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05/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19667

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 octobre 2005, 19667


Tribunal administratif Numéro 19667 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2005 Audience publique du 5 octobre 2005 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19667 du rôle et déposée le 15 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Monsieur …, né le … à Radmance (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), et de son épous...

Tribunal administratif Numéro 19667 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2005 Audience publique du 5 octobre 2005 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19667 du rôle et déposée le 15 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Radmance (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … à Trepez (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), tous les deux de nationalité serbo-monténégrine, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 31 janvier 2005, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour leur a été refusée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Patricia LOESCH, en remplacement de Maître Jean TONNAR, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 4 janvier 2005, Monsieur … et son épouse, Madame …, ci-après dénommés les « époux … », par le biais de leur mandataire, introduisirent auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre », une demande en obtention d’une autorisation de séjour en invoquant un séjour antérieur de quatre années au Luxembourg, ainsi que l’expectative dans le chef de Monsieur … de trouver un travail.

Par décision du 31 janvier 2005, le ministre refusa d’octroyer l’autorisation de séjour sollicitée, décision qui est de la teneur suivante :

« (…) Je suis cependant amené à constater que la famille … ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater que la famille … ne fait pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2005, les époux … ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 31 janvier 2005.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours en annulation, non autrement contesté, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les époux … exposent avoir séjourné entre le mois d’avril 1999 et le mois de décembre 2003 au Luxembourg et d’être de nouveau « présent » sur le territoire luxembourgeois depuis septembre 2004, attitude qui démontrerait « leur intention de résider de façon continue et effective au pays ». Pour le surplus, il ressortirait d’un certificat de l’entreprise DZ C. S.A. que cette dernière serait disposée à engager Monsieur … dès qu’il possèderait les « autorisations requises », de sorte qu’ils pourraient se procurer des moyens d’existence personnels suffisants. Finalement, les époux … exposent que leur fils Mirza fréquenterait le Lycée technique d’Esch, ce qui démontrerait leur volonté d’intégration, et que la décision de refus critiquée reviendrait à mettre un terme auxdites études et conduirait à « déraciner une nouvelle fois parents et enfant ».

Le délégué du gouvernement estime que le ministre a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs.

Il relève en premier lieu qu’en date du 12 avril 1999, les époux … auraient introduit auprès du ministère de la Justice une demande en obtention du statut de réfugié, mais que ledit statut leur aurait été refusé suivant décision du 6 novembre 2000, décision confirmée par la suite par les juridictions administratives, qu’une demande de régularisation des demandeurs auraient été refusée, refus également confirmé par les juridictions administratives, et qu’ils auraient fait l’objet d’un retour assisté vers leur pays d’origine au courant du mois de novembre 2003.

Le représentant étatique rappelle ensuite que l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère exigerait la preuve par l’étranger de moyens d’existence personnels et qu’un étranger qui n’est pas en possession d’un permis de travail ne serait pas autorisé à occuper un emploi au Luxembourg. Pour le surplus, les demandeurs seraient revenus au Luxembourg sans être en possession du visa requis, attitude qui serait également contraire au prédit article 2 de la loi du 28 mars 1972, précitée, justifiant également la décision de refus ministérielle. Finalement, l’argument, selon lequel le refus d’une autorisation de séjour mettrait un terme aux études de l’enfant Mirza et déracinerait les demandeurs, ne serait pas pertinent, d’autant plus que la décision de revenir au Luxembourg relèverait de la seule volonté des époux ….

Il échet de retenir en premier lieu que le ministre a pu se baser sur un défaut de moyens personnels propres au moment de la prise des décisions litigieuses pour justifier son refus. En effet, l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour », impliquant qu’un refus d’entrée et de séjour au pays peut être décidé notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (cf. trib. adm.

17 février 1997, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 146 et autres références y citées) et qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis au tribunal que la famille … disposait au moment de la prise de la décision critiquée d’un quelconque moyen personnel susceptible de leur permettre de subvenir à leurs besoins personnels au pays, étant relevé que ni Monsieur …, ni Madame …, ne disposaient d’un permis de travail émis par l’autorité compétente, de sorte qu’ils n’étaient pas non plus autorisés à s’adonner à une activité salariée au Luxembourg.

En ce qui concerne les raisons, qualifiées d’humanitaires, avancées par les demandeurs aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il convient de rappeler que si le contrôle juridictionnel propre à un recours en annulation ne saurait en principe aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation, il n’en reste pas moins que, confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner si la mesure prise n’est pas manifestement disproportionnée par rapport aux faits établis, en ce sens que cette disproportion laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité (cf. trib. adm. 12 février 2003, n° 15238 du rôle, confirmé Cour adm. 4 novembre 2003, n° 16173C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 14).

Or, s’il est certes exact que le ministre peut dans des cas exceptionnels accorder une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, force est de constater que le pouvoir d’appréciation afférent relève de l’autorité compétente et qu’en l’espèce, au regard des circonstances de la cause, la preuve d’une erreur manifeste d’appréciation au moment de la prise de la décision litigieuse n’est pas rapportée.

De tout ce qui précède, il convient de conclure que le recours en annulation est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 5 octobre 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19667
Date de la décision : 05/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-05;19667 ?

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