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05/10/2005 | LUXEMBOURG | N°20417

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 octobre 2005, 20417


Tribunal administratif Numéro 20417 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 septembre 2005 Audience publique du 5 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20417 du rôle, déposée le 28 septembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à L

uxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Bushehr (Iran), de nationalité iranienne, actuel...

Tribunal administratif Numéro 20417 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 septembre 2005 Audience publique du 5 octobre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 20417 du rôle, déposée le 28 septembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Bushehr (Iran), de nationalité iranienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 septembre 2005 ordonnant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 octobre 2005.

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Par arrêté du 12 septembre 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, ci-après dénommé « Centre de séjour provisoire », pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, laquelle eut lieu le même jour, dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

1Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport N° 15/1505/05/HA du 12 septembre 2005 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date d’aujourd’hui ;

- qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé des demandes d’asile en Belgique en date du 3 juin 2003 et le 16 avril 2004 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités belges dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par décision du 28 septembre 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … qu’« en vertu des dispositions des articles 16§1e, 20§1b et 20§1c du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, ce n’est pas le Grand-

Duché de Luxembourg, mais le Royaume de Belgique qui est responsable du traitement de votre demande d’asile ».

Par arrêté du même jour, ledit ministre refusa l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à Monsieur ….

Par requête déposée le 28 septembre 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 12 septembre 2005.

L'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main d’oeuvre étrangère, instituant un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que le 12 septembre 2005, il aurait présenté une demande d'asile auprès du bureau d'asile du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration. Les autorités luxembourgeoises ayant découvert par le biais du système EURODAC qu'il avait déjà, précédemment, le 3 juin 2003, et encore le 16 avril 2004, déposé une demande identique en Belgique, elles ont alors ordonné son placement sur base des dispositions de l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, et introduit, le lendemain, une demande de reprise en charge auprès des autorités belges.

Le demandeur soutient que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne seraient pas remplies. Sans contester que les autorités luxembourgeoises ont contacté les autorités belges en vue de sa reprise sur base des dispositions du règlement (CE) 2n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, il soulève cependant qu'aucune circonstance de fait n'empêcherait l'autorité compétente de l'éloigner vers la Belgique, de sorte que la condition légale pour la prise d'une mesure de placement, à savoir l'impossibilité du refoulement du demandeur, ne serait pas remplie.

Il estime par ailleurs qu'il existe une possibilité de refoulement sur base de l'article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972 et des accords de réadmission Benelux prévoyant la possibilité, pour les Etats signataires, de renvoyer un étranger en situation irrégulière vers le territoire de l'autre Etat.

Il est finalement d'avis que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ne constitue pas un établissement approprié au sens de la loi et que son placement audit centre constituerait une mesure disproportionnée.

Sur ce, il sollicite la réformation de la décision déférée et sa mise en liberté immédiate, sinon subsidiairement que le tribunal ordonne son placement dans un établissement plus approprié à sa situation personnelle.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement souligne que, suite au dépôt de la demande d’asile par Monsieur …, une recherche dans le système EURODAC aurait fait apparaître qu’il avait déposé antérieurement deux demandes d’asile en Belgique, que la demande de reprise en charge aurait été tacitement acceptée par les autorités belges et que le transfert en Belgique serait prévu pour le 6 octobre 2005.

Concernant le risque de porter atteinte à l’ordre public et le risque de fuite dans le chef de Monsieur …, le représentant étatique se réfère à la jurisprudence du tribunal administratif pour soutenir que la rétention dans un centre de séjour spécial se justifierait du seul fait de l’irrégularité du séjour de la personne concernée et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans son chef.

Il fait encore rappeler que les demandes de reprise en charge seraient réglementées de façon exclusive par le règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, précité, en présence d’un étranger ayant déposé une demande d’asile au Luxembourg, de sorte que les accords de réadmission conclus dans le cadre « Benelux » ne sauraient s’appliquer.

Concernant finalement le prétendu caractère inapproprié du lieu de placement, il relève que le demandeur n’aurait pas été placé au Centre pénitentiaire de Schrassig, mais au Centre de séjour provisoire et souligne que ledit centre serait, aux termes de la jurisprudence des juridictions administratives, à considérer comme établissement approprié.

Il se dégage de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

3C'est à tort que le demandeur conteste l'absence de possibilité d'exécuter la mesure d'éloignement du territoire au moment où la mesure de placement a été prise, et qu’il se prévaut d’une possibilité de réadmission en vertu d’accords du Benelux, étant donné que le gouvernement a agi, à bon droit, dans le cadre de la réglementation découlant du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, précité, qui présuppose non seulement l'accord des autorités étrangères avant qu'un étranger pour l'examen de la demande d'asile duquel celles-ci se reconnaissent compétentes puisse leur être remis, mais également la concertation entre les Etats membres en vue d’organiser le transfert effectif de l’intéressé d’un Etat membre vers l’autre.

Or, dans le cas d'espèce, le demandeur a présenté sa demande d'asile au Luxembourg le 12 septembre 2005. Une recherche le même jour dans le système EURODAC ayant révélé que le demandeur avait déposé précédemment deux demandes d’asile en Belgique, les autorités luxembourgeoises ont le 13 septembre 2005 formulé une requête aux fins de reprise en charge auprès des autorités belges. Le 28 septembre 2005, elles ont averti l'Office des étrangers à Bruxelles qu'elles n'avaient pas reçu de réponse à leur précédent courrier et qu'elles considèrent partant que la Belgique était réputée avoir acquiescé à la requête de reprise en charge. Le même courrier informait encore les autorités belges de ce que l'exécution du transfert vers ce pays serait organisée dans les plus brefs délais. Suite à l’acceptation tacite de la demande de reprise en charge par les autorités belges, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a encore pris le 28 septembre 2005 une décision d’incompétence ainsi qu’un arrêté de refus d’entrée et de séjour au pays à l’encontre du demandeur. Le même jour, le service de police judiciaire a été chargé par le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration d’organiser le transfert. L'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, précité, prévoit en effet une concertation entre les Etats membres en vue du transfert d'un demandeur d'asile d'un pays vers l'autre. En agissant de la sorte, elles ont partant, d'une part, respecté la procédure légalement prévue et, d'autre part, fait preuve de diligence en vue de la remise de Monsieur … aux autorités belges compétentes le plus rapidement possible. S’il est vrai a priori qu’à partir de l’acceptation tacite de la reprise en charge du demandeur par les autorités belges en date du 28 septembre 2005, un des obstacles majeurs à l’éloignement se trouvait levé, il n’en reste pas moins que le transfert effectif du demandeur vers la Belgique se doit d’être organisé. En effet, il convient de relever que ledit transfert doit être effectué sous escorte et est à organiser par le service de police judiciaire et ce en concertation avec les autorités belges qui doivent accueillir Monsieur … à la frontière.

Les moyens tirés de l'absence d'une possibilité d'exécuter la mesure d'éloignement en raison d'une circonstance de fait et de la possibilité de renvoi immédiat du demandeur vers la Belgique ne sont partant pas fondés.

Concernant la prétendue possibilité d’un refoulement plus rapide vers la Belgique conformément aux dispositions des accords de réadmission du Benelux et de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, il n’est pas contesté en cause que le demandeur avait déposé précédemment deux demandes d’asile en Belgique.

Il s’ensuit que le demandeur tombe directement dans les prévisions de l’article 16, 1. c) du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, précité, en tant que ressortissant d'un pays tiers ayant présenté une demande d’asile en Belgique et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre État membre, à savoir le Grand-Duché de Luxembourg.

4 Dans la mesure où le prédit règlement CE n° 343/2003 est un texte de droit communautaire régissant spécifiquement les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne face aux ressortissants d’Etats tiers ayant déposé une demande d’asile sur le territoire de l’Union européenne, il doit trouver application en l’espèce en tant que loi spéciale par dérogation à toute disposition de droit international ou interne régissant d’une manière plus générale le statut des ressortissants d’Etats tiers (cf. trib. adm. 13 juin 2003, n° 16508 du rôle et trib. adm. 14 juin 2004, n° 18175 du rôle).

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a eu recours en l’espèce à la procédure spécifique instaurée par l’article 20 dudit règlement CE n° 343/2003 en soumettant aux autorités belges une demande de reprise en charge préliminairement à l’exécution de toute mesure d’éloignement. Le moyen afférent du demandeur est partant à écarter.

Quant au moyen soulevé par le demandeur relativement au caractère disproportionné de la mesure de placement, il est constant que le demandeur est placé, non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, créé par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002. Or, force est de constater que le centre en question est a priori à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement, à moins que le demandeur ne fasse état d’un élément ou d’une circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire.

Lors des plaidoiries à l’audience, le mandataire du demandeur a encore soutenu que son client subirait depuis deux ou trois semaines une mesure d’isolement complet, dont il ignorait s’il s’agissait d’une mesure disciplinaire ou autre. Or, dans la mesure où ce moyen nouveau a été soulevé oralement et non pas par écrit, alors que la procédure est écrite, et qu’il reste à l’état de simple allégation non confortée par une pièce du dossier, le tribunal ne saurait procéder à son examen. Pour le surplus, le fait que le demandeur se trouve en isolement ne saurait en rien affecter la légalité de la mesure de placement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

5 Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 5 octobre 2005 à 11.55 heures par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 20417
Date de la décision : 05/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-05;20417 ?

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