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26/09/2005 | LUXEMBOURG | N°19201

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 septembre 2005, 19201


Tribunal administratif N° 19201 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2005 Audience publique du 26 septembre 2005

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Recours introduit par la société J. & C° N.V., … (B) contre deux décisions « des Ponts et Chaussées » en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19201 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2005 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, au nom de la société de droit belge J. & C° N.V., établie et ayant son siège social ...

Tribunal administratif N° 19201 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2005 Audience publique du 26 septembre 2005

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Recours introduit par la société J. & C° N.V., … (B) contre deux décisions « des Ponts et Chaussées » en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19201 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2005 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de droit belge J. & C° N.V., établie et ayant son siège social à B-…, inscrite au registre de commerce de Turnhout sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation des « décisions des 6 et 26 octobre 2004 des Ponts et Chaussées quant au marché ayant trait à la fourniture des fondants chimiques destinés au traitement hivernal des voies publiques du 10 septembre 2004 pour la saison 2004/2005 » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 21 janvier 2005 portant signification de ce recours à la société E., établie et ayant son siège social à B-… ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 13 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Ferdinand Bourg, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Dans la cadre de la soumission publique par lots du 10 septembre 2004 relative aux fournitures de fondants chimiques destinés au traitement de la voirie de l’Etat à réaliser durant l’hiver 2004/2005, soumission comportant 5 lots distincts (Lot 1a – fourniture de chlorure de sodium (minimum 93% NaCl) ; Lot 1b - fourniture de chlorure de sodium (minimum 98% NaCl) ; Lot 2 – fourniture de chlorure de calcium (minimum 77% CaCl2 anhydre) ; Lot 3 - fourniture de saumure de calcium (32 à 34% de CaCl2) et Lot 4 – fourniture de saumure de sodium (23% NaCl), à laquelle 8 entreprises participèrent, les cinq lots furent adjugés, par arrêté du ministre des Travaux publics du 24 septembre 2004, à cinq soumissionnaires différents, à savoir respectivement aux sociétés L., SO., A., N. et E.. Les offres des trois autres entreprises, dont celle de la société J. & C° N.V., ne furent pas retenues.

Par lettre du 6 octobre 2004, l’administration des Ponts et Chaussées, Division des services régionaux de la voirie, arrondissement de Diekirch, sous la plume de Monsieur H., ingénieur première classe, s’adressa à la société J. & C° N.V. dans les termes suivants :

« Concerne : Soumission pour la fourniture de fondants chimiques destinés au traitement de la voirie de l’Etat de la DSR-Diekirch durant l’hiver 2004/2005 Madame, Monsieur, Comme suite à l’adjudication du 28.09.2004 et conformément au règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, je me permets de porter à votre connaissance que votre offre n’a pu être prise en considération, étant donné qu’elle n’est pas soit la mieux disante (c.à.d. la moins chère) soit conforme aux stipulations du règlement grand-ducal précité et du cahier spécial des charges.

Si vous vous estimez lésés par la présente décision, il vous est loisible d’introduire un recours à l’adresse indiquée ci-dessus dans un délai de 15 jours à compter à partir de la présente notification (date du cachet de la poste faisant foi).

Passé ce délai il vous restera toujours loisible d’introduire par voie d’avoué un recours en annulation à l’encontre de la décision d’adjudication auprès du tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter de la présente.

Tout en vous remerciant d’avoir participé à cette demande d’offre, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma parfaite considération .

L’ingénieur première classe [s.] (H.) ».

Par lettre du 20 octobre 2004, la société J. & C° N.V. a introduit un recours devant l’administration des Ponts et Chaussées, Division des Services régionaux de la voirie libellé comme suit :

« Madame, Monsieur, Avec cette lettre nous voudrons nous plaindre que notre offre n’a pu être prise en considération (lot 2 CaCl flakes et lot 4 Saumure de sodium NaCI).

Lot 2 : 5T CaCI pas écrit en toutes lettres :

Puisque les autres lots sont écrits en toutes lettres c’est clairement un oubli.

Ce n’est pas en proportion de la mission totale. Peut-être vous ne pouvez pas nous adjuger ce 5 ton.

Important : Nous sommes € 4.662,50 meilleur marché que l’autre participant.

Lot 4 : Saumure de sodium NaCI :

A notre renseignement technique nous avons mentionné 21-23% ; votre norme est 23% et pour ça nous sommes refusés. Nous pensons que ce n’est pas à juste titre.

Nous nous avons renseigner chez autres entreprises (sic) et le produit sera offert à 22% NaCI moyen (exemples en annexe : A1, A2, A3, A4).

Nous vous prions de reconsidérer votre décision. (…) ».

Par lettre du 26 octobre 2004, l’administration des Ponts et Chaussées, Division des services régionaux de la voirie, arrondissement de Diekirch, à nouveau sous la plume de Monsieur H., y répondit comme suit :

« Madame, Monsieur, J’ai l’honneur de vous informer que votre recours suite à la notification de la non-prise en considération de votre offre m’est parvenu par fax le 20.10.2004 et par envoi postal ce jour même. Votre fax a été transmis immédiatement au pouvoir adjudicateur.

Je suis toutefois au regret de vous instruire de l’adjudication du présent marché sans que votre offre ni votre réclamation n’aient été pris favorablement en considération.

Comme il est d’ailleurs indiqué dans ma notification du 6 octobre 2004, il vous restera loisible d’introduire par voie d’avoué un recours en annulation à l’encontre de la décision d’adjudication auprès du tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter de la présente ».

Par requête déposée le 21 janvier 2005, la société J. & C° N.V. a introduit un recours contentieux tendant à l’annulation des deux décisions précitées des 6 et 26 octobre 2004 matérialisant le rejet de son offre concernant le lot 4 Saumure de sodium NaCI.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse conclut en premier lieu à l’annulation de la décision litigieuse pour ne pas être légalement motivée, la décision ne précisant pas les raisons et critères qui ont amené l’administration à écarter son offre.

Elle soutient encore que, d’une part, seulement deux entreprises auraient concouru pour le lot 4 et que son offre aurait été la moins disante et, d’autre part, le produit par elle offert rencontrerait parfaitement les critères techniques tels que décrits dans le cahier des charges, son produit étant identique à celui offert par le soumissionnaire qui a finalement remporté le marché.

Le délégué du gouvernement admet en substance une certaine imprécision de la motivation énoncée dans les lettres d’information adressées à la demanderesse, mais il entend se prévaloir de la faculté reconnue par la jurisprudence administrative au gouvernement d’apporter des précisions en cours d’instance et expose que pour garantir l’efficacité des fondants chimiques destinés au traitement hivernal des voies publiques, l’article 2 du cahier spécial des charges de la soumission litigieuse exigerait pour le lot 4 la qualité chimique de la saumure de sodium avec une concentration de 23% NaCl, l’article 5 dudit cahier des charges précisant que le soumissionnaire ne pourra indiquer qu’une valeur pour ce facteur et qu’il serait interdit d’indiquer deux valeurs extrêmes d’un fuseau de tolérance. Or, la fiche technique relative au produit offert par la demanderesse indiquerait un tel fuseau de tolérance pour la concentration de NaCl allant de 21 à 23%, donc avec une moyenne de 22% seulement. Partant, la décision de ne pas retenir l’offre non conforme serait basée sur des motifs valables.

Le délégué ajoute qu’il ne serait pas exact que toutes les entreprises auraient offert un produit à teneur de 22% en NaCl, la société adjudicatrice ayant offert des fondants chimiques avec une concentration de 23% NaCl.

En ce qui concerne le premier motif d’annulation, il y a lieu de relever que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 44, p. 530 et autres références y citées) et que dans le cadre du recours en annulation, la juridiction administrative est appelée à contrôler non seulement les motifs figurant dans la décision incriminée mais également ceux qui ont été fournis de manière complémentaire par la partie ayant pris la décision déférée en cours de procédure contentieuse via son mandataire (trib. adm. 15 avril 1997, n° 9510 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 52, p.

533 et autres références y citées).

En l’espèce, la décision querellée telle qu’elle a été portée à la connaissance de la partie demanderesse à travers les courriers susvisés répond partant aux exigences de motivation, dans la mesure où, abstraction de sa motivation certes sommaire, le délégué du gouvernement a amplement réparé cette faiblesse dans l’indication des motifs de la décision en question par les motifs très explicites produits complémentairement dans son mémoire en réponse, de sorte que l’ensemble de cette motivation est suffisamment complet pour mettre la demanderesse en mesure d’assurer la défense de ses intérêts.

S’il s’ensuit des seules considérations qui précèdent, que le premier moyen soulevé par la demanderesse est à rejeter pour ne pas être fondé, il convient encore d’ajouter qu’il se dégage encore indubitablement du libellé de la lettre de réclamation précitée du 20 octobre 2004 adressée par la société J. & C° N.V. à l’administration des Ponts et Chaussées, dans le cadre de laquelle elle a pris position comme suit : « Lot 4 :

Saumure de sodium Na CI : A notre renseignement technique nous avons mentionné 21-

23% ; votre norme est 23% et pour ça nous sommes refusés. Nous pensons que ce n’est pas à juste titre. Nous nous avons renseigner chez autres entreprises (sic) et le produit sera offert à 22% NaCI moyen (exemples en annexe : A1, A2, A3, A4) », que déjà à l’époque, elle avait été informée des raisons qui ont abouti au rejet de son offre pour le lot dont il est plus particulièrement question en cause.

En ce qui concerne le second moyen d’annulation soulevé, dans la mesure où il apparaît que le cahier des charges précise clairement en ses articles 2 et 5 que la qualité chimique de la saumure de sodium du lot 4 doit avoir une concentration de 23% NaCl, tout en exigeant l’indication d’une valeur pour ce facteur et non pas deux valeurs extrêmes d’un fuseau de tolérance, alors que la fiche technique relative au produit offert par la demanderesse indique une valeur de 22%, valeur qui est précisée par l’ajout d’un fuseau de tolérance pour la concentration de NaCl allant de 21 à 23%, force est partant de conclure que l’offre de la demanderesse contrevient à la prohibition du cahier des charges relativement à l’indication d’un fuseau de tolérance et qu’elle ne rencontre pas les desiderata du pouvoir adjudicateur (une garantie de 22% NaCl étant certes proche, mais pas moins inférieure au seuil minimum expressément requis), ces conclusions ayant valablement justifié la décision de rejet de l’offre de la demanderesse.

Relativement à l’argument tiré de la prétendue identité du produit offert par la demanderesse à celui de l’adjudicataire, il y a lieu de remarquer de prime abord que le recours vise le rejet de l’offre de la demanderesse et non pas la décision d’adjudication proprement dite et distincte de celle visée par le recours sous examen, d’une part, et qu’une prétendue non-conformité du produit de l’adjudicataire – à la supposer établie, quod non - n’est pas de nature à « régulariser » l’offre - avérée non conforme, tel qu’il se dégage des considérations qui précèdent - de la demanderesse, d’autre part. Par ailleurs, force est encore de constater qu’il se dégage de l’examen de l’offre de la société E., l’adjudicataire du lot 4, que contrairement à la demanderesse, elle a garanti une concentration de 23% NaCl de sa fourniture et une hypothétique non-conformité du produit finalement livré par l’adjudicataire relève du contentieux spécifique de l’exécution du marché, mais n’a pas d’incidence directe pour ce qui est des questions de conformité d’une offre concurrente. Finalement, pour le cas où le produit de la demanderesse devrait effectivement avoir été identique à celui de l’adjudicataire et conforme aux stipulations du cahier des charges, la demanderesse ne doit s’en prendre qu’à elle même pour ne pas avoir rempli correctement son bordereau.

Sur base des considérations qui précèdent, le recours laisse d’être fondé et la demanderesse doit partant en être déboutée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 26 septembre 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19201
Date de la décision : 26/09/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-09-26;19201 ?

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