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03/10/2005 | LUXEMBOURG | N°18928

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 octobre 2005, 18928


Tribunal administratif N° 18928 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2004 Audience publique du 3 octobre 2005

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Recours introduit par la société anonyme A. S.A., Luxembourg, contre deux décisions du ministre de la Santé, en présence de la société S. S.A., …, de la société P. Sàrl, …, de la société W. Sàrl, …, et de la société anonyme SE. Sàrl, …, en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le n° 18928 du rôle

et déposée le 1er décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cou...

Tribunal administratif N° 18928 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2004 Audience publique du 3 octobre 2005

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Recours introduit par la société anonyme A. S.A., Luxembourg, contre deux décisions du ministre de la Santé, en présence de la société S. S.A., …, de la société P. Sàrl, …, de la société W. Sàrl, …, et de la société anonyme SE. Sàrl, …, en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le n° 18928 du rôle et déposée le 1er décembre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme A. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation sinon à la réformation de deux décisions du ministre de la Santé du 24 novembre 2004 prises dans le cadre d'un marché public relatif à la mise à disposition de sept voitures avec chauffeurs-accompagnateurs pour le service de nuit en médecine générale, la première ayant informé le mandataire de la société A. S.A. que « l'offre soumise par la société S., …, ensemble l'analyse de prix du 15 novembre 2004, (…) présente l'offre la moins chère, tout en réalisant un bénéfice (…). Conformément au règlement grand-

ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, je suis au regret de devoir vous informer que votre réclamation a été rejetée et que l'offre de votre mandante n'a pu être retenue », et la seconde ayant informé la demanderesse que si elle s'estimait lésée par la décision de rejet, il lui était loisible d'introduire un recours auprès du ministère de la Santé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la lettre ;

Vu les exploits de l'huissier de justice suppléant Geoffrey GALLE, en remplacement de l'huissier de justice Roland FUNK, des 1er et 7 décembre 2004, portant signification du recours aux sociétés S. S.A., avec siège à L-…, ainsi qu'aux sociétés W. Sàrl, avec siège à L-

…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, P. Sàrl, avec siège à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions et SE. Sàrl, avec siège à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonction ;

Vu les ordonnances du président du tribunal administratif des 6 et 13 décembre 2004, la deuxième en date ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution de l'adjudication publique portant sur la mise à disposition de sept voitures avec chauffeurs-accompagnateurs pour le service de nuit en médecine générale du 11 novembre 2004 en attendant la solution du litige au fond ;

2 Vu le mémoire en réponse déposé le 10 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain RUKAVINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société SE. Sàrl, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement le 31 novembre 2005 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 18 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des sociétés P. Sàrl et W. Sàrl, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 22 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Antoine STOLTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société S. S.A., préqualifée ;

Vu l’ordonnance du vice-président et président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 22 février 2005 prorogeant le délai pour déposer un mémoire en réplique, de même que celui des éventuels mémoires en duplique ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 7 juin 2005 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte de la société demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 14 juin 2005 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte de la société S. S.A. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement le 14 juin 2005 ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 15 juin 2005 au greffe du tribunal administratif au nom des sociétés P. Sàrl et W. Sàrl;

Vu le mémoire en duplique déposé le 27 juin 2005 au greffe du tribunal administratif au nom de la société SE. Sàrl ;

Vu les pièces versées et notamment les décisions incriminées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maîtres Fernand ENTRINGER, Astrid WAGNER, en remplacement de Maître Alain RUKAVINA, Antoine STOLTZ et Jeanne FELTGEN, en remplacement de Maître André LUTGEN, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Dans le cadre d'une adjudication publique portant sur la mise à disposition de sept voitures avec chauffeurs-accompagnateurs pour le service de nuit en médecine générale, le classement des soumissionnaires se présenta comme suit à l'ouverture des soumissions, le 11 novembre 2004:

1. S. S.A., …:

22.693,32 € HT/mois 2. P. Sàrl, Canach:

29.813,00 € HT/mois 3. W. Sàrl, Canach:

29.856,00 € HT/mois 3 4. A. S.A., Luxembourg:

38.675,00 € HT/mois 5. SE. Sàrl, Luxembourg:

39.400,97 € HT/mois Suivant une note annexée au procès-verbal d'ouverture de la soumission en question, datée du lendemain, suite à une analyse des offres, l'offre de la société W. Sàrl s'élevait en réalité à 31.766,00 €, la rectification en question n'affectant cependant pas le classement des offres.

Par courrier du 11 novembre 2004, le ministre de la Santé rendit la société S. S.A.

attentive au fait que le prix de son offre était inférieur de plus de 15 % à la moyenne arithmétique des prix de toutes les offres retenues, y non compris l'offre la plus chère et l'offre la moins chère, et que par application des articles 79 et 80 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, ladite société était invitée à faire parvenir au ministre une analyse de son prix selon les critères fixés par l'article 13, paragraphe 2 du même règlement grand-ducal.

Le 17 novembre 2004, le mandataire de la société A. S.A., relevant à son tour le prix exceptionnellement bas de l'offre de la société S. S.A., demanda au ministre de la Santé, principalement l'annulation de la soumission, et subsidiairement une "analyse détaillée et serrée des prix" pratiquée par les soumissionnaires.

Par arrêté du même jour, le ministre de la Santé, se basant sur l'analyse des prix fournie par la société S. S.A., auteur de l'offre la moins chère, et considérant que « cette analyse des prix démontre le respect des salaires conformément à la convention collective pour chauffeurs professionnels et indique une marge bénéficiaire satisfaisante », approuva le procès-verbal d'adjudication des prestations à fournir par la société en question.

Par courrier du 24 novembre 2004, le ministre de la Santé informa le mandataire de la société A. S.A. qu'il avait demandé une analyse des prix de la part de la société soumissionnaire S. S.A., et qu'à l'issue de celle-ci, il n'avait pas constaté de non-conformité de l'offre en question, de sorte que sa réclamation était rejetée.

Le même jour, il informa la société A. S.A. que son offre n'avait pas pu être prise en considération, étant donné que son offre n'était pas la moins chère. Le même courrier informa encore ladite société que si elle entendait exercer un recours contre la décision rejetant sa réclamation tendant à une analyse des prix, elle était invitée à l'adresser au ministre de la Santé.

Par requête déposée le 1er décembre 2004, inscrite sous le numéro 18928 du rôle, la société anonyme A. S.A. a introduit un recours tendant principalement à l'annulation et subsidiairement à la réformation des décisions qu'elle estime contenues dans les deux lettres du ministre de la Santé du 24 novembre 2004. - Par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 18929 du rôle, elle avait encore introduit une demande en sursis à exécution dans laquelle elle sollicite « la surséance à statuer sur l'adjudication », requête qui fit l’objet de deux ordonnances du président du tribunal administratif, une première ordonnance prise en date du 6 décembre 2004, ordonnant la mise en intervention, en leur qualité de parties tierces intéressées, des autres sociétés ayant participé à la soumission litigieuse, à savoir la société P.

Sàrl, la société W. Sàrl et la société SE. Sàrl et une deuxième ordonnance du 13 décembre 2004, ordonnant le sursis à exécution de l'adjudication publique portant sur la mise à disposition de sept voitures avec chauffeurs-accompagnateurs pour le service de nuit en 4 médecine générale du 11 novembre 2004 en attendant que le tribunal administratif ait statué au fond. Il se dégage des considérations à la base de cette seconde ordonnance que le président a retenu l’existence d’une apparence que le prix offert par la société S. S.A. pour le marché litigieux était anormalement bas.

QUANT À L’ADMISSIBILITÉ DU MÉMOIRE EN RÉPLIQUE ET DES MÉMOIRES SUBSÉQUENTS Le tribunal est de prime abord appelé à se prononcer quant à l’admissibilité du mémoire en réplique déposé en nom et pour compte de la demanderesse le 7 juin 2005, cette admissibilité, au motif d’un non respect des exigences de délai fixées, étant contestée par le délégué du gouvernement, les mandataires des sociétés P. Sàrl, W. Sàrl et SE. Sàrl s’étant rapportés à prudence de justice quant à cette question.

Le mandataire de la demanderesse conclut à l’admissibilité de son mémoire au motif que l’ordonnance prise par le président de la deuxième chambre du tribunal administratif le 22 février 2005 l’aurait autorisé à déposer un mémoire en réplique « au plus tard un mois après la communication d’une nouvelle décision à prendre en cause par le ministre de la Santé, le délai recommençant à courir automatiquement si aucune décision n’intervenait jusqu’au 1er juin 2005 » et, comme sa demande de report dudit délai se serait référée à deux décisions distinctes, celle du retrait de la société S. S.A. et celle sur l’adjudication, alors que seulement une des deux décisions ne serait intervenue avant le 1er juin 2005, à savoir celle relative au retrait, la seule date du 1er juin 2005 fixerait le départ du délai qui lui était imparti.

Il se dégage des éléments du dossier que par courrier du 18 février 2005, le mandataire de la demanderesse s’est adressé au tribunal pour relever que le délégué du gouvernement aurait fait état dans son mémoire en réponse d’« un retrait unilatéral par S. de son offre » et d’une demande d’avis du ministre de la Santé à la Commission des Soumissions, pour soutenir qu’il « importe donc, avant de conclure plus en avant, de connaître l’avis de la Commission des Soumissions et la position que le Ministère compte prendre après cet avis. Il se pourrait même que le Ministre décide de recommencer ab initio la procédure d’appel d’offres, ce qui serait à mon sentiment la seule solution correcte et priverait le contentieux actuel de son objet » et sur ce, de solliciter « un délai supplémentaire en attendant, sinon la décision du Ministre, du moins l’avis de la Commission de Soumission ».

Répondant à cette demande, les mandataires des parties tierces intéressées ayant quant à eux marqué leur accord avec une prorogation des délais, le délégué du gouvernement s’étant rapporté à prudence de justice, la susdite ordonnance du 22 février 2005 a autorisé la demanderesse à déposer son mémoire en réplique « au plus tard un mois après la communication d’une nouvelle décision à prendre en cause par le ministre de la Santé, le délai recommençant à courir automatiquement si aucune décision n’intervenait jusqu’au 1er juin 2005, les délais pour les éventuels mémoires en duplique étant reportés en conséquence ».

Il convient ensuite de relever que le 1er avril 2005, le délégué du gouvernement a déposé 6 pièces additionnelles au greffe du tribunal, pièces qui ont été transmises par courrier du même jour au mandataire de la demanderesse. Les pièces ainsi communiquées sont :

1) l’avis, daté du 22 mars 2005, pris par la Commission des Soumissions en sa séance du 10 février 2005 avisant le ministre de la Santé entre autres que : « La Commission des Soumissions note qu’en ce qui concerne le marché sous rubrique, 5 la situation étant celle qu’un sursis à exécution ayant été prononcé jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu, il s’agit d’une situation qui laisse tant l’entreprise première classée que les autres qui ont participé à la soumission et qui ont remis une offre conforme dans une situation peu confortable comme il s’agit d’un marché de services se prolongeant sur une certaine période de temps et nécessitant de la part des entreprises une certaine organisation et planification tant de leur parc de véhicules que de leur personnel.

Peu importe que la première classée, à savoir l’entreprise S., ait été informée par lettre recommandée, ou non, du fait qu’elle est adjudicataire, il importe de noter qu’à l’instant actuel il est sursis à exécution de cette décision. Une telle décision n’a pas été explicitement prévue par la législation actuellement en vigueur, et il convient dès lors de se référer à l’article 47 du règlement grand-

ducal précité selon lequel si l’adjudication ne peut avoir lieu dans le délai prévu (2 voire 4 mois), les concurrents dont les offres ont été reconnues valables et avantageuses sont invités à se prononcer sur la prolongation du maintien de leur offre.

Partant, en ce qui concerne le marché sous rubrique, la conclusion du contrat n’étant pas intervenue et que la décision d’adjudication n’étant pas définitive, il est recommandable que les soumissionnaires en cause soient invités à se prononcer quant à la prolongation de leur offre.

Evidemment, ils ne sauraient être obligés de prolonger leur offre, de sorte que l’entreprise S. peut à bon droit retirer son offre.

En cas de retrait du premier classé, il est d’usage d’adjuger le marché au deuxième classé sans procéder à une nouvelle mise en adjudication.

Vu que l’affaire est pendante devant le Tribunal Administratif, la Commission des Soumissions ne juge pas opportun de se prononcer quant aux suites hypothétiques de ce marché qui pourraient résulter du retrait de l’offre de l’entreprise S. » ;

2) une lettre du 30 mars 2005 adressée par le ministre de la Santé à Maître Antoine STOLTZ, portant communication du susdit avis et l’informant de ce que le ministre n’entendait pas faire valoir d’objection à l’égard du retrait de la société S.

S.A. et qu’il « en résulte nécessairement que mon arrêté d’adjudication ayant provisoirement attribué le marché à votre mandante est devenu sans objet ».

3) quatre lettres du 30 mars 2005 adressées par le ministre de la Santé respectivement aux sociétés A. S.A., P. Sàrl, W. Sàrl et SE. Sàrl, les informant respectivement de ce que la Commission des Soumissions l’aurait avisé de ce que le retrait du soumissionnaire premier classé est régulier et les invitant à l’informer « sous quinzaine si vous entendez pour votre part maintenir l’offre soumise dans le cadre de l’adjudication en question. A défaut de réponse négative dans le délai imparti je considère que votre offre reste maintenue ».

Ceci dit, le délégué du gouvernement soutenant à bon escient que l’ordonnance du 22 février 2005 doit se lire dans son cadre contextuel, c’est-à-dire tant par rapport au libellé de la demande de prorogation du mandataire de la demanderesse et du mémoire du délégué du gouvernement, auquel ladite demande se réfère expressément, que par rapport à la considération objective indéniable posée par l’ordonnance présidentielle du 13 décembre 2004, à savoir le prononcé d’un sursis à exécution de l' « adjudication publique » du 11 novembre 2004, force est de constater que la décision ministérielle d’accepter le retrait de l’offre de la société S. S.A., ensemble la décision ministérielle de principe de continuer la procédure entamée et partant la décision de ne pas recommencer une nouvelle procédure 6 d’adjudication, matérialisées à travers les susdites lettres des 30 mars 2005 et communiquées le 4 avril 2005 (le premier jour ouvrable suivant leur notification par voie de greffe) ont fait commencer le cours du délai imparti pour le dépôt du mémoire en réplique. Le tribunal ne saurait suivre la demanderesse en ce qu’elle entend ébranler cette conclusion, en se basant sur l’absence de prise d’une nouvelle décision d’attribution du marché litigieux, ne serait-ce que parce que la prise de pareille décision a manifestement été exclue par l’effet de l’ordonnance de sursis à exécution.

Sur base des considérations qui précèdent et au regard du fait que le mémoire en réplique n’a été déposé que le 7 juin 2005, soit plus d’un mois après l’expiration du délai d’un mois ayant commencé à courir le 4 avril 2005 pour expirer le 4 mai 2005, ledit mémoire en réplique est à écarter des débats.

Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe les différents mémoires en duplique du délégué du gouvernement et des parties tierces intéressées, lesquels ne constituent que des réponses à la réplique tardivement fournie.

QUANT À LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF Encore que la demanderesse entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions critiquées, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre les mêmes décisions.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative, pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions critiquées.

QUANT À LA RECEVABILITÉ DU RECOURS Le recours, déposé dans les délai et formes prévus par la loi, est recevable dans la mesure et limite que la demanderesse vise l’annulation de la décision d’adjudication du marché litigieux à la société S. S.A. et la décision ministérielle concomitante portant rejet de son offre.

Cette conclusion n’est pas affectée par les moyen et argumentation développés par le délégué du gouvernement qui expose qu'en vertu de l'article 90, alinéas 3 et 4 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, le pouvoir adjudicateur doit informer tous les concurrents non retenus qu'il n'a pas été fait usage de leur offre, avec indication des motifs, la conclusion du contrat avec l'adjudicataire ne pouvant avoir lieu pendant le délai de quinze jours au moins qui doit être indiqué aux soumissionnaires provisoirement écartés. Il estime que le but de cette disposition est de permettre à ceux-ci d'introduire une réclamation auprès du pouvoir adjudicateur, ce dernier pouvant opérer un retrait de sa décision initiale, s'il estime la réclamation justifiée. Or, la loi ayant prévu cette procédure spéciale de recours administratif à l'encontre de la décision d'adjudication provisoire, un soumissionnaire provisoirement écarté qui souhaite voir modifier ou retirer ledit acte administratif, ne saurait introduire directement un recours contentieux contre une telle décision sans passer d'abord par la procédure de recours administratif spéciale prévue par l'article 90, précité, du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003. La demanderesse 7 ayant effectivement introduit une telle réclamation devant le ministre, et ce dernier n'y ayant pas encore statué, il n'existerait pas de décision administrative finale attaquable, de sorte que le recours serait à considérer comme prématuré.

En effet, s’il est vrai que l'article 90, alinéa 2 du règlement grand-ducal précité du 7 juillet 2003 prévoit l’information par lettre recommandée du soumissionnaire qui se voit adjuger le marché, que l'alinéa 3 dudit article exige encore que le pouvoir adjudicateur informe par lettre recommandée les autres concurrents qu'il ne fait pas usage de leur offre, avec l'indication des motifs à la base de la non-prise en considération de celle-ci et que par application de l'alinéa 4, la conclusion du contrat avec l'adjudicataire ne peut avoir lieu qu’après un délai d'au moins quinze jours à compter de l'information donnée aux autres concurrents et qu’il en résulte qu'après l'expiration d'un délai de quinze jours après l'information des soumissionnaires évincés de l'adjudication à leur concurrent, le pouvoir adjudicateur est habilité à conclure le contrat civil d'exécution du marché ainsi attribué, ni le tribunal administratif, ni son président, ne pouvant après cette conclusion prendre une quelconque mesure tendant à en empêcher l'exécution, il n’en reste pas moins qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit si, dans le délai de quinzaine indiqué plus haut, une réclamation introduite auprès du pouvoir adjudicateur suspend le pouvoir de celui-ci de conclure le contrat d'exécution. Un tel recours administratif obligatoire, tel qu'invoqué par le délégué du gouvernement, n'a pas d'existence légale et ne saurait priver le soumissionnaire évincé du droit de s'adresser au juge pour empêcher le pouvoir adjudicateur de conclure le contrat civil d'exécution du marché.

La recevabilité n’est pas non plus ébranlée par les contestations relativement à l’intérêt à agir de la société A. S.A., basées sur ce qu'étant classée quatrième, elle n'aurait en aucune hypothèse pu obtenir le marché, même en cas d'irrégularité de l'offre de l'adjudicataire actuel.

En effet, la demanderesse n’ayant pas fait l’objet d’une décision d’exclusion, son offre ayant pour le surplus été considérée conforme aux stipulations du cahier des charges, force est de constater qu’elle a été admise à participer à la soumission litigieuse et justifie manifestement d’un intérêt de concurrence suffisant pour faire examiner le respect des dispositions légales et réglementaires régissant les adjudications publiques.

QUANT AU FOND S’il est vrai qu’après la vérification de la recevabilité d’un recours, il convient en principe d’examiner le bien-fondé ou mal-fondé des moyens d’annulation soulevés par la partie demanderesse, tel n’est pas le cas en présence d’un recours qui, comme en l’espèce, à manifestement perdu son objet au cours de son instruction.

En effet, le recours en annulation tendant à l’annulation d’une ou de plusieurs décisions juridiques émanant d’une autorité administrative, en l’occurrence les deux décisions du ministre de la Santé visées, force est de constater que suite au retrait – accepté - de l’offre du soumissionnaire ayant remporté l’adjudication, tant la décision d’adjudication que son corollaire, la décision de rejet de l’offre de la société A. S.A. ont disparu de l’ordonnancement juridique et le recours ne saurait partant plus avoir un effet concret. – C’est à tort que le délégué du gouvernement semble estimer que le recours garderait un objet dans la mesure où l’offre de la société A. S.A. devrait rester « écartée », le cas échéant par substitution de motifs « alors que cette société ne remplit pas les conditions et garanties nécessaires afin de se voir attribuer le marché », cette argumentation se heurtant au libellé de la lettre du 30 mars 2005 adressée par le ministre de la Santé à la demanderesse dans laquelle, loin de vouloir maintenir 8 sa décision antérieure de rejet, il la retire, implicitement mais nécessairement, en questionnant la société A. S.A., en vue de la poursuite de la procédure entamée, sur son intention de maintenir son offre. Par ailleurs, il convient de rappeler que la société A. S.A. n’a à aucun moment fait l’objet d’une décision d’exclusion et que son offre a pour le surplus été reconnue conforme aux exigences posées par le cahier des charges, de sorte qu’il ne saurait en tout état de cause pas être question de substitution de motifs, mais qu’il faudrait passer par une substitution de décision ce qui ne relève manifestement pas de la compétence de la juridiction saisie.

Enfin, dès lors qu’il se dégage des éléments d’appréciation soumis au tribunal une apparence, non utilement contredite, que le retrait de l’offre de la société S. S.A. et son acceptation ont été la conséquence directe de l’introduction du recours contentieux, recevable au moment de son introduction, voire de l’ordonnance présidentielle du 13 décembre 2004, les frais et dépens de l’instance sont à partager entre l’auteur des décisions litigieuses et la société S. S.A.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte les mémoires en réplique et en duplique tardivement fournis, qui n’entreront pas en taxe ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, vidant l'ordonnance présidentielle du 13 décembre 2004, constate que le recours a perdu son objet ;

fait masse des frais entrant en taxe et les impartit pour moitié à charge de la société S.

S.A. et pour l’autre moitié à charge de l’Etat.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 3 octobre 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18928
Date de la décision : 03/10/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-10-03;18928 ?

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