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11/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19880C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 octobre 2005, 19880C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19880 C Inscrit le 1er juin 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 11 OCTOBRE 2005 Recours formé par …, … contre une décision implicite de refus en matière d’autorisation de séjour - Appel -

(jugement entrepris du 11 mai 2005, no 18996 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19880C du rôle et déposée au greffe de la Co...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19880 C Inscrit le 1er juin 2005

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 11 OCTOBRE 2005 Recours formé par …, … contre une décision implicite de refus en matière d’autorisation de séjour - Appel -

(jugement entrepris du 11 mai 2005, no 18996 du rôle)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 19880C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 1er juin 2004 par Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter, agissant en nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat lui conféré par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 27 mai 2005, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 11 mai 2005, par lequel il a reçu le recours en annulation introduit contre une décision implicite de refus attribué au ministre de la Justice suite au silence par lui gardé face à l’introduction d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, sinon d’un statut de tolérance en date du 29 juin 2004 en la forme, au fond l’a dit justifié, a annulé la décision litigieuse déférée et a renvoyé le dossier au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en prosécution de cause ;

Vu la notification de ladite requête d’appel par voie postale à l’intimé … et à son mandataire Maître Sandra Vion en date du 7 juin 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le conseiller en son rapport à l’audience publique de la Cour administrative du 27 septembre 2005 ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder et Maître Sandra Vion en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 18996 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2004 par Maître Sandra Vion, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, né le … à … (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro) de nationalité serbo-monténégrinne, demeurant actuellement L-…, a demandé l’annulation d’une décision implicite de refus attribuée au ministre de la Justice suite au silence par lui gardé face à l’introduction d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, sinon d’un statut de tolérance en date du 29 juin 2004.

Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 11 mai 2005, a reçu le recours en annulation en la forme, au fond l’a dit justifié, partant a annulé la décision litigieuse déférée avec renvoi du dossier au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en prosécution de cause.

Fort d’un mandat du Ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration du 27 mai 2005, le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du premier juin 2005 et demande la réformation de ce jugement.

Le Gouvernement estime que c'est à tort que le Tribunal a jugé qu'une décision de refus implicite serait à annuler pour défaut de motivation, alors que l'indication des motifs constituerait « une formalité substantielle destinée à protéger l'administré contre l'arbitraire de l'Administration, dont l'inobservation s'analyse en une violation de la loi devant en principe entraîner l'annulation de l'acte ».

Ainsi, le Tribunal Administratif se serait à tort basé sur un arrêt de la Cour (CA, 27 janvier 2005, no du rôle 18027C et 18034C) tout en transposant cette affaire très spécifique hors de son contexte.

En effet, contrairement à l’affaire soumise, dans laquelle la motivation a dûment été complétée par un mémoire du délégué du Gouvernement en date du 21 janvier 2005, l'arrêt «International Lacquers S.A.» aurait concerné une affaire dans laquelle le Gouvernement n'avait pas donné satisfaction quant à la motivation de la décision ni durant la phase précontentieuse, ni devant le Tribunal Administratif, ni en appel.

Il aurait été jugé à maintes reprises par les juridictions administratives que « la sanction de l'obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l'Administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif » (TA, 27.06.2001, 11342, confirmé par arrêt du 5.02.2002, 13860C).

De même, il serait communément admis en doctrine que « dans les cas où la motivation est formellement prescrite, l'absence d'indication des motifs dans la décision n'entraîne pas, à elle seule, l'annulation, dès lors que les motifs existent en fait » (Fernand Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois.) Le revirement de jurisprudence opéré par le jugement dont appel serait clairement contraire tant à l'esprit du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les Administrations relevant de l'État et les Communes (ci-après appelée PANC) qu'au principe d'une bonne administration de la Justice. En effet, si le souhait du législateur avait été l'annulation systématique de toute décision de refus implicite, le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité aurait certainement pris soin de le spécifier. Or, l'article 7 du dit règlement disposerait seulement que «lorsque la décision doit être motivée, les délais de recours tant contentieux qu'administratifs ne courent qu'à partir de la communication des motifs ».

2 Dès lors, la nouvelle approche du tribunal administratif semblerait manifestement contraire à l'esprit même de la procédure administrative non contentieuse.

La partie intimée a déposé un mémoire en réponse en date du 28 juin 2005 dans lequel elle demande la confirmation du jugement entrepris en se référant aux développements y contenus ainsi qu’à ses développements soumis en première instance.

Elle rappelle que l'article 6 de la PANC a notamment été édicté afin de mettre en application les grands principes fondamentaux s'appliquant à la procédure administrative non contentieuse et plus particulièrement pour préserver les intérêts des administrés et que cet article viserait sans distinction toute décision administrative individuelle, qu'elle soit explicite ou implicite, ce que les premiers juges auraient à juste titre rappelé dans la décision du 11 mai 2005.

Qu’ainsi l'obligation de motiver au moins sommairement viserait toute décision de refus, même une simple décision de refus partiel, ce qui ressortirait de l’arrêt de la Cour «International Lacquers S.A.».

Selon cet arrêt, rendu au cas où une décision refuse de faire droit à la demande d'un intéressé, il importerait «non seulement de communiquer un refus au demandeur, mais également de lui indiquer dans la décision de refus elle-même les raisons qui ont pu amener l'autorité à s'opposer à la demande».

Qu'ainsi, l'autorité administrative compétente saisie d'une demande, lorsqu'elle entend ne pas faire droit à celle-ci, devrait nécessairement d'une part notifier sa décision de refus, et d'autre part indiquer au moins sommairement les motifs de son refus, La carence initiale de l'autorité administrative compétente à se conformer aux prescriptions de l'article 6 alinéa 2 du règlement PANC ne pourrait plus être couverte a posteriori par la production de mémoires émanant de délégués du Gouvernement, qui en tout état de cause ne pourraient être assimilés à une décision émanant de l'autorité administrative compétente elle-même.

La partie intimée relève finalement que toute autorité administrative saisie d'une demande de décision est tenue d'examiner d'office si elle est compétente ainsi que d'appliquer d'office le droit applicable à l'affaire dont elle est saisie.

Qu'en tout état de cause, l'Administration devrait nécessairement procéder à un examen de toutes les demandes dont elle est saisie avant de pouvoir dire que ces demandes n'ont aucune chance de succès et ne peut par le biais des décisions implicites de refus se soustraire à ces obligations.

L’acte d’appel est recevable pour avoir été formé dans les forme et délais de la loi.

La Cour se doit de constater que l’arrêt cité tant par le tribunal administratif que par les parties au litige a été rendu dans le cadre spécifique d’une réponse fournie par une instance administrative moyennant recours à une motivation qui a finalement été jugée non satisfaisante.

Or le litige actuellement soumis consiste à analyser les conséquences à tirer d’un refus implicite provoqué par le silence de l’administration.

3 Le recours contentieux contre le silence de l’Administration, initialement introduit dans le droit administratif du Grand-Duché par l’article 4 de la loi du 20 juillet 1939 ayant pour objet la modification de la loi sur l’organisation du Conseil d’Etat, Comité du Contentieux, interprète l’inaction prolongée de l’Administration comme un mode d’exercice de la fonction.

Ladite inaction est réputée constituer une manifestation d’opinion impliquant une décision négative ayant des conséquences juridiques et donnant ouverture au recours. Cette fiction empêche l’inertie administrative et permet le contrôle contentieux ouvert en principe seulement contre une décision formalisée préalable.

S’il est vrai que tant le silence de l'administration suite à une requête légitime que l'absence de motivation d'une décision peuvent constituer l'administration en faute si elle n'a pas agi en tant qu'administration normalement prudente, diligente et avisée, un tel comportement doit cependant trouver sa sanction dans les règles de la responsabilité civile et non pas conduire à l'annulation automatique de l'acte si la décision administrative est, par ailleurs, basée sur des motifs légaux quoique non formellement énoncés dans l'acte.

La sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste en principe dans la suspension des délais de recours, la décision restant valable lorsque l’administration produit ou complète de manière utile les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif.

La Cour constate que le délégué du Gouvernement a fourni au tribunal administratif dans un mémoire déposé en date du premier juin 2005 un certain nombre de motifs destinés à compléter la décision implicite de refus face à l’introduction d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, sinon d’un statut de tolérance en date du 29 juin 2004.

Il en résulte que contrairement aux conclusions du tribunal administratif, la décision implicite de rejet ne saurait être annulée au vu de l’unique considération tirée de l’absence de motifs fournis.

Il y a lieu dès lors lieu de déclarer l’appel fondé et de réformer le jugement entrepris en ce sens.

Pour des raisons tenant au principe du double degré de juridiction il n’y a pas lieu à évocation, mais il convient de renvoyer l’affaire en prosécution de cause devant le tribunal administratif.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, déclare l’appel du premier juin 2005 recevable et fondé ;

réformant, déclare non fondé le moyen d’annulation basé sur une absence d’indication de motifs ;

4 renvoie le dossier en prosécution de cause devant le tribunal administratif ;

réserve les frais.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19880C
Date de la décision : 11/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-11;19880c ?

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