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26/09/2005 | LUXEMBOURG | N°20345

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 septembre 2005, 20345


Tribunal administratif N° 20345 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2005 Audience publique du 26 septembre 2005 Recours formé par Madame Xxx et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20345 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Xxx, née le … (Monténégro / Etat de Serbie et Monté...

Tribunal administratif N° 20345 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2005 Audience publique du 26 septembre 2005 Recours formé par Madame Xxx et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20345 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Xxx, née le … (Monténégro / Etat de Serbie et Monténégro), ainsi que ses enfants mineurs … , tous de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L- … , tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 juin 2005, par laquelle leur demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée comme manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre datée du 28 juillet 2005 et prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 19 septembre 2005, Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER ainsi que Maître Nicky STOFFEL s’étant ralliés aux écrits de leurs parties respectives.

En date du 9 mai 2005, Madame Xxx, accompagnée de ses enfants mineurs … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-

York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 8 juin 2005, elle fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 30 juin 2005, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 1er juillet 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 27 juillet 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision confirmative le 28 juillet 2005.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2005, Madame XXX, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des deux décisions ministérielles prévisées des 30 juin et 28 juillet 2005.

A l'appui de son recours, Madame XXX fait valoir qu’il résulterait de son audition qu’elle a « expliqué des raisons personnelles spécifiques suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève ».

Elle expose encore de manière générale la situation politique de l’Etat de Serbie et Monténégro, ainsi que la situation propre au Monténégro, marquée par une volonté séparatiste ainsi qu’une situation économique désastreuse.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours principal en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en la matière et soulève l’exceptio obscuri libelli en ce qui concerne le recours en annulation, estimant que le simple renvoi à un rapport d’audition ne permettrait pas au tribunal de savoir quelle partie de la décision le requérant attaque et sur quels éléments il se base.

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit un recours en annulation en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation des décisions déférées.

En ce qui concerne le recours en annulation et le moyen d’irrecevabilité afférent soulevé par la partie publique, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 1er, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, une requête introductive d’instance à déposer auprès du tribunal administratif doit notamment contenir, en dehors d’un exposé sommaire des faits, les moyens invoqués à l’appui du recours.

Si en règle générale l’exception de libellé obscur admise se résout par l’annulation de la requête introductive d’instance ne répondant pas aux exigences fixées par le texte légal en question, il convient dans le cadre de la loi du 21 juin 1999 d’avoir égard à son article 29 qui dispose que « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense » (trib. adm., 4 avril 2000, n° 11554, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 221, p. 597) Or en l’espèce, non seulement la partie demanderesse mentionne des raisons personnelles apparemment évoquées dans le cadre de l’audition de Madame XXX ainsi que la situation générale en Serbie et Monténégro, mais force est encore au tribunal de constater que la partie publique a pris position par rapport à ces moyens, de sorte qu’en l’absence de grief effectif porté aux droits de la défense de l’Etat, le moyen d’irrecevabilité pour libellé obscur est à écarter (voir trib. adm., 12 juin 2002, n° 14304, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 223, p. 598).

Dès lors, le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, il convient néanmoins de rappeler que le tribunal est saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, de sorte que l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré, mais que son rôle ne consiste en revanche pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse.

Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif, mais il appartient au requérant d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.

En l’espèce, il aurait ainsi appartenu à la partie demanderesse, confrontée au refus ministériel basé notamment sur la constatation qu’elle ne fait état que de problèmes de santé et de problèmes familiaux - en l’espèce le décès de deux de ses enfants causé par une maison hantée - pour justifier la fuite des consorts XXX de leur pays d’origine, soit de justifier en quoi de telles considérations seraient néanmoins susceptibles de constituer des persécutions au sens de la Convention de Genève, soit d’établir que leur fuite serait encore justifiée par d’autres raisons constitutives d’une persécution au sens de la prédite convention.

Etant donné cependant qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, il y a lieu de retenir que le simple renvoi à un rapport d’audition, accompagné de l’affirmation non autrement précisée que la partie demanderesse y aurait expliqué « des » raisons personnelles justifiant l’obtention du statut de réfugié, ne permet pas au tribunal de mettre utilement en cause ni la légalité ni le bien-fondé des décisions litigieuses.

En ce qui concerne les explications fournies par la partie demanderesse en ce qui concerne la situation politique et économique en Serbie et Monténégro, force est au tribunal de constater que non seulement les consorts XXX restent en défaut d’établir d’une quelconque manière en quoi cette situation décrite en termes vagues et généraux serait susceptible de constituer ou d’engendrer une persécution au sens de la Convention de Genève, mais qu’ils restent encore en défaut d’établir, voire seulement d’alléguer, en quoi cette situation générale affecterait concrètement leur situation personnelle et entraînerait un danger sérieux en ce qui concerne leur situation subjective particulière.

C’est partant à juste titre que le ministre a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée. Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par les consorts XXX est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 septembre 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20345
Date de la décision : 26/09/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-09-26;20345 ?

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