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03/10/2005 | LUXEMBOURG | N°19759

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 octobre 2005, 19759


Tribunal administratif N° 19759 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mai 2005 Audience publique du 3 octobre 2005 Recours formé par la société anonyme …, Luxembourg contre trois décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de panneau publicitaire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19759 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mai 2005 par Maître Luc SCHAACK, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant...

Tribunal administratif N° 19759 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mai 2005 Audience publique du 3 octobre 2005 Recours formé par la société anonyme …, Luxembourg contre trois décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de panneau publicitaire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19759 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mai 2005 par Maître Luc SCHAACK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de trois décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg successivement prises en dates des 5 octobre et 11 novembre 2004, ainsi que le 2 mars 2005 portant à chaque fois refus d’autorisation pour la mise en place d’un panneau publicitaire de la catégorie « stop trottoir » sur la voie publique dans la zone piétonne de la Grand-Rue au niveau du numéro … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 10 mai 2005 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juin 2005 par Maître Annick WURTH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 31 mai 2005 portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Luc SCHAACK ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2005 par Maître Luc SCHAACK au nom de la société anonyme … ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Annick WURTH ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 juillet 2005 par Maître Annick WURTH au nom de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 7 juillet 2005 portant notification de ce mémoire en duplique à Maître Luc SCHAACK ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les trois décisions déférées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Guy PERROT, en remplacement de Maître Luc SCHAACK, et Annick WURTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 septembre 2005.

Considérant qu’en date du 23 septembre 2004, la société anonyme … a introduit auprès du service de la voirie de la Ville de Luxembourg, sur formulaire préimprimé, une demande d’autorisation pour l’établissement d’un panneau publicitaire sur la voie publique au …, Grand-Rue à Luxembourg ;

Que cette demande a été rencontrée par un courrier du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 5 octobre 2004 libellé comme suit :

« Mesdames, Messieurs, Faisant suite à votre demande en vue de l’établissement d’un panneau publicitaire pour le commerce « … » au numéro …, Grand-Rue, je suis au regret de vous informer qu’à l’heure actuelle je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre requête.

En effet, pour éviter l’encombrement de la voie publique, les copropriétés et les galeries ne peuvent disposer que d’un seul panneau à la même adresse.

Comme le syndicat de copropriété, le bureau … , a entamé les autorisations nécessaires pour l’installation d’un diffuseur d’affiches regroupant les commerçants intéressés de la Galerie …, je vous recommande de vous concerter avec lui en vue de pouvoir figurer sur ce panneau défileur d’affiches.

Je vous prie de croire, Mesdames, Messieurs, … » ;

Que par courrier du 7 octobre 2004, la société anonyme … s’est adressée au bourgmestre de la Ville de Luxembourg en ces termes :

« Monsieur le bourgmestre, Nous sommes étonnés par votre décision de ne pas nous permettre de placer un panneau publicitaire devant notre magasin …, Grand-Rue (voir demande en annexe).

Notre … possède deux entrées. Une dans la galerie … et une à front de la Grand-Rue pour laquelle nous sollicitons l’autorisation de placer un panneau.

La demande émanant du syndicat de copropriété de la Galerie … ne nous concerne pas directement mais s’adresse plus spécialement aux commerces de la galerie.

D’autre part, nous estimons cette décision injuste car la concurrence à front de rue sera, elle, autorisée à placer un panneau et nous ne pourrons répondre par la même voie.

Nous espérons que vous trouverez notre demande fondée et que vous nous autoriserez à placer un panneau.

Nous vous en remercions par avance et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Bourgmestre, … » ;

Que par courrier du 11 novembre 2004, le bourgmestre de prendre position comme suit :

« Mesdames, Messieurs, Par votre lettre du 7 octobre 2004, vous avez réitéré votre demande en vue de l’installation d’un panneau publicitaire pour le commerce « … » au numéro …, Grand-Rue, avec l’argument que votre magasin ne se situerait pas dans la galerie …, mais qu’il donnerait sur la Grand-Rue.

Je regrette pourtant de devoir vous informer que je ne puis pas réserver de suite favorable à votre requête, car même si votre commerce possède une entrée à la Grand-Rue, il a son adresse dans la copropriété de la galerie …. Partant, la devanture donnant sur la Grand-Rue devrait suffire amplement pour faire fonction de surface publicitaire, mais ne vous confère pas de droits supplémentaires par rapport aux autres copropriétés situées à l’intérieur de la galerie. Il vous faudra dès lors intégrer votre publicité dans le panneau commun qui serait à demander par le syndic de la copropriété ou par toute personne prenant cette initiative au nom de tous les copropriétaires.

En application de la législation en vigueur, je tiens à vous rendre attentif qu’un recours en annulation contre cette décision peut être formé dans les trois mois à partir de la présente notification auprès du tribunal administratif, par requête signée d’un avocat à la Cour.

Je vous prie de croire, … » ;

Que par courrier du 9 février 2005, le mandataire de la société anonyme … d’adresser au bourgmestre de la Ville de Luxembourg un recours gracieux libellé comme suit :

« Ma mandante me remet votre courrier du 11 novembre 2004 par lequel vous lui refusez l’installation d’un panneau publicitaire qui dans le jargon publicitaire est qualifié de « stop trottoir ».

Vous expliquez votre décision par le fait que la copropriété installerait un panneau reprenant l’identité de tous les locataires de la galerie …. Ce panneau ne nous intéresse absolument pas, alors que sa fonction est d’indiquer les coordonnées des locataires (enseignes commerciales numéro de téléphone logo). Comme ma mandante a sa vitrine sur la Grand-Rue, ce panneau n’ajoute rien à sa situation actuelle.

Le but du « stop trottoir » est tout autre. En effet, il s’agit de rendre attentifs les piétons aux différentes promotions ou événements qui peuvent se tenir dans le commerce exploité par ma mandante. Ainsi le « stop trottoir » attire l’attention à la présence d’un maquilleur de renommée internationale, aux promotions spéciales sur un produit ou sur une durée limitée etc.

Ma mandante s’étonne de cette décision à plus forte raison que ces « stop trottoir » sont également installés devant d’autres magasins Grand-Rue.

Au vu des éléments qui précèdent il me semble que vous faites une confusion entre ce que ma mandante a réellement demandé et ce que vous lui refusez. A titre principal, je vous demande de revoir votre décision compte tenu du fait que vous semblez confondre le « stop trottoir » et un panneau indiquant les commerces présents dans la galerie ….

Au cas ou vous n’admettez pas cette confusion, je me dois de contester votre décision, alors qu’elle constitue une interdiction non injustifiable par un critère objectif, car il est incompréhensible pourquoi vous refusez un « stop trottoir » à ma mandante pour l’autoriser à un autre commerçant établi à quelques 30 mètres.

Dans votre décision vous faites état d’une législation en vigueur. La référence étant trop générale je vous prie de bien vouloir me fournir les données exactes par rapport à cette législation que vous invoquez.

Je vous remercie de bien vouloir considérer la présente lettre comme un recours gracieux.

Je vous prie d’agréer, … » ;

Que le recours gracieux du 9 février 2005 a été rencontré par une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 2 mars 2005 libellée comme suit :

« Maître, Par votre lettre du 9 février 2005, vous m’avez fait parvenir une lettre en guise de recours gracieux contre la décision de la Ville de Luxembourg de ne pas accorder une autorisation pour l’installation d’un panneau publicitaire à votre cliente, la … en raison du fait qu’il incomberait à la copropriété de la galerie d’installer un panneau commun.

A bien vous comprendre, nous serions en présence d’un « nouvel » instrument publicitaire. Ceci n’empêche que les panneaux en question tombent sous les dispositions de l’article 2 du règlement concernant l’établissement d’étalages et de terrasses sur la voie publique ainsi que d’autres occupations privatives de la voie publique et que la Grand-Rue, comme les rues avoisinantes, est encombrée par ce genre d’obstacles, autorisés ou non.

Il incombe en tout cas d’éviter une prolifération incontrôlée de ce genre d’objets qui, du moment que les terrasses seront installées, constitueront une gêne certaine pour le passage des piétons, notamment lorsque des véhicules de livraison circulent dans les artères.

C’est dans ce souci qu’il a été opté un regroupement des panneaux publicitaires amovibles devant les immeubles abritant plusieurs commerces. A noter par ailleurs que le magasin Paris VIIIe est certainement avantagé par rapport aux autres commerces de la galerie … alors qu’il dispose d’une large vitrine donnant sur la Grand-Rue via laquelle les actions de promotion peuvent être portées sans problème et avec l’efficacité voulue à la connaissance des passants.

Conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, je tiens à vous rendre attentif qu’un recours contre cette décision peut être formé dans les trois mois à partir de la présente notification au tribunal administratif, par requête signée d’un avocat.

Je vous prie de croire, … » ;

Considérant que par requête déposée en date du 3 mai 2005, la société anonyme … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des trois décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg prérelatées datant respectivement des 5 octobre et 11 novembre 2004, ainsi que du 2 mars 2005 ;

Considérant que la Ville de Luxembourg conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, aucune loi spéciale n’attribuant au tribunal administratif compétence spéciale pour en connaître ;

Considérant qu’aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Quant à la recevabilité du recours Considérant que la Ville de Luxembourg de conclure que le recours en annulation serait nul, sinon irrecevable en raison de son libellé obscur « car l’exposé des faits et des moyens n’est pas suffisamment précis, pour permettre à la Ville de Luxembourg d’organiser correctement sa défense ; la requérante n’indique notamment pas la décision expresse contre laquelle le recours est dirigé, ce qui créé la confusion notamment en ce qui concerne le point de départ des délais ; elle omet aussi de formuler de façon suffisamment précise les moyens qui sont à la base de son recours » ;

Que dans un troisième ordre d’idées, la Ville de conclure plus précisément à l’irrecevabilité du recours en ce que contrairement aux dispositions de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la demanderesse se bornerait à indiquer des éléments d’illégalité externe et d’illégalité interne sans autrement préciser en quoi et pour quelle raison « la » décision déférée contreviendrait à une disposition légale spécifique, de sorte que le tribunal ne serait pas en mesure d’analyser in concreto la légalité de « la » décision déférée ;

Considérant qu’il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non ;

Que l’exceptio obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne de nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir qu’elle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense (trib. adm. 30 avril 2003, n° 15482 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 220, p. 597) ;

Considérant que si en règle générale l’exception de libellé obscur admise se résout par l’annulation de la requête introductive d’instance ne répondant pas aux exigences fixées par le texte légal en question, il convient dans le cadre de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée d’avoir égard à son article 29 qui dispose que « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense » (trib. adm. 4 avril 2000, n° 11554 du rôle, eod. loc, et autres décisions y citées) ;

Considérant qu’en l’espèce il résulte de manière indélébile de la requête introductive d’instance-même que le recours véhiculé par elle est dirigé contre les trois décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg datées respectivement des 5 octobre et 11 novembre 2004, ainsi que du 2 mars 2005, la demanderesse concluant expressément à l’annulation desdites décisions attaquées à travers le libellé univoque en ce sens du dispositif de la requête introductive d’instance ;

Qu’aucune méprise n’a donc pu y avoir pour la Ville de Luxembourg concernant l’identité des décisions attaquées, de même que pour le tribunal cette identité apparaît de la façon la plus claire ;

Considérant que l’article 1er alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée dispose que la requête introductive d’instance contient notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués ;

Considérant que le tribunal est amené à constater encore qu’à travers la requête introductive d’instance la demanderesse expose de façon circonscrite plusieurs séries de moyens ayant trait respectivement à l’illégalité externe et à l’illégalité interne des décisions déférées ;

Considérant que s’il est vrai qu’au stade de la requête introductive d’instance la demanderesse ne disposait visiblement pas du règlement communal du 16 décembre 2002 concernant l’établissement d’étalages et de terrasses sur la voie publique ainsi que d’autres occupations privatives de la voie publique, étant donné qu’elle en sollicite expressément la communication, il n’en reste pas moins que, d’un côté, la non-indication formelle des dispositions légales sur lesquelles sont assis les moyens n’est point requise de façon impérative par l’article 1er alinéa 2 précité et que, d’un autre côté, la défenderesse n’a pas pu se méprendre, comme de fait elle ne s’est pas méprise en l’espèce sur la portée effective des moyens proposés, pour y avoir pris position de façon circonstanciée ;

Qu’enfin, après communication du règlement communal applicable, la demanderesse, à travers son mémoire en réplique, de préciser ses moyens en conséquence, tout comme la défenderesse d’y prendre position de façon circonstanciée à travers son mémoire en duplique ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que la demanderesse a suffi aux exigences d’indication sommaire des moyens tout comme la défenderesse a pu organiser sa défense de façon adéquate ;

Que partant le moyen est à écarter tant en ce qui concerne l’exception de libellé obscur qu’en ce qui concerne l’irrecevabilité pour cause de non-indication suffisante des moyens, les trois décisions déférées ayant été clairement circonscrites, les moyens indiqués à suffisance de droit et aucun grief n’ayant pu être constaté dans l’agencement des droits de la défense de la défenderesse ;

Considérant que la Ville de Luxembourg conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté ;

Qu’elle est d’avis que le courrier de la société anonyme … du 7 octobre 2004 s’analyse en un premier recours gracieux, tandis que celui également prérelaté du mandataire de la demanderesse du 9 février 2005 serait à considérer comme second recours gracieux, à rejeter pour identité de motifs suivant la décision déférée du 2 mars 2005 ;

Qu’ainsi, le recours déposé en date du 8 mai 2005 serait tardif, étant donné que la demanderesse aurait dû introduire son recours au plus tard trois mois après la notification du premier rejet de recours gracieux intervenu d’après elle le 5 octobre 2004 ;

Que suivant la défenderesse, il ne serait pas permis au justiciable de se créer des délais de recours supplémentaires par des demandes nouvelles, fussent-elle étayées de moyens nouveaux, encore que, selon elle, le deuxième recours gracieux ne comporte pas d’éléments nouveaux ;

Que de même un recours contre une deuxième décision confirmative, rendue à la suite d’un deuxième recours gracieux, serait irrecevable en vertu de l’autorité de la chose jugée, ainsi désignée ;

Considérant que la demande initiale sur formulaire préimprimé ne comportant que la seule indication d’une demande d’établissement pour un « panneau publicitaire » ayant été précisée à travers le courrier du 7 octobre 2004, ce dernier ne saurait être utilement analysé comme recours gracieux contre la décision du 5 octobre 2004 ;

Considérant que le courrier du mandataire de la demanderesse du 9 février 2005 s’analyse, suivant son libellé, en tant que recours gracieux encore qu’il comporte pour le surplus, à son tour, des éléments de précision concernant la nature particulière du panneau publicitaire, amovible, qualifié de « stop trottoir » dans le jargon publicitaire ;

Que ce courrier du 7 octobre 2004 comporte notamment des précisions quant à l’emplacement du panneau publicitaire sollicité par la demanderesse au niveau de la Grand-

Rue, n° …, en avant de la devanture de son magasin, quoique la Galerie … dispose également d’une entrée au niveau de la rue … et que le magasin de la demanderesse comporte deux entrées, une à front de la Grand-Rue et l’autre dans la Galerie … elle-même ;

Considérant que le bourgmestre, à travers sa troisième décision du 2 mars 2005, a refait le point de la situation, de sorte qu’il a statué sur réexamen de l’entièreté des éléments du dossier produits devant lui, en sorte que le recours n’encourt point l’irrecevabilité pour cause de tardiveté en ce qu’il est dirigé contre les trois décisions à travers lui déférées ;

Considérant que le recours en annulation ayant été pour le surplus introduit suivant les formes prévues par la loi, il est recevable ;

Quant au fond Considérant qu’au fond la Ville de Luxembourg de conclure dans un premier stade au caractère mal fondé du recours, étant donné qu’aucun des cas d’ouverture d’un recours en annulation ne serait spécialement invoqué ;

Considérant que le moyen proposé s’analyse en moyen d’irrecevabilité dont le caractère malfondé résulte des développements qui précèdent ;

Qu’en effet, l’article 1er alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 prévoyant que la requête introductive d’instance contienne l’exposé sommaire des moyens invoqués, l’exigence de l’indication formelle de celui ou de ceux des cinq cas d’ouverture du recours en annulation prévus par l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif n’est point requise par la loi ;

Considérant qu’au fond, la demanderesse conclut en premier lieu à l’illégalité externe des décisions déférées ;

Qu’elle reproche à la décision du 2 mars 2005 de se référer à l’article 2 du règlement communal précité du 16 décembre 2002 « sans le citer d’ailleurs », pour solliciter, sur base de l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, la communication intégrale du règlement ainsi invoqué ;

Considérant que le règlement communal en question ayant été communiqué par le mandataire de la Ville de Luxembourg en date du 2 juin 2005, cette demande de communication est devenue sans objet ;

Que la demanderesse, au titre de l’illégalité externe invoquée dans le chef des décisions déférées, d’énoncer en substance que les motifs à la base de ces décisions ne seraient pas indiqués à suffisance de droit, étant donné que le bourgmestre se serait limité à évoquer des formules générales et abstraites prévues par la loi sans tenter de préciser concrètement suivant le cas d’espèce les éléments permettant de justifier ces décisions ;

Que de la sorte il aurait contrevenu aux exigences découlant de l’article 6 dudit règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ;

Considérant que d’après l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, une décision de refus telle celle sous rubrique, doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base ;

Considérant que si la citation in extenso de dispositions légales ou réglementaires invoquées peut être de nature à faciliter la compréhension de la motivation à la base d’une décision administrative, pareille reproduction intégrale n’est cependant point requise par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sous revue ;

Qu’aucun grief ne saurait dès lors être porté à l’encontre des décisions déférées de ne point avoir indiqué in extenso le contenu de l’article 2 simplement cité par le bourgmestre à travers sa décision du 2 mars 2005 ;

Considérant que le tribunal est amené à constater au vu du libellé les décisions prérelatées déférées que celles-ci, globalement considérées, compte tenu du caractère évolutif des précisions apportées à l’objet de la demande de la société requérante, répondent aux exigences légales portées par l’article 6 précité, en ce qu’elles relatent à suffisance de droit les circonstances de fait à leur base en y appliquant suivant un énoncé sommaire des dispositions réglementaires applicables, sans préjudice quant à leur bien-fondé ;

Qu’en tout état de cause, la demanderesse a pu organiser la défense de ses intérêts tout comme les droits de la défense de la Ville ont été garantis, le tribunal, pour le surplus, arrivant à toiser utilement le recours compte tenu des motifs proposés à la base des décisions déférées ;

Que dès lors le moyen tiré de l’illégalité externe des décisions déférées est à rejeter ;

Considérant qu’au titre de l’illégalité interne invoquée dans le chef des décisions déférées, la demanderesse de conclure à une erreur de fait dans le chef du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en ce sens que, contrairement à ses affirmations premières en date, elle serait bien établie Galerie …, mais que son adresse, de même que celle de son siège social se trouverait à L-1660 Luxembourg, …, Grand-Rue, ainsi qu’il résulterait de tous les éléments de correspondance émanant d’elle ;

Que le fait de vouloir limiter les droits à enseigne au seul panneau commun de la copropriété de la Galerie … serait encore contredit par l’admission du bourgmestre que la demanderesse dispose d’une entrée Grand-Rue, ainsi que d’une large devanture Grand-Rue, qui, selon lui, devrait être amplement suffisante pour servir à des fins publicitaires ;

Que la demanderesse de conclure encore à une illégalité des décisions déférées pour rupture du principe d’égalité devant la loi, étant donné qu’au moins deux autres magasins de la Grand-Rue par elle cités auraient pu apposer sur le trottoir des supports publicitaires du type « stop trottoir » du même gabarit que celui pour lequel l’autorisation est refusée à travers les décisions déférées ;

Considérant que le bourgmestre aurait encore commis une erreur de droit en tirant argument de ce que la demanderesse disposerait d’une large vitrine donnant sur la Grand-Rue pour refuser l’autorisation sollicitée au-delà des prévisions du règlement communal applicable ;

Qu’en estimant pour le surplus que dans les immeubles abritant plusieurs commerces, les commerçants devraient regrouper leurs panneaux publicitaires, le bourgmestre aurait pareillement posé une condition non prévue par le texte réglementaire applicable ;

Qu’il en serait de même de l’exigence portant que les copropriétés et les galeries ne peuvent disposer que d’un seul panneau à la même adresse ;

Considérant que la Ville de Luxembourg d’arguer que sur base de l’article 2 alinéa 2 du règlement communal du 16 décembre 2002 précité, portant que l’installation sur ou en bordure de la voie publique de panneaux publicitaires est soumise à autorisation du bourgmestre, ce dernier disposerait d’un pouvoir discrétionnaire d’autoriser ou de refuser l’installation de pareil panneau publicitaire ;

Que les refus déférés seraient dictés par des raisons de sécurité et de commodité des usagers, piétons et véhicules, circulant dans la Grand-Rue, afin de garder un juste équilibre entre les intérêts de ceux-ci et les besoins, sinon les nécessités du commerce ;

Que dès lors les décisions déférées ne sauraient être considérées comme disproportionnées par rapport aux intérêts contradictoires en cause ;

Qu’il n’y aurait pas non plus erreur de droit, ni violation du principe de l’égalité des citoyens devant la loi, dans la mesure où les panneaux sauvagement placés par d’autres commerçants et invoqués par la demanderesse à l’appui de son recours n’auraient jamais été autorisés et auraient, entre-temps, été enlevés à la demande des autorités communales ;

Qu’à travers son mémoire en réplique, la demanderesse d’estimer qu’en l’occurrence le bourgmestre disposerait d’une compétence liée en ce que l’article 2 du règlement communal du 16 décembre 2002 sous examen poserait des conditions précises notamment d’amovibilité et de profondeur des panneaux publicitaires à ériger qui, étant remplies, devraient emporter de plano l’autorisation sollicitée ;

Que la demanderesse d’estimer qu’elle était habilitée au moment de l’introduction de son recours à se prévaloir d’une situation de fait dont bénéficiaient les autres commerçants, étant constant pour que le caractère non autorisé allégué par la Ville concernant les panneaux établis par d’autres commerçants ne serait point vérifié en l’espèce ;

Que la Ville de dupliquer que les faits invoqués par le bourgmestre à l’appui de ses décisions seraient exacts en ce sens que l’existence de deux portes d’entrée dans le chef de la … ne changerait rien à sa position, à savoir que la copropriété de la Galerie … serait autorisée, comme toutes les autres copropriétés dans lesquelles sont installées plusieurs commerces, à faire de la publicité sur le panneau commun de la copropriété ou de la galerie marchande et que les publicités particulières des différents commerces ne seraient pas tolérés, quelle que soit la localisation de leur porte d’entrée ou de leur vitrine ;

Que la Ville de réitérer sa position suivant laquelle les refus déférés seraient basés sur des critères objectifs, le bourgmestre ne donnant son autorisation que si aucun trouble à la tranquillité ou à la salubrité publiques, ni aucune nuisance intolérable pour le voisinage ou les passants n’en résulteraient ;

Qu’enfin, l’autorisation prévue par l’article 2 du règlement communal du 16 décembre 2002 serait exceptionnelle et son appréciation d’autant plus restrictivement à opérer ;

Que, la Ville d’estimer finalement ne pas avoir ajouté au règlement communal en question une condition supplémentaire qui n’y serait point prévue ;

Considérant que le règlement communal précité du 16 décembre 2002 prévoit en son préambule que « le domaine public est destiné au commun usage de tous. Il en est ainsi en particulier des voies et places publiques. L’usage normal de la voie publique est principalement la circulation des véhicules et des piétons » ;

Qu’il dispose en son article 1er que « toute utilisation du domaine public dépassant les limites de l’usage normal de celui-ci, en particulier toute utilisation privative des voies publiques, au niveau du sol, au-dessus ou en dessous de celui-ci est interdite sauf autorisation à délivrer selon les cas par le collège des bourgmestre et échevins ou par le bourgmestre seul » ;

Considérant que l’article 2 du même règlement communal du 16 décembre 2002 est libellé comme suit : « Sous réserve des dispositions de la loi du 16 juillet 1987 concernant le colportage, la vente ambulante, l’étalage de marchandises et la sollicitation de commandes et sous réserve des dispositions applicables aux foires, marchés et kermesses, il est interdit de procéder sur la voie publique à l’étalage et à l’exposition de denrées, de marchandises ou d’autres objets, sauf autorisation du bourgmestre.

L’installation sur ou en bordure de la voie publique d’échoppes, de kiosques, de panneaux publicitaires, de comptoirs de vente, d’installations frigorifiques ou de stands mobiles est également soumise à autorisation du bourgmestre. Ces installations doivent être amovibles et ne peuvent être que purement superficielles ; leur profondeur ne peut dépasser 2 mètres et elles ne peuvent entraver les entrées particulières des immeubles.

L’autorisation délivrée par le bourgmestre est temporaire et révocable. Elle détermine la disposition, l’emplacement et l’envergure des installations et aménagements sur la voie publique ou donnant sur la voie publique.

Les guichets et les distributeurs automatiques de marchandises destinées au commerce et donnant sur la voie publique ou directement accessibles à partir de celle-ci, sont en principe interdits.

Ils peuvent cependant faire l’objet d’une autorisation à délivrer par le bourgmestre s’il est établi qu’il n’en résulte aucun trouble à la tranquillité et à la salubrité publiques et qu’il n’en résulte aucune nuisance intolérable pour le voisinage et les passants.

L’autorisation est limitée à une année à partir de sa délivrance.

Les objets mobiliers doivent être enlevés chaque soir. L’impétrant est entièrement responsable des dommages qui pourraient résulter du placement du mobilier sur la voie publique. » ;

Considérant que suivant le préambule du règlement communal du 16 décembre 2002 sous revue, l’usage normal de la voie publique est principalement la circulation des véhicules et des piétons ;

Que corollairement l’article 1er alinéa 1er prévoit que toute utilisation privative des voies publiques, définie comme dépassant les limites de l’usage normal du domaine public, notamment au niveau du sol, est en principe interdite, sauf autorisation délivrée par l’autorité communale compétente ;

Considérant que les dispositions pertinentes du règlement communal en question concernant la mise en place d’un panneau publicitaire sur la voie publique se retrouvent à l’article 2 en ses alinéas 2, 3 et 6 ;

Considérant que l’alinéa 2 de l’article 2 en question n’émarge pas expressément l’interdiction d’utilisation du domaine public concernant notamment les panneaux publicitaires, mais prévoit que leur installation sur ou en bordure de la voie publique est également soumise à autorisation du bourgmestre ;

Considérant que concernant les commerces de la Ville, l’emplacement de panneaux publicitaires participe à l’exercice du commerce et dès lors est couvert par la liberté du commerce et de l’industrie garantie à travers l’article 11 (6) de la Constitution, liberté par rapport à laquelle les restrictions éventuelles sont à établir par le pouvoir législatif ;

Considérant qu’un règlement communal tel celui sous revue, appelé à encadrer un usage ayant plus particulièrement trait à l’exercice d’une liberté fondamentale se concrétisant en l’espèce par l’occupation privative de parties de la voie publique, est censé, de par son contenu, avoir un caractère exhaustif en ce sens que les conditions et modalités devant régir l’usage en question telles qu’énoncées dans ledit règlement sont appelées à se suffire à elles-

mêmes, à l’exclusion de toute autre n’y figurant point ;

Qu’ainsi, des conditions, fussent-elles dictées par le bon sens ou objectivement retraçables dans l’intérêt de l’usage normal du domaine public, ne sauraient être imposées en tant que conditions de refus dans un domaine réglementé tel celui sous analyse, si elles ne figurent pas expressément dans le règlement communal régissant la matière ;

Considérant que le tribunal est amené à retenir que plus particulièrement les conditions tirées de ce que la demanderesse dispose d’une large vitrine donnant sur la Grand-Rue, qu’elle fait partie d’une copropriété ne pouvant disposer que d’un seul panneau à la même adresse et que se trouvant dans un immeuble abritant plusieurs commerces il y avait lieu à un regroupement des panneaux publicitaires afférents ne résultent point des conditions admissibles au regard des alinéas 2, 3 et 6 de l’article 2 du règlement communal du 16 décembre 2002 sous revue, régissant la matière ;

Considérant que le refus opposé par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg à la société demanderesse à travers les trois décisions déférées s’appuyant entièrement sur la série de conditions ci-avant citées, dépassant le cadre réglementaire posé, celles-ci encourent l’annulation sans qu’il ne faille pousser plus loin l’analyse des autres moyens proposés ;

Considérant qu’en matière de contentieux administratif aucune disposition légale ne prévoit la distraction au profit du mandataire concluant, affirmant avoir fait l’avance des frais exposés au nom de sa partie, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande afférente de la demanderesse ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

dit la demande en communication du texte intégral du règlement communal du 16 décembre 2002 sans objet ;

au fond déclare le recours justifié ;

partant annule les décisions déférées et renvoie l’affaire devant le bourgmestre de la Ville de Luxembourg en prosécution de cause ;

condamne l’administration communale de la Ville de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 octobre 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 13


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19759
Date de la décision : 03/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-03;19759 ?

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