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12/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19721

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 octobre 2005, 19721


Tribunal administratif N° 19721 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2005 Audience publique du 12 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Famille et de l’Intégration en matière d’aide sociale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19721 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo

urg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité se...

Tribunal administratif N° 19721 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2005 Audience publique du 12 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Famille et de l’Intégration en matière d’aide sociale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19721 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du 11 avril 2005 du ministre de la Famille et de l’Intégration de lui retirer une partie de l’aide sociale lui versée en tant que demandeur d’asile ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 10 octobre 2005, Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES s’étant rallié aux écrits de la partie publique, Maître Nicky STOFFEL n’ayant pour sa part été ni présente ni représentée.

Le 21 septembre 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève », et fut en cette qualité logé dans un foyer sis à … .

Il appert du dossier administratif que Monsieur … s’est vu adresser un premier courrier recommandé en date du 25 février 2005 pour l’informer que le Commissariat du Gouvernement aux étrangers aurait pris connaissance de ses absences du foyer lui attribué, et qu’un tel comportement constituerait un manquement grave au règlement des logements, et pour l’inviter à présenter endéans 8 jours ouvrables ses observations.

Monsieur … ayant fait valoir par courrier non versé au dossier un problème d’allergie, il fut relogé dans un foyer sis à Esch-sur-Alzette.

Le 11 avril 2005, le ministre de la Famille et de l’Intégration lui adressa un courrier recommandé lui remis en mains propres et signé par délégation par le Commissaire du Gouvernement aux étrangers libellé comme suit :

« Monsieur, J’accuse bonne réception de votre courrier donnant suite à notre lettre recommandée du 25 février 2005.

Après analyse de celui-ci et suite aux affirmations formelles du gardien en charge de la surveillance du foyer de … , je n’ai pu vérifier le bien-fondé de vos observations.

En effet, dans votre courrier, vous évoquez avoir été absent 3 jours, durant lesquels vous auriez séjourné chez votre frère. Le relevé de vos absences tenu à jour par la société de gardiennage atteste néanmoins une absence du 8 au 12 février 2005 inclus, soit 5 jours.

Relogé le 3 mars 2005 au foyer de Esch-sur-Alzette, vous présentez toujours de nombreuses absences, à savoir les 4, 5, 7, 8, 10, 12 et 16 mars.

Je considère partant que votre comportement correspond à l’hypothèse d) de l’art. 4 alinéa 4 du Règlement Grand-Ducal du 4 juillet 2002, intitulé « manquements graves aux règlement des logements » plus précisément par le fait d’avoir violé l’art. 8 dudit règlement, lequel prévoit que « l’absence de plus de 3 jours consécutifs sera considérée comme un départ définitif ».

En vertu de l’art. 4 du règlement grand-ducal fixant les conditions et modalités d’octroi d’une aide sociale aux demandeurs d’asile, je me vois dans l’obligation de vous retirer une partie de l'aide sociale.

Vous bénéficierez dorénavant uniquement de la prise en charge par le CGE des cotisations des assurances sociales.

La présente décision est susceptible d’un recours en annulation devant le tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.

Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de mes sentiments distingués ».

Par requête déposée le 25 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation et subsidiairement en annulation contre la décision ministérielle précitée du 11 avril 2005.

A l’appui de son recours il fait valoir en ce qui concerne ses absences du foyer de Rodange qu’il aurait souffert d’une allergie qui l’aurait contraint, sur conseil de son médecin traitant, de changer de matelas, mais que, devant l’impossibilité matérielle d’obtenir un autre matelas, il se serait vu obligé de trouver refuge chez son frère.

En ce qui concerne ses absences du foyer d’Esch-sur-Alzette, il affirme avoir été induit en erreur par les agents de sécurité y travaillant, qui lui auraient affirmé « en présence de témoins », qu’il suffirait qu’il se présente au foyer tous les trois jours.

Le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours principal en réformation ; quant au fond, il conclut au bien-fondé de la décision litigieuse.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière d’octroi d’aide sociale aux demandeurs d'asile, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Le recours subsidiaire en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est pour sa part recevable.

Conformément à l’article 4 (4) du règlement grand-ducal du 4 juillet 2002 fixant les conditions et les modalités d’octroi d’une aide sociale aux demandeurs d’asile, disposition explicitement invoquée par le ministre dans sa décision, « le ministre peut limiter ou retirer le bénéfice de l’aide sociale dans les cas suivants: (…) c) lorsqu’un demandeur d’asile abandonne le lieu de résidence fixé par l’autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité (…) d) lorsque le bénéficiaire de l’aide ou un membre de sa famille qui l’accompagne a commis un manquement grave aux règlements des logements (…) ».

Force est de constater que le demandeur ne conteste ni les absences qui lui sont reprochées par le ministre, ni le fait d’entrer dans l’hypothèse précise de l’article 4 (4) d) du règlement grand-ducal précité du 4 juillet 2002, mais qu’il estime que ses absences se justifieraient par des faits qui ne lui seraient pas imputables.

C’est ainsi qu’il affirme, en ce qui concerne ses absences du foyer de Rodange, avoir souffert d’une allergie provenant de son matelas, et d’avoir sur conseil de son médecin, d’abord tenté de changer infructueusement de matelas, pour avoir été ensuite contraint de se reloger auprès de son frère. En ce qui concerne ses absences répétées du foyer d’Esch-sur-Alzette, il affirme s’être absenté de bonne foi, un agent de sécurité lui ayant prétendument affirmé qu’il n’avait l’obligation que de se présenter au foyer tous les trois jours.

Le tribunal tient à ce sujet de rappeler que le régime administratif de la preuve fait essentiellement peser le fardeau de la preuve sur le demandeur, lequel doit effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué (voir trib.

adm. 20 juin 2005, n° 18790, www.ja.etat.lu).

Force est cependant de constater que le demandeur se borne dans sa requête introductive d’instance à avancer les susdites excuses, sans qu’elles ne soient étayées par un quelconque élément de preuve, voire par un quelconque commencement de preuve. Il convient en particulier de relever que ni la prétendue allergie dont aurait souffert le demandeur, ni sa demande infructueuse de faire changer son matelas ne sont rapportée en preuve, de même que le demandeur reste en défaut de formuler ne serait-ce qu’une offre de preuve en ce qui concerne les propos imputés à un agent de sécurité, et ce malgré que ces propos auraient prétendument été tenus « en présence de témoins », alors que ces propos dûment établis, même sans être de nature à invalider per se la décision ministérielle déférée, auraient à tout le moins permis d’engager un débat sur la prise en considération de ces propos par le ministre dans le cadre de l’article 4 (6) du règlement grand-ducal précité du 4 juillet 2002, qui prévoit que « les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice de l’aide sociale doivent être motivées et sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, compte tenu du principe de proportionnalité et prennent en considération le comportement individuel de cette dernière ».

Etant donné cependant qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de procéder, à défaut de toute offre de preuve, lui-même à l’instruction du dossier afin de trouver le cas échéant des éléments de preuve susceptibles de sus-tendre les conclusions de la partie demanderesse, il y a lieu de retenir en l’absence de toute contestation utilement étayée du motif principal de refus que le tribunal n’est pas en mesure de remettre utilement en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 octobre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19721
Date de la décision : 12/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-12;19721 ?

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