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22/09/2005 | LUXEMBOURG | N°19720

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 septembre 2005, 19720


Tribunal administratif N° 19720 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2005 Audience publique du 22 septembre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19720 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur â

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Tribunal administratif N° 19720 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2005 Audience publique du 22 septembre 2005 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19720 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Freetown (Sierra Leone), de nationalité sierra- léonaise, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du 25 janvier 2005 du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.

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Le 6 avril 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut encore entendu en date du 2 septembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 25 janvier 2005, lui notifiée en mains propres le 2 mars 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, l’informa que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous vous seriez rendu en Europe en bateau, un homme blanc vous aurait ensuite conduit au Luxembourg. Vous ne présentez aucun document d’identité.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté votre pays d’origine en raison du décès de vos parents, vous n’auriez plus personne là-bas. Vous expliquez que vos parents seraient morts durant la guerre, 5 ans avant la date de l’audition. Depuis lors, votre souhait aurait été de partir. Vous auriez parlé avec un homme que vous auriez rencontré, il vous aurait aidé en vous faisant monter dans un bateau. Vous auriez quitté la Sierra Léone en février 2004 dans l’espoir d’aller en Amérique, cependant vous seriez arrivé en Europe après 3 semaines, sans savoir à quel endroit. Un individu que l’on vous aurait présenté à la sortie du bateau, vous aurait conduit en voiture au Luxembourg.

Votre départ aurait également été motivé par la guerre civile.

Enfin, vous n’êtes membre d’aucun parti politique.

Pour le surplus, vous n’auriez subi aucune persécution ni mauvais traitement.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

Je vous informe qu’une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

En effet, il convient de souligner que vous éprouvez tout au plus un sentiment d’insécurité générale ne rentrant pas dans le cadre de la Convention de Genève, puisqu’il ressort clairement du rapport d’audition que vous n’avez eu aucun problème personnel, ni n’avez subi de quelconque persécution ou de mauvais traitements. Votre demande d’asile est basée sur l’absence de famille dans votre pays, or un tel motif ne rentre pas non plus dans le cadre de la prédite Convention.

Concernant la situation de votre pays d’origine, vous admettez lors de l’audition qu’il n’y a plus de combats actuellement. Affirmation exacte, aucune persécution n’est à craindre actuellement au Sierra Léone étant donné que la guerre civile a été officiellement déclarée comme terminée le 17 janvier 2002. En effet, depuis lors ce pays connaît une stabilisation de sa situation de sécurité telle, qu’elle a rendu possible le retour de plus de 30.000 réfugiés sierra-léonais de la Guinée et du Liberia avoisinants.

En outre, il convient de relever que vous indiquez ne pas savoir lire ni écrire, or à votre arrivée vous avez rempli une fiche de données personnelles.

Enfin, dans un autre contexte, force est de constater que vous ne vous êtes pas rendu au Ministère de la Famille conformément à une convocation par lettre recommandée afin de subir un examen physique médical prévu en date du 10 septembre 2004 dans le but d’évaluer votre âge probable, un tel comportement doit être qualifié de refus de collaboration manifeste.

Par conséquent, vous n’alléguez aucune crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays. Votre demande ne répond donc à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre adressée le 29 mars 2005 au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, celui-ci prit une décision confirmative le 4 avril 2005.

Monsieur … a fait introduire par requête déposée en date du 25 avril 2005 un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle initiale du 25 janvier 2005.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est encore recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose avoir quitté son pays en raison de la guerre qui y aurait sévi à l’époque et lors de laquelle il aurait perdu ses parents, de sorte que dépourvu de soutien et confronté à « un climat d’insécurité totale », il n’aurait vu d’autre solution que de quitter son pays d’origine pour se réfugier à l’étranger. Il fait ajouter qu’un risque qu’une nouvelle guerre n’éclate en Sierra Leone ne saurait être exclu.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre a fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours. Le délégué relève encore qu’il se serait révélé que le demandeur aurait antérieurement séjourné en Allemagne et en Suisse et ceci en faisant état « d’autres identités », faits qu’il aurait omis de mentionner lors de son audition du 2 septembre 2004.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2004, v° Recours en réformation, n° 12).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur – dont l’identité et le pays de provenance restent pour le moins incertains, étant donné qu’il se dégage des éléments du dossier administratif non autrement contestés que les empreintes digitales de l’intéressé ont été attribuées par INTERPOL Bern à une personne dénommée O., né le … au Nigeria, rapatrié dans ledit pays en date du 15 août 2003 et selon INTERPOL Wiesbaden, les empreintes correspondraient à une personne connue des autorités allemandes sous les noms de S. et H S., né le … à Freetown -, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste non seulement parfaitement incrédible, mais qu’il n’a pour le surplus nullement fait état d’une raison personnelle de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours en réformation doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 22 septembre 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19720
Date de la décision : 22/09/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-09-22;19720 ?

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