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26/09/2005 | LUXEMBOURG | N°19440

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 septembre 2005, 19440


Numéro 19440 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2005 Audience publique du 26 septembre 2005 Recours formé par Monsieur …., … contre une décision implicite et un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19440 du rôle, déposée le 4 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ric

hard STURM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Numéro 19440 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2005 Audience publique du 26 septembre 2005 Recours formé par Monsieur …., … contre une décision implicite et un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19440 du rôle, déposée le 4 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Richard STURM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …., né le … à Sousse (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision implicite du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration portant rejet de sa demande en obtention d’une carte de séjour, ainsi que d’un arrêté du même ministre du 6 décembre 2004 portant refus dans son chef de l’octroi d’un permis de travail;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2005;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2005 par Maître Richard STURM pour compte de Monsieur ….;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 août 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Kalthoum BOUGHALMI, en remplacement de Maître Richard STURM, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 septembre 2005.

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Par demande du 1er septembre 2004, Monsieur …., préqualifié, marié depuis le 11 octobre 2000 à Madame …., de nationalité luxembourgeoise, sollicita la délivrance d’une carte de séjour.

Suivant une déclaration d’engagement du 14 septembre 2004, reçue par l’Administration de l’Emploi (ADEM) le 20 septembre 2004, la société à responsabilité limitée P. demanda l’obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur …. pour un poste de buffetier-serveur au restaurant « B. » sur base d’un contrat de travail à durée déterminée conclu le 10 septembre 2004. Cette demande renseigne comme date d’entrée en service de Monsieur …. le 4 septembre 2004.

Par arrêté du 6 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre », refusa de faire droit à cette demande en obtention d’un permis de travail « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

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des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2714 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

occupation irrégulière depuis le 04.09.2004 -

recrutement à l’étranger non autorisé ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2005, Monsieur …. a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision implicite de rejet du ministre en ce qui concerne sa demande en obtention d’une carte de séjour, ainsi que de l’arrêté ministériel précité du 6 décembre 2004.

Encore que le demandeur n’a introduit le recours en réformation qu’à titre subsidiaire, le tribunal est néanmoins amené à vérifier l’existence d’un recours au fond en les matières visées par le recours sous analyse, étant donné que la prévision d’une telle voie de recours par le législateur entraînerait l’irrecevabilité du recours principal en annulation.

Aucun recours au fond n’étant prévu dans lesdites matières, seul un recours en annulation a pu être introduit contre les deux décisions litigieuses et le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il y a lieu de relever que, suite au renvoi par le délégué du gouvernement à la délivrance le 9 mars 2005 d’une carte de séjour valable jusqu’au 9 mars 2008 en faveur du demandeur comme suite à sa demande du 1er septembre 2004, c’est à bon droit que ce dernier admet que son recours est devenu sans objet en ce qui concerne ce volet.

Le délégué du gouvernement soulève la question de l’admissibilité du mémoire en réplique du demandeur en ce qui concerne le respect du délai imparti pour son dépôt.

Aux termes de l’article 5 (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, « le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ».

Il découle de cette disposition légale que le délai fixé au demandeur pour la fourniture de son mémoire commence à partir du jour où il a obtenu la communication du mémoire en réponse et non pas à partir de la date du dépôt de ce dernier au greffe du tribunal administratif.

En l’espèce, il découle des éléments du dossier que le mémoire en réponse du délégué du gouvernement a été déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2005 et transmis le même jour par la voie postale au mandataire du demandeur. Il en découle que ce dernier a obtenu communication de ce mémoire au plus tôt le 2 juin 2005. Le mandataire du demandeur a communiqué son mémoire en réplique par voie de télécopie le vendredi 1er juillet 2005 après l’heure de fermeture des bureaux et l’a déposé par la voie postale le lundi 4 juillet 2005.

Partant, le mémoire en réplique a été déposé dans le délai légal au vu de la prorogation légale du délai au prochain jour ouvrable, à savoir le lundi 4 juillet 2005. Il s’ensuit que le moyen afférent du délégué du gouvernement est à rejeter.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche tout d’abord au ministre de s’être basé, dans sa décision du 6 décembre 2004, sur des formules sommaires et stéréotypées, en se limitant à reprendre de manière abstraite les motifs prévus par la loi, sans préciser exactement les conditions particulières sur base desquelles la décision a été prise et sans justifier l’appréciation lui revenant conformément à la loi. Ainsi, l’administration aurait pêché par une absence de motivation mettant le juge administratif dans l’impossibilité de contrôler la légalité de l’acte attaqué.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen tendant à l’annulation de l’acte attaqué, étant donné qu’il échet de rappeler qu’une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg.

En outre, s’il est vrai qu’en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, force est de constater qu’en l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 6 décembre 2004 énonce cinq motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation ayant utilement été complétée et explicitée par le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision ministérielle déférée, étant relevé qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

Le demandeur conclut d’abord au non-respect de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, dans la mesure où le refus d’un permis de travail affecterait la vie familiale avec son épouse et reviendrait à le contraindre à retourner dans son pays d’origine où il ne pourrait s’installer faute de perspectives économiques, de manière que l’arrêté litigieux constituerait une ingérence non justifiée dans sa vie privée et familiale. Il soutient encore qu’un refus d’un permis de travail en sa faveur constituerait une violation de son droit au travail consacré par l’article 11 (4) de la Constitution et d’autres instruments de droit international, d’autant plus que son épouse serait également sans emploi.

Le délégué du gouvernement rétorque que le poste occupé par le demandeur n’aurait pas été déclaré vacant et qu’il ressortirait de la déclaration d’engagement du 10 septembre 2004 que le demandeur aurait été au service de son employeur depuis le 4 septembre 2004, de manière que l’ADEM aurait été mise dans l’impossibilité d’assigner utilement des demandeurs d’emploi et d’établir ainsi la disponibilité concrète de travailleurs bénéficiant d’un droit de priorité et qu’il importerait en conséquence peu de connaître le nombre exact de travailleurs disponibles. Le représentant étatique conteste toute violation de l’article 8 CEDH et de la vie familiale du demandeur avec son épouse en renvoyant à un courrier du demandeur du 26 juillet 2004 à travers lequel il aurait déclaré que son épouse aurait une relation avec un autre homme, qu’il aurait été expulsé du domicile conjugal, que suite à une hospitalisation pour dépression nerveuse, il aurait commencé une relation avec une « copine » avec laquelle il aurait acheté une maison et que cette « copine » aurait été enceinte de lui. Le délégué du gouvernement affirme encore que les restrictions au libre accès au marché de l’emploi en matière d’emploi de main-d’œuvre étrangère seraient conformes à la Constitution au vu de la réserve inscrite dans son article 111.

Le demandeur soutient en termes de réplique que, contrairement aux allégations du délégué du gouvernement, le poste par lui occupé aurait fait l’objet d’une déclaration de vacance de poste préalable, ainsi qu’en témoigneraient deux assignations de chômeurs du 31 août 2004 pour un poste de buffetier auprès de son employeur, mais que les deux personnes convoquées n’auraient pas répond aux attentes de l’employeur. Il ajoute que, s’il est vrai qu’il vivrait actuellement en concubinage avec une autre personne que son épouse, ils auraient actuellement un enfant commun ayant la nationalité luxembourgeoise, entraînant que le refus d’un permis de travail et son renvoi subséquent constitueraient une ingérence non justifiée dans sa vie familiale constituée avec sa « copine » et leur enfant commun.

Conformément aux dispositions de l’article 10 du règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

Cette disposition trouve sa base légale habilitante à la fois dans l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » et dans l’article 1er du règlement CEE précité n° 1612/68, qui dispose que « 1) tout ressortissant d’un Etat membre quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre Etat membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet Etat. 2) Ils bénéficient notamment sur le territoire d’un autre Etat membre de la même priorité que les ressortissants de cet Etat dans l’accès aux emplois disponibles ».

Lesdits articles 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et 27 de la loi précitée du 28 mars 1972 confèrent à l’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail, la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (v. trav. parl. relatifs au projet de loi n° 2097, Exposé des motifs, p. 2).

Au vœu de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972, et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E. sont dispensés de la formalité du permis de travail.

En l’espèce, la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, à travers notamment une référence à la disponibilité de demandeurs d’emploi appropriés, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union européenne et de l’Espace Economique Européen se justifie donc, en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité tunisienne, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E..

Après avoir vérifié que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union européenne et de l’E.E.E. est, en principe, justifiée en l’espèce, le tribunal doit encore examiner si des demandeurs d’emploi prioritaires aptes à occuper le poste vacant étaient concrètement disponibles sur le marché de l’emploi.

A cet égard, il appartient au ministre d’établir, in concreto, la disponibilité sur place de personnes bénéficiant d’une priorité à l’embauche, susceptibles d’occuper le poste vacant, en prenant notamment en considération leur aptitude à pouvoir exercer le travail demandé.

Pour refuser l’octroi d’un permis de travail à un ressortissant étranger non ressortissant d’un pays de l’E.E.E., l’ADEM, sous peine de rester en défaut de prouver la présence de main-d’œuvre disponible et prioritaire, ne saurait se borner à faire état de la simple existence de personnes inscrites comme demandeurs d’emploi pour en conclure que parmi ces personnes se trouverait une personne apte et qualifiée et se dispenser dès lors de faire des assignations de candidats auxquels une priorité à l’emploi aurait dû être accordée.

Afin de mettre l’ADEM en mesure d’établir la disponibilité concrète sur le marché de l’emploi de demandeurs d’emploi prioritaires, suivant l’article 10 (1) du règlement grand-

ducal précité du 12 mai 1972 et de l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, aptes à occuper le poste vacant, en assignant, le cas échéant, à l’employeur en question des ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen bénéficiant d’une priorité à l’embauche, susceptibles de remplir concrètement les fonctions ainsi déclarées vacantes, l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi a instauré l’obligation de déclaration préalable de la vacance d’un poste de travail par tout employeur et l’article 10 (1) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans sa teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, dispose dans son deuxième alinéa que « la non déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’Administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Or, en l’espèce, si le délégué du gouvernement affirme que l’employeur du demandeur n’aurait pas déclaré la vacance du poste ensuite occupé par le demandeur, ce dernier verse en cause les copies de deux assignations de demandeurs d’emploi à son employeur datant du 31 août 2004 et concernant un poste de buffetier correspondant à celui brigué par le demandeur.

A défaut d’autres contestations soulevées ou d’éléments fournis en sens contraire par le délégué du gouvernement, le tribunal est amené à déduire de ces pièces que l’employeur du demandeur s’était en réalité conformé à son obligation de déclaration de la vacance du poste en cause et que l’ADEM a eu l’occasion d’assigner des demandeurs d’emploi disponibles avant que le poste n’ait été occupé par le demandeur. Par voie de conséquence, les motifs tirés de la disponibilité de demandeurs d’emploi appropriés, de l’accès prioritaire aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union européenne et de l’E.E.E. et du défaut de déclaration de vacance de poste ne sauraient en l’espèce valablement soutenir l’arrêté déféré de refus de permis de travail.

La même conclusion s’impose relativement au motif de refus basé sur l’occupation irrégulière du demandeur depuis le 4 septembre 2004, étant donné que s’il est certes constant que le demandeur a occupé en fait le poste litigieux sans être en possession d’un permis de travail et que le caractère irrégulier d’une occupation sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail est susceptible de justifier l’application de sanctions pénales afférentes prévues à l’article 26 de la loi prévisée du 28 mars 1972, le constat d’une irrégularité à cet égard ne permet pas pour autant de conclure automatiquement à l’existence d’une raison inhérente à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi justifiant, pour l’emploi concerné, le refus du permis de travail, d’autant plus qu’il découle des développements ci-avant que l’ADEM avait été mise en mesure d’assigner utilement des demandeurs d’emploi bénéficiant d’une priorité à l’embauche.

En ce qui concerne le motif tiré du recrutement non autorisé à l’étranger, l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 précitée précise que le recrutement de travailleurs à l'étranger est de la compétence exclusive de l'ADEM, sauf l'exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-

mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d'action de l'administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d'oeuvre se déclare » (doc.

parl. n° 1682, commentaire des articles ad. art. 16).

Cette obligation est corroborée par les dispositions du même article 16 à travers son paragraphe (1) fixant le principe pour l'ADEM d'un monopole en vue de procéder au recrutement des travailleurs en dehors de l'Espace Economique Européen pour les raisons « inhérentes à la surveillance du marché d'emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l'ordre public et la sécurité publique, enfin dans l'intérêt de la protection de l'emploi et de la main-d'œuvre occupé dans le pays » (doc. parl. n° 1682 loc.cit).

S’il est vrai qu’un travailleur n'ayant pas d'autorisation de séjour valable au Grand-

Duché de Luxembourg est à considérer comme ayant été recruté à l'étranger (cf. Cour adm. 7 novembre 2000, Andrade Teixeira, n° 11962C du rôle, Pas. adm. 2004, v° Travail, n° 64), force est de constater qu’en l’espèce, il découle des éléments du dossier que le demandeur, marié à une ressortissante luxembourgeoise, avait soumis le 1er septembre 2004 une demande de carte de séjour qui lui a été délivrée le 9 mars 2005, étant précisé que, conformément à l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972, pareille demande vaut autorisation d’établissement provisoire. Il s’ensuit qu’à la date de la prise de l’arrêté ministériel critiqué, le demandeur ne pouvait pas être considéré comme résidant illégalement au pays et partant être assimilé à un travailleur résidant à l’étranger pour le recrutement duquel une autorisation spécifique aurait été requise. Par voie de conséquence, le motif de refus tiré du recrutement non autorisé à l’étranger tombe à faux.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’arrêté critiqué du 6 décembre 2004 n’est justifié par aucun des motifs avancés en cause, de manière qu’il encourt l’annulation pour violation de la loi.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur est à rejeter, alors que les conditions légales afférentes ne se trouvent pas réunies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit, déclare le recours sans objet en ce qui concerne la décision implicite de refus d’une carte de séjour, reçoit le recours en annulation en la forme en ce qu’il est dirigé contre l’arrêté ministériel critiqué du 6 décembre 2004, au fond, le déclare également justifié, partant, annule ledit arrêté et renvoie l’affaire devant le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en prosécution de cause, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 26 septembre 2005 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

s. LEGILLE s. CAMPILL 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19440
Date de la décision : 26/09/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-09-26;19440 ?

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