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26/09/2005 | LUXEMBOURG | N°19396

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 septembre 2005, 19396


Tribunal administratif N° 19396 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2005 Audience publique du 26 septembre 2005

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19396 du rôle et déposée le 28 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Rachel JAZBINSEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, de nationalité polonaise, demeurant à L-…, tendant à l’annulat...

Tribunal administratif N° 19396 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2005 Audience publique du 26 septembre 2005

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19396 du rôle et déposée le 28 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Rachel JAZBINSEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, de nationalité polonaise, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 octobre 2004 portant refus dans son chef d’une autorisation de travail sollicitée en tant qu’« aide à domicile » auprès de Madame …, demeurant à L-…, telle que cette décision a été confirmée par le susdit ministre le 6 décembre 2004, suite à un recours gracieux de la demanderesse ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mai 2005 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2005 par Maître Sabine DELHAYE-DELAUX, avocat à la Cour, assistée de Maître Anne DEVIN-

KESSLER, avocat, les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de la demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2005 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Anne DEVIN-KESSLER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 16 août 2004, Madame … s’adressa à l’administration de l’Emploi (« ADEM ») pour, en substance, l’informer de ce qu’elle avait engagé Madame …, de nationalité polonaise, comme aide à domicile, aide par elle requise en raison de son mauvais état de santé et pour solliciter l’obtention d’un permis de travail en faveur de ladite personne.

Par déclaration d’engagement datée le 28 juin 2004, entrée auprès de l’ADEM le 3 septembre 2004, Madame … réitéra sa demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Madame …, précisant que cette dernière était occupée par elle depuis le 10 mai 2004.

Par décision du 14 octobre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre », prit une décision de rejet de la susdite demande aux motifs énoncés comme suit :

« - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2620 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi ;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 10.05.2004 - salaire inférieur au salaire social minimum légal ».

Par lettre du 26 novembre 2004, Madame … introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté ministériel prévisé du 14 octobre 2004.

Le 6 décembre 2004, le ministre confirma sa décision initiale de refus.

Le 28 février 2005, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation des deux arrêtés ministériels prévisés des 14 octobre et 6 décembre 2004.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, selon le dernier état de ses conclusions, la demanderesse fait soutenir que le ministre aurait contrevenu aux articles 9 et suivants du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes en ce qu’il aurait omis de l’informer de son intention préalablement à la prise de la décision afin de lui permettre de prendre position.

Sur ce, elle conteste les différents motifs de refus énoncés soutenant que :

- l’existence éventuelle de 2620 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi manquerait « de la moindre pertinence et de la moindre objectivité », le ministre n’ayant pas pris en considération la situation particulière de son employeur, Madame …, c’est-à-dire une personne handicapée physique qui aurait besoin d’une aide à domicile, et la nécessité d’« habiter sur place, un logement de fonction est mis à disposition à l’étage de la maison de Madame … qui peut ainsi en cas d’urgence avoir l’aide immédiate d’une personne », « cet élément accessoire du poste [ayant] donc freiné beaucoup de personnes ayant déjà un lieu de résidence à Luxembourg » ;

- le salaire proposé ne serait pas inférieur au minimum légal selon la loi du 22 décembre 2000 modifiant les articles 5 et 14 de la loi du 12 mars 1973 portant réforme du salaire social minimum qui est de 1.402,96 €, dès lors qu’outre le salaire versé, elle serait logée et nourrie ;

- quant au reproche d’un défaut de déclaration de la vacance de poste, elle soutient que tel aurait été le cas, dès lors qu’« il ressort du courrier émanant de Madame … en date du 16.08.04 (…) adressé à l’administration de l’Emploi que cette dernière avait fait part à l’ADEM de la difficulté éprouvée depuis de longs mois à trouver une employée et par là même avait déclaré le poste vacant ». Ce serait au contraire l’ADEM qui serait fautive pour avoir manqué de lui assigner des demandeurs d’emploi bénéficiant de la priorité à l’embauche, les motifs de refus basés sur la disponibilité de demandeurs d’emploi appropriés et la priorité à l’emploi des ressortissants de l’E.E.E. (ou assimilés quant à leur régime) n’étant partant pas non plus de nature à justifier légalement les arrêtés ministériels déférés ;

- le motif de refus du permis de travail tiré de l’occupation irrégulière de Madame … depuis le 10 mai 2004 ne serait à son tour pas justifié, le tribunal administratif, statuant sur la légalité d’une décision de refus du permis de travail, n’étant pas juge de l’occupation irrégulière d’un étranger, cette dernière n’empêchant pas en tant que telle l’obtention pour l’avenir d’un permis de travail dans la mesure du respect quant au fond des dispositions directement applicables en la matière. En outre, à défaut d’une raison inhérente à l’organisation du marché de l’emploi directement liée au caractère irrégulier de l’occupation de la demanderesse, le motif de refus afférent n’aurait partant pas pu être utilement retenu à l’appui des décisions déférées.

Le premier moyen d’annulation soulevé laisse d’être fondé, étant donné les dispositions légales invoquées ne trouvant pas application dans le cas d’espèce, l’autorité ministérielle en refusant de faire droit à une demande de permis de travail, n’a ni révoqué, ni modifié pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits et qu’il ne s’agit pas non plus d’une décision intervenue en dehors de l’initiative de l’administré.

En ce qui concerne la légalité, mise en cause par la demanderesse, des motifs à la base de la décision de refus, il convient en premier lieu de relever qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-

tend entièrement.

Ceci dit, parmi les motifs invoqués à la base de l’arrêté ministériel figure la non-

déclaration de poste vacant par l’employeur lequel, s’il se trouve vérifié en fait et en droit, est de nature à justifier à lui seul le refus déféré.

L’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 dispose en son second alinéa que « la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’Administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Il échet de relever que la formalité de la déclaration de vacance de poste se justifie dans la mesure où, par l’accomplissement de cette formalité administrative, l’ADEM est mise en mesure d’établir la disponibilité concrète sur le marché de l’emploi de demandeurs d’emploi prioritaires, suivant l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et de l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972, aptes à occuper le poste vacant, en assignant, le cas échéant, à l’employeur en question des ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen bénéficiant d’une priorité à l’embauche, susceptibles de remplir concrètement les fonctions ainsi déclarées vacantes.

En l’espèce, s’il est vrai que Madame … a dans sa lettre précitée du 16 août 2004 et dans la déclaration d’engagement, entrée auprès de l’ADEM le 3 septembre 2004, implicitement informé ladite administration d’une vacance de poste, il ne ressort toutefois d’aucun élément du dossier soumis à l’appréciation du tribunal que l’employeur a déclaré le poste vacant préalablement à l’embauche de la demanderesse.

Au contraire, il se dégage des éléments du dossier que la demanderesse entend régulariser l’embauche de Madame …, qui était et reste toujours à ses services.

Or, des déclarations de vacance de poste postérieures à l’embauche, dès lors que l’employeur n’a, par la suite, pas mis fin à la relation de travail, n’ont pas pu avoir d’effet utile, l’employeur ayant en engageant la demanderesse arrêté son choix – les éléments du dossier confirmant que Madame … n’a nullement l’intention d’engager un quelconque autre demandeur d’emploi qui pourrait lui être assigné – et la demanderesse ne saurait dès lors reprocher à l’ADEM de ne pas avoir assigné à l’employeur d’autres candidats bénéficiant de la priorité d’embauche.

Face au caractère clair et précis de la disposition réglementaire précitée et eu égard aux circonstances de l’espèce, le ministre a partant valablement pu refuser le permis de travail sollicité au seul motif que le poste de travail ne fut pas déclaré vacant par l’employeur, de sorte que l’examen des autres motifs à la base de l’arrêté ministériel déféré, de même que les moyens d’annulation y afférents invoqués par la demanderesse, devient surabondant.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit cependant non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 26 septembre 2005, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19396
Date de la décision : 26/09/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-09-26;19396 ?

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