La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19330

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 octobre 2005, 19330


Tribunal administratif N° 19330 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2005 Audience publique du 17 octobre 2005

===============================

Recours formé par Madame …, veuve …, … contre l’administration des Contributions directes en matière de restitution d’impôt sur le revenu

-------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19330 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2005 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ€

™Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, veuve …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, si...

Tribunal administratif N° 19330 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2005 Audience publique du 17 octobre 2005

===============================

Recours formé par Madame …, veuve …, … contre l’administration des Contributions directes en matière de restitution d’impôt sur le revenu

-------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19330 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2005 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, veuve …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision implicite du directeur de l’administration des Contributions directes refusant de lui restituer un montant de 563.089.- LUF, soit 13.958,62 €, représentant l’impôt trop-perçu pour les exercices 1993 à 1997 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2005 pour compte de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fayca OMAR, en remplacement de Maître Charles KAUFHOLD, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

Par courrier du 17 avril 2000 à l’adresse de l’« Administration des Contributions, Service de Retenue sur Salaires », la fiduciaire de Madame …, veuve …, sollicita le remboursement des sommes retenues au titre d’impôt sur les salaires de son époux, décédé en 1997, pour les exercices 1993 à 1997, d’un montant total de LUF 563.089.-, laquelle demande fut réitérée par Madame … suivant courrier du 29 septembre 2000.

Par courrier du 3 mars 2001, le bureau RTS Esch/Alzette informa Madame … que « (…) les décomptes des années 1993-1997 ne peuvent être remboursés.

En effet les remboursements concernent les années où vous étiez imposable avec votre époux décédé le 23.09.1997. Votre époux doit à l’Administration la somme de 868.065 frs. (voir extrait joint) Sur conseil de votre avocat vous avez renoncé à la succession (passif plus grand que l’actif).

Donc il faudrait transférer les remboursements sur la dette fiscale (…) ».

Par courrier du 25 juin 2001, le mandataire de Madame … s’adressa au bureau RTS Esch/Alzette en les termes suivants :

« Je suis chargé de la défense des intérêts de Madame …, veuve …, qui me remet votre lettre du 3 mars 2001.

Vous informez ma mandante que les décomptes des années 1993 à 1997 ne pourraient pas lui être remboursés.

Il s’agit d’un montant de 563.089,- frs à majorer des intérêts.

Vous invoquez deux arguments.

Le premier est de dire que Monsieur … redevrait à l’Administration la somme de 868.065,- frs. Pour prouver cela vous joignez à votre lettre un extrait. Cet extrait concerne cependant une société anonyme D. et non pas Monsieur …, ni sa veuve.

Le deuxième est de dire que Madame … a renoncé à la succession de son mari.

Une telle renonciation est cependant inopérante envers l’Administration des Contributions. Pour la période concernée les époux étaient imposés collectivement.

L’imposition collective simplifie le recouvrement de l’impôt par la solidarité des redevables.

Cette solidarité joue dans les deux sens. Si les avances payées lors de l’imposition collective n’avaient pas été suffisantes, Madame … aurait été solidairement redevable du solde même après le décès de son mari. Si, comme en l’espèce, il y a lieu à restitution, l’épouse doit en profiter.

Je vous prie dès lors de procéder au remboursement tel que sollicité (…) ».

Faisant suite à une lettre de rappel du 1er août 2001, le bureau RTS Esch/Alzette informa, par lettre du 3 août 2001, le mandataire de Madame … que le 28 juin 2001, le dossier avait été transmis « pour décision » au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Après plusieurs rappels, datés respectivement du 24 septembre 2001, 15 novembre 2001 et 12 novembre 2002, adressés par le mandataire de Madame … au directeur, ce-dernier répondit par lettre du 18 novembre 2002 en les termes suivants :

« J’accuse réception de votre lettre du 12 courant concernant votre mandante, Madame … …-…. Par cette lettre vous me demandez une décision sur un montant de 563.089 LUF que mon administration redevrait à votre mandante.

Votre démarche me laisse d’autant plus perplexe que mes investigations auprès de mes services ne font apparaître aucune créance dont mon administration serait redevable envers votre mandante susmentionnée.

A défaut d’indication de la nature de cette créance, de la catégorie d’impôt ou autre à laquelle elle se rattache, de l’année qu’elle concerne et de votre démarche du 28 juin 2001, je ne suis malheureusement pas en mesure de pouvoir donner une suite constructive à votre courrier du 12 courant.

Veuillez agréer (…) ».

Sur ce, le mandataire de Madame … transmit le 25 novembre 2002 copie des éléments de son dossier au directeur.

Ce courrier étant resté sans réponse de la part du directeur, Madame … a fait introduire, par requête déposée le 21 février 2005, un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre « une décision implicite de refus du Directeur des Contributions qui refuse de restituer à la requérante le montant de 563.089.- LUF, soit 13.958,62 €, représentant l’impôt trop perçu pour les exercices 1993 à 1997 ».

Quant à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre une décision implicite du directeur au motif, d’une part, qu’en vertu de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dans les affaires de restitution visées au paragraphe 235 n°5 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », le tribunal ne pourrait être saisi que d’un recours à l’encontre d’une décision ayant fait l’objet d’une réclamation non vidée depuis plus de six mois et, d’autre part, que la lettre du mandataire de Madame … du 25 juin 2001 ne constituerait pas une réclamation mais une tentative d’amener le préposé du bureau d’imposition à revenir sur sa décision conformément aux termes du paragraphe 94 AO.

Ainsi que le délégué du gouvernement le précise à juste titre, l’article 8 (3) 3.

de la loi précitée du 7 novembre 1996 n’admet l’introduction d’un recours devant le tribunal administratif, en cas de silence de plus de six mois du directeur suite à une réclamation, que contre « la décision qui fait l’objet de la réclamation », et non pas contre une décision implicite de rejet du directeur (cf. doc. parl. 3940A2, amendements adoptés par la commission des institutions et de la révision constitutionnelle, p. 5, ad (3) 3.: « Par opposition au domaine administratif, le silence de l’administration n’est pas à considérer comme le rejet de la demande. .. Il en résulte également que dans ce cas le recours est dirigé, non pas contre une décision implicite de rejet mais contre la déclaration initiale contre laquelle la réclamation avait été interjetée »).

En l’espèce, il se dégage de l’exposé des faits que Madame … a sollicité tant par l’intermédiaire de sa fiduciaire qu’elle-même directement la restitution du trop-

perçu de retenue sur les salaires de son époux au titre des exercices 1993-1997. Le 3 mars 2001, le préposé du bureau RTS Esch/Alzette écrivit à la demanderesse pour l’informer que les décomptes des années 1993-1997 ne peuvent pas être remboursés au vu d’une dette de Monsieur … vis-à-vis de l’administration des Contributions directes.

Ce courrier du préposé du bureau RTS Esch/Alzette, en ce qu’il matérialise le refus de l’administration des Contributions directes de procéder à la restitution des sommes perçues en trop dans le cadre des retenues d’impôt sur salaire opérées par l’employeur de Monsieur … est à assimiler à un bulletin refusant la restitution du trop-

perçu conformément aux dispositions du paragraphe 150 (2) AO.

Dans la mesure où la demanderesse sollicite à travers le dispositif de la requête introductive d’instance la restitution du trop-perçu d’impôt, le recours sous discussion vise concrètement le bulletin de non restitution d’impôt du 3 mars 2001, versé comme pièce par la demanderesse, de sorte qu’il doit être considéré comme étant dirigé directement contre ce même bulletin d’impôt.

C’est également à tort que le délégué du gouvernement ne considère pas la lettre précitée du mandataire de la demanderesse du 25 juin 2001 comme une réclamation.

En effet, le paragraphe 249 AO dispose dans ses deux premiers alinéas que :

« (1) Die Rechtsmittel können schriftlich eingereicht oder zu Protokoll erklärt werden. Es genügt, wenn aus dem Schriftstück hervorgeht, wer das Rechtsmittel eingelegt hat. Einlegung durch Telegramm ist zulässig. Unrichtige Bezeichnung des Rechtsmittels schadet nicht.

(2) Ein Rechtsmittel gilt als eingelegt, wenn aus dem Schriftstück oder der Erklärung hervorgeht, dass sich der Erklärende durch die Entscheidung beschwert fühlt und Nachprüfung begehrt ».

S’il est vrai que cette disposition légale réduit les exigences de forme d’une réclamation au strict minimum, il n’en reste pas moins qu’elle requiert expressément que la formulation de la réclamation doit faire ressortir que le contribuable se considère lésé par le bulletin d’impôt en cause et qu’il sollicite un réexamen de son imposition.

Or, force est de constater en l’espèce que même si cela ne ressort pas clairement du libellé de ladite lettre du 25 juin 2001 du mandataire de la demanderesse, il n’empêche qu’elle constitue néanmoins une réclamation, étant donné qu’elle comporte un commentaire qui conteste la motivation invoquée par le bureau RTS Esch/Alzette pour refuser la restitution des retenues d’impôt sur salaire, qu’elle comporte la demande concrète de voir rembourser le trop-perçu d’impôts et qu’elle a été considérée comme telle par le préposé du bureau RTS Esch/Alzette, étant donné qu’il l’a transmise dès réception au directeur « pour décision », ainsi que cela ressort des termes mêmes de la lettre dudit préposé du 3 août 2001.

Il est encore constant en cause que cette réclamation n’a pas été vidée.

Le délégué du gouvernement conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours faute de réclamation introduite dans le délai légal de trois mois.

Le paragraphe 150 (2) AO, qui prévoit une action en restitution d’impôt, dispose que « wird ein Erstattungsanspruch abgelehnt, so ist ein Bescheid zu erteilen.

Der Bescheid soll eine Belehrung enthalten, welches Rechtsmittel zulässig ist und binnen welcher Frist und bei welcher Behörde es einzulegen ist ».

Etant donné que la décision du préposé du bureau RTS d’Esch/Alzette du 3 mars 2001 ne contient aucune indication sur les voies de recours, aucun délai n’a pu commencer à courir, et le moyen afférent du délégué du gouvernement laisse d’être fondé.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 235 (5) AO, et de l’article 8 (3) 3. de la loi précitée du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de restitution d’impôt en l’absence d’une décision du directeur de l’administration des Contributions direct ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre ce même bulletin. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit par Madame …. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond La demanderesse fait valoir, d’une part, que l’administration ne saurait lui opposer une prétendue dette fiscale de son mari pour refuser le remboursement d’un trop-perçu d’impôts, au motif que la dette en question incomberait à une société anonyme en faillite et non pas à son époux.

Elle soutient, d’autre part, que l’administration ne saurait lui opposer le fait qu’elle ait renoncé à la succession de son époux, au motif que les époux seraient imposés collectivement et que même si elle n’avait pas directement déboursé les sommes payées en trop, les sommes ayant été retenues sur les salaires de son défunt époux, elle en aurait néanmoins supporté les effets. Ainsi, elle fait plaider que la solidarité entre époux en ce qui concerne le paiement des impôts devrait également valoir pour ce qui est du remboursement du trop-perçu d’impôts, sous peine de violer l’article 10bis de la Constitution en instituant une différence de traitement non justifiée entre les contribuables.

Malgré l'imposition collective des époux, le mari et la femme sont à considérer comme deux contribuables distincts. De ce fait, le droit au remboursement d'impôts perçus de manière excédentaire n'appartient qu'à celui des époux pour le compte duquel l'impôt a été payé (cf. Cour adm. 23 décembre 1999, n°11352C du rôle, Pas.

adm. 2004, V° Impôts, n°188).

D’une part, il est constant en cause que c’est l’époux décédé de la demanderesse qui a supporté sur ses salaires les retenues d’impôt dont la restitution est actuellement réclamée, de sorte que le droit au remboursement appartient à ce dernier et non à la demanderesse en sa qualité d’épouse.

D’autre part, en ce qui concerne sa qualité d’ayant cause de son époux, indépendamment de la question de savoir si l’administration a pu procéder valablement à une compensation entre le trop-perçu d’impôts et une prétendue dette fiscale de l’époux décédé de la demanderesse en relation avec une société en faillite, force est de constater qu’il n’est pas contesté que la demanderesse a renoncé à la succession de son époux, de sorte qu’elle n’est pas fondée à demander la restitution du trop-perçu des sommes retenues sur les salaires de son époux.

L’argumentation de la demanderesse consistant à soutenir que le refus de restitution du trop-perçu d’impôt violerait l’article 10bis de la Constitution laisse manifestement d’être fondée. En effet, si le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt exige certes que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de droit et de fait doivent être traités de façon identique, il n’empêche que la règle selon laquelle les époux, s’ils sont imposés collectivement, sont solidairement redevables des dettes fiscales et celle où le droit au remboursement du trop-perçu d'impôt n'appartient qu'à celui des époux pour le compte duquel l'impôt a été payé, régissent des situations de fait et de droit différentes, la première ayant été instituée dans un intérêt général afin de faciliter au Trésor public le recouvrement des impôts, tandis que la seconde n’entend régler que des intérêts privés.

Sur base des considérations qui précèdent, le recours dirigé à l’encontre du bulletin de non restitution d’impôt laisse d’être fondé et doit être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 octobre 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19330
Date de la décision : 17/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-17;19330 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award