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10/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19238

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 octobre 2005, 19238


Numéro 19238 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2005 Audience publique du 10 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19238 du rôle, déposée le 1er février 2005 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, ingénieur

technicien, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu...

Numéro 19238 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2005 Audience publique du 10 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19238 du rôle, déposée le 1er février 2005 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, ingénieur technicien, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1999, émis à son égard par le bureau d'imposition Luxembourg 6 le 21 juillet 2004;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2005;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2005 par Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur … et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 septembre 2005.

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Suite au dépôt par Monsieur …, préqualifié, de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1999, le bureau d'imposition Luxembourg 6 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d'imposition », adressa, concernant la fixation de la cote d’impôt sur le revenu due par Monsieur … pour l’année 1999, le 18 juin 2004 à ce dernier une information que « le bureau d'imposition dérogera à votre déclaration sur les points suivants : - Voir projet d’imposition annexé ».

Monsieur … soumit au bureau d'imposition ses observations et son « désaccord » par rapport à ce projet d’imposition par courrier recommandé du 29 juin 2004.

Le bureau d'imposition émit le 21 juillet 2004 à l’égard de Monsieur … un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1999 retenant les bases d’imposition et cote d’impôt due telles que renseignées dans le projet d’imposition du 18 juin 2004.

Sa réclamation du 27 juillet 2004 à l’encontre de ce bulletin d’impôt n’ayant pas été toisée par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur … a introduit, par requête déposée le 1er février 2005, un recours contentieux à l’encontre dudit bulletin de l’impôt sur le revenu du 21 juillet 2004.

Lors des plaidoiries à l’audience, le demandeur a, avant le rapport du juge-rapporteur, soumis au tribunal un « mémoire complémentaire » en arguant qu’il devrait être reçu par le tribunal non pas en tant que mémoire supplémentaire mais en tant que « demande en injonction de production du dossier administratif », au motif que le bureau d'imposition n’aurait pas déposé au greffe le dossier fiscal en cause.

Alors même que le demandeur considère sa « demande en injonction de production du dossier administratif » comme demande nouvelle, il n’en reste pas moins qu’en présence d’une procédure écrite impliquant que toute demande doit être formée par la voie écrite ensemble la disposition formelle de l’article 7, alinéa 1er de la loi précitée du 21 juin 1999, au vœu duquel « il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive », l’écrit en cause du demandeur doit être qualifié de troisième mémoire déposé à la suite de la requête introductive et du mémoire en réplique et donc en violation dudit article 7, alinéa 1er. Il s’ensuit que le troisième mémoire déposé à l’audience doit être écartée des débats.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé contre un bulletin d’impôt sur le revenu en cas de silence du directeur durant plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable. Le tribunal a partant compétence pour connaître du recours en réformation dirigé contre le bulletin d’impôt sur le revenu du 21 juillet 2004.

A travers sa requête, le demandeur soumet d’abord, dans le cadre du recours en réformation introduit, une demande d’annulation du bulletin d’impôt entrepris pour non-

respect de la procédure d’imposition et plus particulièrement du paragraphe 205 (3) AO et il conclut ensuite à la réformation du même bulletin en renvoyant « aux motifs comme établis par lui moyennant sa réclamation réf. : P-2904/1 déposée le 28.07.2004 et par son courrier P-2904 du 29.06.2004 – cf. : pièces No 2 et 4 – ainsi comme aux montants tels que mentionnés à la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1999 déposée au bureau d'imposition Luxembourg 6 le 20.12.2001 y compris les pièces justificatives annexées ».

Le délégué du gouvernement soulève le moyen d’irrecevabilité de la demande de réformation pour libellé obscur en faisant valoir qu’en renvoyant simplement à ses courriers antérieurs, le demandeur s’en remettrait au tribunal non seulement pour trouver les moyens du recours, mais également pour rechercher la modification qu’il est demandé d’apporter à la décision entreprise, étant donné que la soi-disante motivation du courrier du 29 juin 2004 serait inutilisable puisqu’elle se limiterait à renvoyer aux montants déclarés « sans même les comparer aux conclusions provisoires du contrôle de la déclaration ».

Au vœu de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la requête introductive doit contenir notamment « l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués ».

En l’espèce, il y a lieu de constater que la requête introductive déposée le 1er février 2005 ne comporte au-delà du renvoi ci-avant cité aucun développement propre quant aux bases d’imposition dont la réformation est sollicitée et que la réclamation du demandeur du 27 juillet 2004 se confine également à renvoyer son destinataire à la « note de désaccord quant au projet d’imposition sur le revenu » du 29 juin 2004, entraînant que ce dernier courrier du demandeur à l’adresse du bureau d'imposition constitue le seul document censé développer les moyens à l’appui de la demande en réformation contenue dans la requête introductive.

Or, force est de constater que ledit courrier du 29 juin 2004 comporte comme seule argumentation un tableau désignant les postes contestés du projet d’imposition et les montants en cause, ainsi que les numéros des lignes de sa déclaration d’impôt et des annexes auxquels il renvoie, mais ne contient aucun autre développement tendant à expliciter l’origine et la justification des montants par lui indiqués dans ledit courrier et à contester les montants divergents du projet d’imposition, de manière que le tribunal ainsi que le délégué du gouvernement n’ont pas été mis en mesure d’appréhender l’état actuel des bases d’imposition contestées, l’argumentation du demandeur quant au bien-fondé des bases par lui avancées et le contenu de sa demande en réformation du bulletin entrepris.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par le défaut, par ailleurs largement critiqué par le demandeur, de la part du bureau d'imposition de déposer le dossier fiscal pertinent au greffe du tribunal administratif en conformité avec l’article 8 (5) de la loi prévisée du 21 juin 1999, étant donné que l’exécution ou non de cette obligation par l’administration visée ne dispense pas l’auteur d’un recours de déposer une requête conforme aux exigences de l’article 1er de la loi prévisée du 21 juin 1999 et comportant un exposé compréhensible des faits et moyens, ainsi que l’indication de l’objet de la demande.

Il s’ensuit que le recours sous analyse encourt l’irrecevabilité en ce qui concerne la demande en réformation du bulletin d’impôt entrepris et n’est recevable que dans les limites de la demande en annulation du bulletin d’impôt litigieux fondée sur le paragraphe 205 (3) AO.

Le demandeur reproche au bureau d'imposition d’avoir contrevenu au but du paragraphe 205 (3) AO tendant « au respect du contradictoire et à la garantie d’un débat éclairé et préalable entre le contribuable et le responsable du bureau d'imposition compétent avant même l’émission du bulletin d’impôt » en ce que le projet d’imposition du 18 juin 2004 ne renseignerait aucun détail quant aux points sur lesquels le bureau d'imposition envisageait de s’écarter de sa déclaration et que le préposé du bureau d'imposition se serait opposé à tout « entretien verbal » avec lui.

Le paragraphe 205 (3) AO dispose que : « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen ».

Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Le paragraphe 205 (3) AO constitue une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu par le bureau d’imposition (« Anspruch auf Gehör »), tel qu’il résulte du paragraphe 204 (1) AO. L’application de ce principe général a pour conséquence que sans une consultation appropriée du contribuable, il n’est pas possible d’asseoir correctement l’obligation fiscale du contribuable compte tenu de sa situation patrimoniale.

En l’espèce, le bureau d'imposition a soumis, en conformité avec le paragraphe 205 (3) AO, par courrier du 18 juin 2004 au demandeur à travers un projet d’imposition les bases d’imposition desquelles il entendait s’écarter de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1999. S’il est vrai que les renseignements communiqués par ce biais ne comportent pas un examen détaillé des redressements indiqués, il n’en reste pas moins que ledit projet d’imposition comporte l’indication de l’ensemble des bases d’imposition relevantes pour la fixation de l’impôt sur le revenu ensemble une indication des chefs de revenus et dépenses visés par les redressements, de manière qu’en l’espèce, le demandeur, nécessairement conscient des pièces antérieurement par lui soumises au bureau d'imposition, était mis en mesure de déceler les points sur lesquels le bureau d'imposition n’entendait pas suivre les indications de sa déclaration d’impôt. S’y ajoute que le demandeur a pu user de son droit à faire valoir son point de vue à travers sa lettre du 29 juin 2004 à travers laquelle il a pris position sans alléguer une impossibilité de compréhension et sans formuler une demande d’informations complémentaires sur ce point. Au-delà d’une telle prise de position écrite, le contribuable ne dispose pas d’un droit à obtenir dans toute hypothèse un entretien oral avec une personne responsable du bureau d'imposition (BECKER-RIEWALD-KOCH, Abgabenordnung, 9e édit. 1965, ad § 204, Anm. 6 (4)). Dans la mesure où le demandeur ne fait pas valoir de circonstances spécifiques de nature à rendre un entretien oral indispensable afin de voir le principe du contradictoire respecté, son moyen tiré du non-respect du paragraphe 205 (3) AO laisse d’être fondé.

Il s’ensuit que, n’étant pas fondé dans sa seule demande recevable, le recours sous analyse est à rejeter.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur est à rejeter, alors que les conditions légales afférentes ne se trouvent pas réunies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, déclare le recours irrecevable en ce qui concerne la demande en réformation du bulletin d’impôt entrepris, reçoit le recours en réformation en la forme dans les limites de la demande en annulation du bulletin d’impôt litigieux fondée sur le paragraphe 205 (3) AO, au fond, le déclare non justifié et en déboute, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 10 octobre 2005 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

s. LEGILLE s. CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19238
Date de la décision : 10/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-10;19238 ?

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