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17/08/2005 | LUXEMBOURG | N°20282

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 août 2005, 20282


Tribunal administratif Numéro 20282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2005 Audience publique du 17 août 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20282 du rôle et déposée le 12 août 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Népal), de nat

ionalité népalaise, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situatio...

Tribunal administratif Numéro 20282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2005 Audience publique du 17 août 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20282 du rôle et déposée le 12 août 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Népal), de nationalité népalaise, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 juillet 2005 ordonnant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 août 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 août 2005.

Suite à l’introduction en date du 25 juillet 2005 par Monsieur … d’une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, par arrêté du même jour, ordonna le placement de Monsieur …, alias … …s …, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ledit arrêté repose sur les considérations suivantes :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport N° 15/1415/05/HA du 25 juillet 2005 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 25 juillet 2005 ;

- qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé deux demandes d’asile en Belgique en date des 6 mai 2004 et 1er juin 2005 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités belges dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par une décision d’incompétence du 9 août 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … qu’« en vertu des dispositions de l’article 16§1e du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, ce n’est pas le Grand-Duché de Luxembourg mais le Royaume de Belgique qui est responsable du traitement de votre demande d’asile » et suivant arrêté dudit ministre du même jour, l’entrée et le séjour au pays furent refusés à Monsieur ….

Par requête déposée le 12 août 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l'encontre de la décision de placement du 25 juillet 2005.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l'entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que le 25 juillet 2005, il aurait présenté une demande d'asile auprès des autorités luxembourgeoises, lesquelles auraient alors découvert qu'il avait déjà, précédemment, déposé deux demandes d’asile en Belgique.

Il estime que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement ne sont pas remplies. Sans contester que les autorités luxembourgeoises ont contacté dès le 26 juillet 2005 les autorités belges en vue de sa reprise en charge sur base des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, il soulève cependant que suite à l’acceptation des autorités belges du 9 août 2005 de sa reprise en charge, aucune circonstance de fait, au jour du dépôt de la requête introductive d’instance, n'aurait empêché l'autorité compétente de l'éloigner vers la Belgique, de sorte que la condition légale pour la prise d'une mesure de placement, à savoir l'impossibilité de son éloignement du territoire luxembourgeois, ne serait pas remplie.

En second lieu, le demandeur soutient qu’il aurait pu être refoulé vers la Belgique conformément aux dispositions des accords de réadmission du Benelux et de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

En troisième lieu, le demandeur soutient que la mesure critiquée serait disproportionnée par rapport au but poursuivi par l'autorité administrative et qu’il n’aurait pas été placé dans un établissement approprié, au motif qu’il y vivrait « dans une situation de détention et ce dans une cellule isolée et que par ailleurs sa liberté de circulation lui a été ôtée ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement expose que suite au dépôt de la demande d’asile par Monsieur …, une recherche dans le système EURODAC aurait fait apparaître qu’il avait déposé antérieurement deux demandes d’asile en Belgique, que les autorités belges auraient accepté la reprise en charge du demandeur le 9 août 2005 et que le rapatriement du demandeur serait prévu pour le 18 août 2005.

Il fait encore rappeler que les demandes de reprise en charge seraient réglementées de façon exclusive par le règlement dit « Dublin II », de sorte que les accords de réadmission conclus dans le cadre « Benelux » ne sauraient s’appliquer.

Concernant finalement le prétendu caractère inapproprié du lieu de placement, il relève que le demandeur n’aurait pas été placé au Centre pénitentiaire de Schrassig, mais au Centre de séjour provisoire et souligne que ledit centre serait, aux termes de la jurisprudence des juridictions administratives, à considérer comme établissement approprié.

Il se dégage de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 et 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

C'est à tort que le demandeur conteste l'absence de possibilité d'exécuter la mesure d'éloignement du territoire au moment où la mesure de placement a été prise, étant donné que le gouvernement a agi, à bon droit, dans le cadre de la réglementation découlant du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, précité, qui présuppose non seulement l'accord des autorités étrangères avant qu'un étranger pour l'examen de la demande d'asile duquel celles-ci se reconnaissent compétentes puisse leur être remis, mais également la concertation entre les Etats membres en vue d’organiser le transfert effectif de l’intéressé d’un Etat membre vers l’autre.

Or, dans le cas d'espèce, le demandeur a présenté sa demande d'asile au Luxembourg le 25 juillet 2005. Une recherche dans le système EURODAC du même jour ayant révélé que le demandeur avait déposé antérieurement deux demandes d’asile en Belgique, les autorités luxembourgeoises ont ordonné le 25 juillet 2005 une mesure de rétention à son encontre et formulé le lendemain une requête aux fins de reprise en charge auprès des autorités belges.

Suite à l’acceptation en date du 9 août 2005 de la demande de reprise en charge par les autorités belges, le service de police judiciaire a été chargé le même jour par le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration d’organiser le transfert du demandeur vers la Belgique.

Le lendemain, le service de police judiciaire a fait savoir audit ministre que la date proposée pour le transfert a été fixée au 18 août 2005 à 09.30 heures et un laissez-passer a été établi en conséquence le 11 août 2005. En agissant de la sorte, les autorités luxembourgeoises ont, d’une part, respecté la procédure légalement prévue de concertation entre les Etats membres en vue du transfert d'un demandeur d'asile d'un pays vers un autre, telle que prévue par l'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, précité, et, d'autre part, on ne saurait leur reprocher un défaut de diligences, étant donné qu’elles ont procédé aux vérifications et démarches nécessaires en vue de l’éloignement du demandeur. S’il est vrai a priori qu’à partir de l’acceptation de la reprise en charge du demandeur par les autorités belges en date du 9 août 2005, un des obstacles majeurs à l’éloignement se trouvait levé, il n’en reste pas moins que le transfert effectif du demandeur vers la Belgique se doit d’être organisé. En effet, il convient de relever que ledit transfert doit être effectué sous escorte et est à organiser par le service de police judiciaire et ce en concertation avec les autorités belges qui doivent accueillir Monsieur … au poste frontière de Sterpenich.

Les moyens tirés de l’absence d’une possibilité d’exécuter l’éloignement en raison d’une circonstance de fait et de la possibilité de transfert immédiat du demandeur vers la Belgique ne sont partant pas fondés.

Concernant la prétendue possibilité d’un refoulement plus rapide vers la Belgique conformément aux dispositions des accords de réadmission du Benelux et de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, il n’est pas contesté en cause que le demandeur avait déposé deux demandes d’asile en Belgique.

Il s’ensuit que le demandeur tombe directement dans les prévisions de l’article 16, 1. c) du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, précité, en tant que ressortissant d'un pays tiers ayant présenté une demande d’asile en Belgique et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre État membre, à savoir le Grand-Duché.

Dans la mesure où le prédit règlement CE n° 343/2003 est un texte de droit communautaire régissant spécifiquement les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne face aux ressortissants d’Etats tiers ayant déposé une demande d’asile sur le territoire de l’Union européenne, il doit trouver application en l’espèce en tant que loi spéciale par dérogation à toute disposition de droit international ou interne régissant d’une manière plus générale le statut des ressortissants d’Etats tiers (cf. trib. adm. 13 juin 2003, n° 16508 du rôle et trib. adm. 14 juin 2004, n° 18175 du rôle).

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a eu recours en l’espèce à la procédure spécifique instaurée par l’article 20 dudit règlement CE n° 343/2003 en soumettant aux autorités belges une demande de reprise en charge préliminairement à l’exécution de toute mesure d’éloignement. Le moyen afférent du demandeur est partant à écarter.

Quant au moyen soulevé par le demandeur relativement au caractère disproportionné de la mesure de placement, il est constant que le demandeur est placé, non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Or, force est de constater que le centre en question est a priori à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972.

Pour le surplus, il échet de retenir, que même si la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le bloc des retenus n’est pas idéale, ladite situation est néanmoins acceptable et le Centre de séjour provisoire peut être considéré comme établissement approprié, au vu notamment de la stricte séparation des retenus avec les détenus de droit commun du Centre pénitentiaire à Schrassig et du fait que le demandeur n’a fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les limites apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif d’une mesure de placement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 août 2005 par :

M. Spielmann, juge, Mme Thomé, juge, Mme Gillardin, juge, en présence de Mme Wiltzius, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.

Wiltzius Spielmann 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 20282
Date de la décision : 17/08/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-08-17;20282 ?

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