La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2005 | LUXEMBOURG | N°20099

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 octobre 2005, 20099


Tribunal administratif N° 20099 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2005 Audience publique du 10 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’inscription au registre des diplômes

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 20099 et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2005 par Maître Jean WAGENER, avocat à la C

our, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , deme...

Tribunal administratif N° 20099 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2005 Audience publique du 10 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’inscription au registre des diplômes

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 20099 et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2005 par Maître Jean WAGENER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 6 mai 2005, refusant l’inscription au registre des titres d’enseignement supérieur du grade de « bachelor of business administration, orientation : management » conféré à Monsieur … le 3 février 2005 par la « Business & Management University » sise à Genève (Suisse) ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 août 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 3 octobre 2005, en présence de Maître Astrid WAGNER, en remplacement de Maître Jean WAGENER, et de Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER qui se sont rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

___________________________________________________________________________

Monsieur … se vit décerner en date du 3 février 2005 le diplôme de « bachelor of business administration, orientation : management » par la « Business & Management University » sise à Genève (Suisse).

Le 31 mars 2005, Monsieur … introduisit auprès du ministère de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche une demande tendant à l’inscription de son titre au registre des titres d’enseignement supérieur. Dans ce contexte, il sollicita plus précisément l’autorisation de porter le titre de « bachelor of business administration ».

Le 6 mai 2005, le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après dénommé le « ministre », sur avis unanime défavorable de la commission des titres d’enseignement supérieur, refusa l’inscription du titre de « bachelor of business administration ».

Ladite décision ministérielle de refus est motivée comme suit: « (…) La Commission constate que l’institution ayant délivré le diplôme ne possède pas le statut d’un établissement supérieur reconnu en Suisse et que le titre conféré ne peut être considéré comme un grade d’enseignement supérieur au sens de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur. Je me rallie à cet avis. En conséquence, votre grade de ‘Bachelor of Business Administration, orientation : management’ ne sera pas inscrit au registre des titres d’enseignement supérieur. (…) ».

Par requête déposée le 13 juillet 2005, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 6 mai 2005.

Le demandeur estime que la décision ministérielle déférée serait à réformer et fait exposer que le ministre ne serait pas sans savoir que la « Suisse, à l’instar d’autres pays, ne reconnaît pas les universités et institutions privées », de sorte qu’il ne saurait « sur base de cela », refuser l’inscription sollicitée.

Il fait encore valoir que les diplômes d’autres institutions privées, telles que l’« Ecole Hôtelière de Lausanne », la « Harvard University » ou encore l’école de commerce « IMD », accréditées à l’instar de la « Business & Management University » auprès de l’IACBE (« International Assembly for Collegiate Business Education »), de l’ECBE (« European Council for Business Education ») et de l’EDUQUA (certificat suisse de qualité), seraient susceptibles d’être inscrits au registre des titres d’enseignement supérieur de sorte que la décision déférée serait contraire à l’article 1er, littéra a) de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur.

A titre subsidiaire, il requiert l’annulation de la décision déférée, qui pêcherait par une motivation insuffisante en ce qu’elle n’aurait pas été accompagnée de l’avis de la commission des titres, qui aurait dû lui être annexé.

Le délégué du Gouvernement, pour sa part, soulève l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation et, quant au fond, conclut au rejet du recours pour manquer de fondement. Il soutient que la décision serait justifiée en fait et en droit, en soulignant le fait qu’en matière d’inscription de titres d’enseignement supérieur, la décision du ministre ne se fonderait pas sur la qualité de l’enseignement dispensé, mais uniquement sur le statut légal de l’établissement ayant décerné le titre d’études. Il expose à ce sujet que tant l’« Ecole Hôtelière de Lausanne » que la « Harvard University », institutions citées en exemple par le demandeur, seraient actuellement reconnues dans leurs pays respectifs, ce qui justifierait l’inscription au Luxembourg des titres décernés par ces institutions.

Il explique encore que les divers organismes cités par le demandeur, à savoir l’IACBE, l’ECBE et l’EDUQUA, seraient des organismes d’obédience privée accréditant des institutions sur base de la qualité de l’enseignement y dispensé, mais qu’une telle accréditation ne saurait rencontrer l’exigence de reconnaissance officielle.

Comme l’article 4 de la loi précitée du 17 juin 1963 prévoit un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est également recevable.

Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

En ce qui concerne le moyen en annulation du demandeur relatif à la motivation insuffisante de la décision ministérielle déférée, il convient de relever qu’une décision administrative est motivée à suffisance de droit si l’auteur de la décision déclare se rallier à l’avis d’une commission consultative et que cet avis est annexé en copie à la décision (trib.

adm. 3 mars 1997, n° 9693, Pas. 2004, v° procédure non contentieuse, n° 53, p.532).

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’à défaut d'un texte l'y obligeant expressément, l'administration n'est pas tenue de communiquer les avis recueillis aux personnes concernées, en l'absence d'une demande de communication de l'intéressé, à moins que dans sa décision, elle ne renvoie à la motivation contenue dans l'avis (trib. adm. 11 juin 1997, n° 9641, Pas.

2004, v° procédure non contentieuse, n° 18, p.524).

Si en l’espèce le ministre, tout en se ralliant à l’avis de la commission des titres d’enseignement supérieur, n’a pas annexé ledit avis à sa décision datée du 6 mai 2005, il en a en revanche explicitement repris les termes, de sorte que la décision ministérielle de refus indique de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels le ministre s’est basé pour justifier sa décision de refus Quant au fond, aux termes de l’article 1er de la loi précitée du 17 juin 1963 « à l’exception des personnes qui n’ont au Grand-Duché ni domicile ni résidence fixe, nul ne peut porter publiquement le titre d’un grade d’enseignement supérieur a) s’il n’en a obtenu le diplôme conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré;

b) si son diplôme, suivi du nom de l‘école ou de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation entière du titre conféré n’ont pas été inscrits au registre des diplômes déposé au ministère de l’éducation nationale.

Sont notamment considérés comme titres d’un grade d’enseignement supérieur au sens de la présente loi les titres de docteur, licencié, ingénieur, architecte ».

Aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi précitée de 1963 « l’inscription des diplômes étrangers et la détermination du titre exact et complet à porter se feront à la demande des intéressés, par décision du ministre de l’éducation nationale prise sur avis d’une commission des titres d’enseignement supérieur ».

Concernant l’autorité compétente pour décider sur les demandes d’inscription des diplômes étrangers et la détermination des titres exacts et complets, il y a lieu de relever que, par l’effet de l’arrêté grand-ducal du 7 août 2004 portant constitution des Ministères, la compétence afférente a été attribuée au ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Ceci étant, il convient de mettre en lumière que l’objet de la loi de 1963 est de protéger au Grand-Duché de Luxembourg les titres d’enseignement supérieur, c’est-à-dire de réglementer le port des titres des grades d’enseignement supérieur national ou étranger.

A cette fin, le ministre compétent est appelé à constater si le diplôme, dont l’inscription au registre est demandée, représente un titre d’enseignement supérieur légalement conféré, ceci au regard exclusif de la législation de l’Etat de délivrance dudit diplôme ( voir trib. adm.6 avril 2000, n° 11570, confirmé par arrêt du 24 octobre 2000, n° 11984C, Pas adm.

2004, V° Autorisation d’établissements, n° 55, p.74, et les autres références y citées, ainsi que trib. adm. 12 janvier 2004, n° 16924, www.ja.etat.lu).

Ainsi, si le pouvoir du ministre n’est pas discrétionnaire, il n’en reste pas moins que le ministre doit examiner si le document qui lui est soumis remplit les conditions requises pour être inscrit au registre des diplômes, ce qui implique qu’il doit contrôler le niveau des études et la qualité du document qui les sanctionne.

En l’espèce, force est de constater qu’il se dégage d’un courrier du 14 avril 2005 de la Conférence des Recteurs des Universités Suisses, Centre d’information sur les questions de reconnaissance, organisme mandaté par le Secrétariat d’Etat suisse à l’éducation et à la recherche, que la « Business & Management University à Genève n’est pas reconnue en Suisse », cette prise de position ayant été confirmée par la « Business & Management University » elle-même par courrier daté d 2 juin 2005 adressé au ministre.

Ainsi, sur base des éléments d’appréciation lui soumis, le tribunal, statuant en tant que juge du fond, partage la conclusion de l’autorité ministérielle en ce qu’elle retient que le titre conféré à Monsieur … ne constitue pas un titre qui sanctionne un « enseignement de type supérieur », au sens de la loi précitée du 17 juin 1963 et qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’inscription au registre des titres d’enseignement supérieur.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et qu’il doit être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 octobre 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20099
Date de la décision : 10/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-10;20099 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award