introduire un recours à l’adresse indiquée ci-dessus dans un délai de 15 jours à compter à partir de la présente notification.

Passé ce délai, il vous restera toujours possible d’introduire par voie d’avoué un recours en annulation à l’encontre de la décision d’adjudication auprès du tribunal administratif dans un délai de trois à compter de la présente ».

Par lettre du 1er juin 2004, le mandataire de la société … introduisit une réclamation auprès de l’administration des Bâtiments publics dans laquelle il expliqua que sa cliente estimait qu'elle remplissait les conditions, notamment concernant l'exécution antérieure de travaux de même envergure, pour pouvoir participer à la soumission. Le 16 juillet 2004, le président de la commission des soumissions instituée auprès du ministère des Travaux publics confirma le refus de prendre en considération l'offre de la société … S.A..

Par décision du 29 juillet 2004, la ministre des Travaux publics attribua le marché en question à la société S. S.A..

Par requête déposée le 6 octobre 2004, inscrite sous le numéro 18690 du rôle, la société … a introduit un recours en annulation contre « deux décisions du Ministre des Travaux publics, la première prise en date du 19 mai 2004 et matérialisée par une lettre recommandée de l’Administration des Bâtiments Publics, confirmée par courrier de la Commission des Soumissions du 16 juillet 2004, et consistant à ne pas attribuer l’offre à la requérante, et la seconde prise en date du 29 juillet 2004 et consistant à attribuer l’offre à un autre soumissionnaire ».

La demande en sursis à exécution introduite par requête déposée le 8 octobre 2004, inscrite sous le numéro 18702 du rôle, fut rejetée comme non fondée par ordonnance présidentielle du 14 octobre 2004.

Quant à la question de la signification du recours à l’attributaire du marché litigieux, soulevée par le délégué du gouvernement dans le cadre de la discussion de la recevabilité du recours, il y a lieu de relever que la société demanderesse a fait signifier la requête introductive à la société S. S.A. suivant exploit d’huissier du 12 avril 2005. Dans la mesure où l’attributaire du marché litigieux directement intéressé à l’issue du recours sous analyse a ainsi été mis en mesure de pourvoir à ses intérêts, le moyen afférent du délégué du gouvernement est à écarter.

Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure un recours au fond en la présente matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la société demanderesse renvoie au cahier des charges de la soumission en question qui aurait fixé le nombre de références pour des ouvrages analogues et de même nature à 3, cette prémisse s’analysant par nature en une condition d’admissibilité à soumissionner une offre et non pas en une condition d’attribution du marché. Elle conteste l’affirmation du pouvoir adjudicateur quant au défaut par elle d’avoir soumis des références d’une envergure analogue à celle du marché litigieux en renvoyant aux 6 références qu’elle a indiquées plus particulièrement dans sa réclamation du 1er juin 2004 et elle estime qu’il aurait appartenu au pouvoir adjudicateur de procéder, en cas de doute, aux vérifications de ces références et ce au plus tard dans le cadre de la demande de vérification du 22 janvier 2004. La société demanderesse reproche à la ministre une erreur manifeste d’appréciation pour s’être écartée des critères fixés dans le cahier des charges en fondant les décisions attaquées sur l’argument que « la majorité des commandes exécutées par votre société se situe entre EUR 200.000.- TTC et EUR 300.000.- TTC, montants largement inférieurs au présent marché d’envergure », alors que, d’après la société demanderesse, il faudrait entendre sous la notion de « marché analogue » un marché « d’envergure (financière) analogue » et que l’import financier de la majorité des marchés par elle déjà exécutés serait sans relevance pour autant qu’elle puisse fournir au moins 3 références d’une envergure analogue, de manière que les décisions attaquées devraient encourir l’annulation au motif que l’administration des Bâtiments publics n’aurait pas recherché « dans les références de la requérante si 3 au moins étaient de même envergure ».

Le délégué du gouvernement rétorque que ce serait à bon droit que l’administration des Bâtiments publics a rejeté l’offre de la société demanderesse au motif que les conditions de participation minima fixées par le cahier des charges n’étaient pas remplies. Il expose à cet égard que le devis estimatif de ladite administration aurait prévu des coûts à hauteur de 1.575.602,35 € pour le marché litigieux et que l’offre soumise par la société demanderesse s’élevait à 1.347.673,50 € TTC, de manière qu’en présence de la condition de participation de soumettre au moins 3 références pour des ouvrages analogues et de même nature, les références présentées par la société demanderesse auraient dû concerner des marchés d’une envergure similaire à celle du projet de marché litigieux. D’après le représentant étatique, les marchés les plus volumineux avancés en cause par la société demanderesse, à savoir un marché de 724.500 € renseigné dans les références remises avec l’offre et celui de 865.000 € indiqué dans la réclamation du 1er juin 2004, dépasseraient à peine la moitié de son offre remise dans le cadre du marché en cause et ne sauraient partant être considérés comme marchés analogues, de manière que toute vérification supplémentaire aurait été inutile au motif que seuls des projets exécutés à bonne fin et à envergure similaire à celle du marché concerné seraient déterminants. Le délégué du gouvernement renvoie finalement au contenu du courrier du 19 mai 2004 pour affirmer qu’en réalité le motif essentiel y énoncé aurait été que « les références ne peuvent en aucun cas être considérées comme similaires au présent marché » et non pas les montants de la majorité des marchés exécutés.

Le dossier de soumission émis par le ministère des Travaux publics, administration des Bâtiments publics, déterminant le régime du marché litigieux de travaux, précise dans son chapitre 2. « Clauses contractuelles particulières », sous le point 2.1.17 les conditions minima de participation suivantes d’après les conditions dont les cases correspondantes sont cochées :

«  Effectif minimum en personnel occupé dans le métier concerné requis pour participer à la soumission : 30 personnes  Nombre minimal des références pour des ouvrages analogues et de même nature :

3 références ».

Conformément aux conclusions concordantes sur ce point des parties, cette seconde condition, seule litigieuse en l’espèce, est à interpréter en ce sens qu’elle impose à toute société soumissionnaire de prouver qu’elle a déjà exécuté au moins trois ouvrages de travaux de même nature et d’une envergure équivalente, laquelle peut être documentée plus particulièrement par leur import financier similaire. Ainsi que la société demanderesse le soutient encore à juste titre, l’import financier de la majorité des chantiers correspondants exécutés par un soumissionnaire ou de certains autres chantiers est irrelevant dans l’application de cette condition.

Il découle encore du dossier soumis au tribunal que la société demanderesse avait indiqué sous forme de tableau les ouvrages de même nature les plus importants par elle réalisés durant les années 1999 à 2003. Ces tableaux renseignent notamment les valeurs maximales des travaux exécutés suivantes :

- 6.182.243 LUF et 6.092.791 LUF pour l’année 1999, - 12.650.356 LUF et 11.035.680 LUF pour l’année 2000, - 436.781,13 € et 267.599,15 € pour l’année 2001, - 632.095,20 € et 446.380,55 € pour l’année 2002, - 322..819,22 € et 307.315,04 € pour l’année 2003.

Par rapport au nombre de références d’ouvrages analogues et de même nature requis suivant le point 2.1.17 du dossier de soumission, il y a partant lieu de conclure à partir de ces éléments que les 3 ouvrages les plus importants de même nature dont la société demanderesse a fait état dans le cadre de sa soumission ont porté sur les montants de 632.095,20 €, 446.380,55 € et 436.781,13 €.

Après avoir reçu notification du courrier du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 19 mai 2004, la société demanderesse s’est prévalue à travers sa réclamation du 1er juin 2004 des autres ouvrages de même nature suivants :

« Chantier Euroforum Cloche d’Or 865.000 € Chantier City Concorde Phase I 595.000 € Hôtel Olivier à Strassen 545.000 € Chantier City Concorde Phase II 644.000 € Chantier BAK Kirchberg 500.000 € Chantier Bank & Business Center au Findel 600.000 € ».

Il découle de ces développements que la société demanderesse s’est prévalue finalement, à savoir avant la prise de la décision confirmative du 16 juillet 2004, des ouvrages suivants et de leurs valeurs respectives pour justifier qu’elle répondait à la condition de participation relative aux 3 références d’ouvrages analogues et de même nature inscrite au point 2.1.17 du dossier de soumission :

Chantier Euroforum Cloche d’Or 865.000 € Chantier City Concorde Phase II 644.000 € Ecole de Bertrange 632.095,20 €.

Même s’il ne ressort pas des éléments en cause si ces valeurs d’ouvrages s’entendent hors taxes ou taxes comprises et en supposant qu’elles représentent des valeurs nettes hors taxes, elles s’élèvent à respectivement 73,81 %, 54,95 % et 53,94 % du montant hors taxes de l’offre remise par la société demanderesse dans le cadre du marché litigieux (1.171.890 €).

Or, même en admettant que l’ouvrage du chantier « Euroforum Cloche d’Or » représentant 73,81 % de la valeur de l’offre de la société demanderesse dans le cadre du marché litigieux puisse être qualifié d’analogue à ce dernier en termes d’envergure de travaux et partant d’importance financière, il n’en reste pas moins que les 2 autres ouvrages ne peuvent recevoir cette qualification, vu que leur import financier dépasse à peine la moitié de la valeur du marché litigieux et qu’en conséquence ils ont nécessairement comporté un degré de travaux qui n’est pas comparable à celui impliqué par le marché litigieux.

Il se dégage de ces développements que la ministre a valablement pu écarter l’offre de la société demanderesse au motif qu’elle ne satisfaisait pas à toutes les conditions minima de participation à la soumission, et plus particulièrement pas à celle visant le nombre minimal de références d’ouvrages analogues et de même nature, sans devoir faire procéder préalablement, au vu de l’écart considérable ainsi constaté entre du moins 2 des références mises en avant par la société demanderesse et la valeur du marché en cause, à un examen des ouvrages antérieurs par elle invoqués afin de rechercher « dans les références de la requérante si 3 au moins étaient de même envergure ».

Contrairement à l’argumentation de la société demanderesse, la décision attaquée du 19 mai 2004 n’est pas non plus viciée par une prétendue dénaturation des critères fixés dans le cahier des charges à travers la prise en compte du volume financier de la majorité des références. En effet, elle énonce clairement le motif légal tiré de ce que « les références ne peuvent en aucun cas être considérées comme étant similaires au présent marché » et le renvoi à l’import financier de la majorité des références est à considérer en relation avec le montant insuffisant du marché de référence le plus élevé pour étayer le non-respect de la condition d’admissibilité du nombre minimal de références d’ouvrages analogues de même nature.

Il s’ensuit que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et qu’il est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la société demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 19 octobre 2005 par le premier juge en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHROEDER 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18690
Date de la décision : 19/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-19;18690 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award