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10/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19559

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 octobre 2005, 19559


Tribunal administratif N° 19559 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mars 2005 Audience publique du 10 octobre 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19559 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2005 par Maître Laurent BACKES, avocat à la Cour, assisté de Maître Danie

l FOCA, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Tribunal administratif N° 19559 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mars 2005 Audience publique du 10 octobre 2005 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19559 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2005 par Maître Laurent BACKES, avocat à la Cour, assisté de Maître Daniel FOCA, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie), de son épouse, Madame … , née le .. , ainsi que leur enfant mineur … , né le … , tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 février 2005, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Daniel FOCA et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs explications à l’audience publique du 3 octobre 2005.

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Le 13 décembre 2004, les époux … et … introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, les époux … - … furent entendus par un agent de la police grand-

ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur … fut encore entendu en date du 20 janvier 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, Madame … , pour sa part, ayant été entendue le 26 janvier 2005.

Par décision du 14 février 2005, notifiée par courrier recommandé expédié le 21 février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa les époux … - … de ce que leur demande avait été rejetée comme étant non fondée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Le 25 mars 2005, les époux … - … ont fait introduire un recours en réformation contre la décision ministérielle précitée.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, les demandeurs reprochent au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’ils ont mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Ils lui reprochent plus particulièrement d’avoir omis de tenir compte des persécutions subies par eux, persécutions trouvant leur origine dans le « kanun » et les exposant à la vendetta d’une famille albanaise dont un membre aurait péri suite à un accident de circulation dans lequel se trouvait impliqué le frère de Monsieur ….

Ils font encore plaider que le « kanun », code traditionnel de la vengeance, imposerait à la famille de la victime de « venger son sang jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de garçons vivants dans l’autre famille », sans que les autorités albanaises ne soient en mesure de les protéger et, d’une manière générale, de faire face à ce phénomène Le délégué du Gouvernement pour sa part estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, Monsieur … justifie sa fuite par le fait qu’il serait poursuivi par une famille qui chercherait à venger la mort – accidentelle – de l’un de ses membres survenue en 1994 ou 1995 suite à un accident de moto. Il précise avoir fait l’objet d’une tentative de meurtre en 2004, mais sans avoir reconnu ou identifié son agresseur.

Son épouse a confirmé ses dires, en précisant toutefois n’avoir personnellement subi ni menaces, ni persécutions.

Force est partant de constater que la crainte invoquée par les demandeurs à l’appui du recours est exclusivement d’ordre privé en ce qu’elle se dégage directement d’un litige privé ayant pour origine un décès dans le cadre d’un accident de circulation. Le fait que ce litige ait prétendument pour toile de fond la coutume ancestrale du « kanun », sorte de code de la vengeance ne modifie rien au fait que les menaces subies ne constituent pas un risque de persécution du fait de la race, de la religion, de la nationalité des demandeurs, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève (voir trib. adm. 11 mai 2005, n° 19711, www.ja.etat.lu).

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 octobre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19559
Date de la décision : 10/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-10;19559 ?

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