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03/08/2005 | LUXEMBOURG | N°19531

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 août 2005, 19531


Tribunal administratif N° 19531 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2005 Audience publique du 3 août 2005 Recours formé par 1) Monsieur …, Luxembourg 2) l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils, Luxembourg contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19531 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 mars 2005 par Maître Dominique BORNERT, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur …, architecte in...

Tribunal administratif N° 19531 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2005 Audience publique du 3 août 2005 Recours formé par 1) Monsieur …, Luxembourg 2) l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils, Luxembourg contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19531 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 mars 2005 par Maître Dominique BORNERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur …, architecte inscrit au tableau de l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils de Luxembourg, demeurant à L-…, 2) l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils (OAI), établi à L-

1466 Luxembourg, 8, rue Jean Erpelding, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision implicite de refus d’inscription de Monsieur … sur la liste des personnes qualifiées prévue par l’article 7 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain en raison du silence gardé par le ministre pendant plus de trois mois suite à sa demande d’inscription à ladite liste présentée le 22 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 juin 2005 par Maître Dominique BORNERT au nom des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 juillet 2005 ;

Vu les pièces versées au dossier ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Dominique BORNERT et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 juillet 2005 ;

Vu les pièces versées en cours de délibéré, sur demande du tribunal, en date du 26 juillet 2005.

Considérant qu’en date du 22 septembre 2004, Monsieur … s’est adressé au ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire, ci-après « le ministre » en ses termes :

« Par la présente, je soussigné …, architecte inscrit au tableau des architectes de l’OAI, sous le numéro AP/0106, vous demande de bien vouloir m’inscrire sur la liste prévue à l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, en vertu de mon diplôme d’études approfondi en urbanisme et aménagement délivré par l’Université de Paris VIII le 3 avril 1992 et inscrit au registre des diplômes du ministère de l’Education nationale, dont copies en annexes.

Veuillez agréer, … Copie à l’OAI » ;

Que par courrier du 27 janvier 2005, Monsieur … a dressé au ministre de l’Intérieur un itératif courrier libellé comme suit :

« Monsieur le ministre, En date du 22 septembre 2004, je soussigné …, architecte inscrit au tableau des architectes de l’OAI sous le numéro AP/0106, vous ai demandé de bien vouloir m’inscrire sur la liste prévue à l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, en vertu de mon diplôme d’études approfondi en urbanisme et aménagement délivré par l’Université de Paris VIII le 3 avril 1992 et inscrit au registre des diplômes du ministère de l’Education nationale, dont copies en annexe à la demande.

Il est évidemment entendu que la demande se réfère aussi à l’article 28 de la même loi du 19 juillet 2004, article qui fait lui-même référence à l’article 7.

Or bien que 4 mois soient passés depuis cette demande, je n’ai reçu ni accord, ni refus, ni même accusé de réception. L’article 11 de la Constitution garantit l’exercice de la profession libérale et j’estime que l’absence de réponse à ma requête me prive de ce droit fondamental, ainsi que de plusieurs droits garantis par des conventions internationales. Je vous demande donc encore une fois de bien vouloir donner une suite favorable à ma requête.

La présente est officielle et vaut mise en demeure.

Je me réserve tous droits de recours, y compris en dommages et intérêts, à compter depuis l’introduction de ma demande, sinon de la présente mise en demeure.

Veuillez agréer, Monsieur le ministre, ….

Copie à l’OAI » ;

Que le ministre d’accuser réception en date du 14 mars 2005 en les termes suivants :

« Monsieur, J’accuse réception de votre lettre du 27 janvier 2005 concernant votre inscription sur la liste telle que définie à l’article 7 (2) par la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Votre lettre a retenu toute mon attention.

Je tiens à vous informer que votre demande introduite auprès du ministère a été traitée à l’occasion de l’avis légal à rendre par la Commission d’Aménagement. Il appartient actuellement au Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire de statuer sur la liste définitive.

Veuillez agréer, Monsieur, … » ;

Que sur avis de la commission d’aménagement des 26 novembre et 3 décembre 2004 ainsi que du 23 février 2005, le ministre arrêta en date du 16 mars 2005 la liste des personnes qualifiées telle que définie à l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004, arrêté publié dans le Mémorial B du 30 mars 2005 ;

Considérant que par requête déposée en date du 22 mars 2005, Monsieur …, ainsi que l’Ordre des Architectes des Ingénieurs-Conseils (OAI), ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la décision implicite de refus du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire concernant l’inscription de Monsieur … sur la liste prévue par l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, du fait de l’absence de décision ministérielle dans les trois mois à dater de la demande d’inscription précitée du 22 septembre 2004 ;

Considérant qu’aucun recours de pleine juridiction n’est prévu par la loi concernant les décisions prises sur une demande d’inscription à la liste prévue par l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 précitée ;

Que partant le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le tribunal est saisi à travers la requête introductive d’instance d’un recours en annulation se présentant comme étant dirigé contre la décision implicite de refus se dégageant de l’absence de décision ministérielle suite à la demande d’inscription formulée par Monsieur … le 27 septembre 2004 concernant la liste prévue à l’article 7 de la loi précitée du 19 juillet 2004 ;

Considérant qu’à travers leur mémoire en réplique, les demandeurs concluent à voir annuler « également du chef des causes sus-énoncées l’arrêté ministériel du 16 mars 2005 pris sur base des avis de la Commission d’Aménagement du 26 novembre 2004, du 3 décembre 2004 et du 23 février 2005, en faisant partie intégrante, et dire que tous les architectes ou ingénieurs-conseils, conformément à l’article 1er de la loi du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d’architectes et d’ingénieurs-conseils, sont éligibles à l’élaboration de PAG ou de PAP » ;

Considérant qu’il est constant en cause que l’arrêté ministériel du 16 mars 2005 a été publié au Mémorial B en date du 30 mars 2005 ;

Qu’il n’est par ailleurs ni vérifié, ni même allégué que l’arrêté ministériel en question ait été porté à la connaissance des demandeurs avant la publication au Mémorial et plus particulièrement à la date de l’introduction du recours ;

Considérant que compte tenu de l’existence de l’arrêté ministériel du 16 mars 2005 précité, il convient d’analyser contre quelle décision le recours est dirigé, en ce sens que le tribunal est amené à vérifier si à travers ledit arrêté ministériel la demande de Monsieur … du 27 septembre 2004, à la base de son présent recours, a été toisée ou non ;

Considérant que la loi du 19 juillet 2004, dans son libellé originaire applicable respectivement en date des 22 décembre, 22 décembre 2004 et 16 mars 2005 dispose en son article 7 (2) comme suit :

« Le plan d’aménagement général d’une commune est élaboré à l’initiative du collège des bourgmestre et échevins, par une personne qualifiée.

Au sens du présent article, on entend par personne qualifiée, toute personne physique ou morale publique ou privée, légalement établie au Luxembourg ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne, inscrite, au vu de ses spécialisation, qualification et expérience avérées en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme, la commission d’aménagement demandée préalablement en son avis, sur une liste établie par le ministre ».

Que l’article 28 de la même loi dispose que « (1) lorsque l’initiative émane de la commune, le projet d’aménagement particulier, élaboré par une personne qualifiée au sens de l’article 7,est engagé dans la procédure par le collège des bourgmestre et échevins. Il n’est pas nécessaire que la commune soit propriétaire du ou des terrains sur lesquels porte le projet.

(2) dans tous les autres cas, le projet d’aménagement particulier, également élaboré par une personne qualifiée au sens de l’article 7, est présenté au collège des bourgmestre et échevins, soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à réaliser l’opération sur le terrain. Le collège des bourgmestre et échevins engage le projet dans la procédure d’adoption dans les trois mois qui suivent sa réception en y joignant son appréciation sommaire sur le projet » ;

Considérant que les développements des parties laissent entendre qu’il existerait d’après les dispositions combinées des articles 7 et 28 de la loi du 19 juillet 2004, deux listes distinctes, à savoir celle comprenant les personnes autorisées à élaborer des plans d’aménagement généraux (PAG) et celle comprenant les personnes autorisées à élaborer des plans d’aménagement particulier (PAP) ;

Considérant qu’avant toute interprétation le juge est amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier qu’elles revêtent dans la mesure où elles sont claires et précises ;

Que l’application par le juge des termes clairs et précis d’une loi emporte que celui-ci n’est point amenée à interpréter la disposition légale au-delà des termes y employés, sous peine de rajouter à la loi ;

Considérant que d’après l’article 7 (2), alinéa 1er, un PAG d’une commune est élaboré par une personne qualifiée ;

Que suivant l’alinéa second du même article 7(2), au sens dudit article, on entend par personnes qualifiées toutes personnes y visées inscrites sur une liste établie par le ministre ;

Considérant que l’article 28 en ses paragraphes 1 et 2 renvoi à chaque fois pour l’élaboration des plans d’aménagement particuliers y visée à « une personne qualifiée au sens de l’article 7 » ;

Qu’il vient d’être relevé que la personne qualifiée au sens de l’article 7 est celle figurant sur la liste prévue à l’article 7(2) ;

Qu’il suit des développements qui précèdent qu’au vœu des dispositions combinées des articles 7 et 28 de la loi du 19 juillet 2004 il n’existe qu’une seule liste de personnes qualifiées, qu’il s’agisse d’élaboration de PAG ou de PAP, étant entendu que le tribunal est amené à appliquer à chaque fois le texte originaire des articles 7 et 28 de la loi du 19 juillet 2004 , la loi modificative afférente, adoptée par la Chambre des députés en ce mois de juillet, n’ayant point encore été publiée au Mémorial ;

Considérant que la demande de Monsieur … ayant été toisée à travers l’arrêté ministériel du 16 mars 2005, le recours sous analyse, en ce qu’il est porté contre le refus ministériel implicite s’analyse en réalité comme étant dirigé non contre la décision implicite de refus se dégageant du silence ministériel perdurant, mais contre la décision ministérielle du 16 mars 2005 en ce que de façon tacite, l’inscription de Monsieur … sur la liste prévue par l’article 7 (2) de la loi du 19 juillet 2004 a été refusée ;

Qu’en effet l’arrêté ministériel en question a entériné notamment les avis de la commission d’aménagement des 26 novembre et 3 décembre 2004, lesquels, concernant Monsieur …, ne recommandent pas de retenir sa candidature aux fins de l’inscription sur la liste prévue par l’article 7 (2) en question, quitte à recommander son inscription ultérieure à une liste 2 ainsi désignée dans le contexte de l’élaboration des plans d’aménagement particuliers ;

Considérant que le délégué du Gouvernement s’étant rapporté à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation en la pure forme, ce recours est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant qu’au fond, les demandeurs invoquent comme premier moyen l’inconstitutionnalité de la loi du 19 juillet 2004 contenant la procédure d’agréation des auteurs de plans d’aménagement suivant une liste à établir par le ministre de l’Intérieur ;

Que plus particulièrement l’article 7 (2) prérelaté serait contraire à l’article 36 de la Constitution, en ce sens que les critères y énoncés s’avéreraient être particulièrement peu explicites du fait que les exigences de « spécialisation, qualification et expérience » ne seraient pas autrement précisées par la loi par rapport aux matières d’aménagement du territoire et d’urbanisme visées et qu’aucun règlement grand-ducal ne serait prévu par le texte légal en vue de les spécifier ;

Qu’ainsi, de fait, la précision des critères émanerait du ministre, sinon en amont de la commission d’aménagement, situation incompatible avec les dispositions de l’article 36 de la Constitution pris dans sa version nouvelle issue de la loi de révision constitutionnelle du 19 novembre 2004 ;

Que d’après l’article 36 nouvelle mouture ce serait toujours le Grand-Duc qui détiendrait le pouvoir réglementaire et il n’appartiendrait pas à la loi d’investir directement des membres du Gouvernement d’un pouvoir réglementaire ;

Que tout au plus, le Grand-Duc, dans des cas qu’il détermine, pourrait déléguer à un ministre le pouvoir réglementaire ;

Que cette procédure de délégation n’aurait point été faite en l’espèce ;

Que de surplus, la loi du 19 juillet 2004, en ce qu’elle laisserait au ministre de l’Intérieur le soin de fixer des critères précis restreignant l’exercice de la profession libérale d’architecte et d’ingénieur-conseil, heurterait encore sur ce point l’article 11 (6) de la Constitution ;

Que compte tenu également de l’article 95 de la Constitution, suivant lequel les tribunaux n’appliquent les mesures réglementaires que pour autant qu’elles sont conformes à la loi, les demandeurs de conclure que l’article 7 (2) de la loi du 19 juillet 2004, en opérant la délégation de pouvoir prévisée et en prévoyant la liste ministérielle d’agréation des auteurs de plans d’aménagement prévue en vertu de cette délégation, seraient contraires à la Constitution pris en ses articles 11 (6) et 36 ;

Considérant que les demandeurs invoquent en premier lieu l’inconstitutionnalité de l’article 7 (2) de la loi du 19 juillet 2004 par rapport à l’article 36 de la Constitution ;

Considérant que l’article 36 de la Constitution, tel qu’issu de la loi de révision constitutionnelle du 19 novembre 2004, porte que « le Grand-Duc prend les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois » ;

Considérant que l’article 76 alinéa 2, tel qu’introduit dans la Constitution par la même loi du 19 novembre 2004, dispose que « dans l’exercice du pouvoir lui attribué par les articles 36 et 37 alinéa 4 de la Constitution, le Grand-Duc peut, dans les cas qu’il détermine, charger les membres de son Gouvernement de prendre des mesures d’exécution » ;

Considérant que l’article 7 (2) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 fixe à travers son alinéa 2 des critères pour déterminer les personnes qualifiées, visées à son alinéa 1er, en vue de pouvoir être admises sur la liste prévue en son alinéa 2 ;

Que ces critères s’énoncent comme étant « les spécialisation, qualification et expérience avérées en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme » ;

Considérant que la question posée par les demandeurs est celle du caractère suffisamment précis des critères légaux prévus, comportant en elle-même l’autre question qui est celle de l’éventuelle opportunité, sinon même nécessité d’un règlement grand-

ducal venant préciser les critères en question, à défaut de pareil règlement expressément prévu par la loi ;

Considérant qu’il est patent que l’article 7 (2) en question, ni aucune autre disposition de la loi modifiée du 19 juillet 2004 ne prévoient le recours à un règlement grand-ducal pour préciser les critères prérelatés définissant la personne qualifiée au sens de l’article 7 (2) alinéa 1er ;

Que le même article 7 (2) actuellement taxé d’inconstitutionnel par la demanderesse, ne délègue point de compétence tenant à la prise de règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution de la loi, ni au ministre, ni à la commission d’aménagement ;

Considérant que l’application de la loi incombe au ministre, sous l’avis de la commission d’aménagement, mais ne saurait se confondre avec le pouvoir de prendre des règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, à défaut de prévision pareille dans l’article 7 (2) en question, étant entendu que pareille prévision aurait directement appelé une question de constitutionnalité par rapport à l’article 36 de la Constitution ;

Considérant qu’il suit de l’ensemble des développements qui précèdent qu’à défaut de compétence attribuée par la loi à un organe autre que le Grand-Duc pour prendre les règlements et arrêtés nécessaires pour son exécution, la question de la constitutionnalité de l’article 7 (2) par rapport à l’article 36 de la Constitution est à déclarer dénuée de tout fondement au sens de l’article 6 alinéa 2 b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle ;

Considérant qu’en second lieu, les demandeurs invoquent l’inconstitutionnalité de l’article 7 (2) en question par rapport à l’article 11 (6) de la Constitution ;

Considérant que l’article 11 (6) de la Constitution dispose que « la loi garantit … l’exercice de la profession libérale …, sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif » ;

Considérant qu’à supposer que les dispositions de l’article 7 (2) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 doivent s’analyser comme étant des restrictions à l’exercice de la profession libérale, celles-ci seraient précisément établies par le pouvoir législatif et s’inscriraient ainsi dans les prévisions de l’article 11 (6) (cf. Cour Constitutionnelle, arrêt n° 17/03 du 7 mars 2003, Mémorial 2003 A, p. 656) ;

Qu’il s’ensuit que cette seconde question de constitutionnalité est encore à déclarer dénuée de tout fondement ;

Que par voie de conséquence le moyen est à écarter comme n’étant point fondé ;

Considérant qu’en second lieu, à titre subsidiaire, les demandeurs invoquent l’article 1er de la loi modifiée du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d’architecte et d’ingénieur-conseil pour conclure que le demandeur …, en sa qualité d’architecte, au sens de l’article 1er en question, aurait d’office dû être inscrit sur la liste prévue par l’article 7 (2) en question, en tant que personne qualifiée ;

Que l’article 1er de la loi modifiée du 13 décembre 1989 en question prévoyant respectivement pour l’architecte et pour l’ingénieur de construction que les matières d’urbanisme et d’aménagement du territoire font partie de l’exercice de la profession habituelle, l’admission de jure de tous les architectes et ingénieurs-conseils à la liste à établir en vertu de l’article 7 (2) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 serait à opérer ;

Que les demandeurs d’ajouter, sur toile de fond de l’article 11 de la Constitution concernant l’exercice de la profession libérale ainsi que la liberté du commerce et de l’industrie, que dans la mesure où la loi n’énoncerait pas de manière plus précise et plus contraignante les conditions d’éligibilité requises pour être admis comme auteur de plans d’aménagement, la loi devrait être appliquée de manière libérale ;

Qu’en conclusion, Monsieur … devant être inscrit sur la liste en question en sa qualité d’architecte, membre de l’OAI, répondant aux conditions de l’article 1er de la loi modifiée du 13 décembre 1989, la décision ministérielle de refus d’inscription serait à annuler pour violation de la loi ;

Que par leur mémoire en réplique, les demandeurs de critiquer à travers l’arrêté ministériel du 16 mars 2004 le fait que des personnes n’ayant ni la qualification d’architecte, ni celle d’ingénieur-conseil auraient été admises sur la liste prévue par l’article 7 (2) en question ;

Qu’ils renvoient aux travaux parlementaires pour dire que contrairement aux affirmations du délégué du Gouvernement, il ne ressortirait pas des travaux préparatoires de la loi que l’intention du législateur ait été de faire des critères de « spécialisation » et d’ « expérience » des conditions cumulatives dans le chef du postulant pour être éligible à l’élaboration d’un plan d’aménagement, de sorte que la thèse gouvernementale de la mise en place de critères sélectifs et stricts serait ainsi contredite ;

Que les demandeurs entendent encore tirer argument de l’existence d’un projet de règlement grand-ducal n’ayant pas abouti pour soutenir que les critères de spécialisation, de qualification et d’expérience avérées ne seraient pas à appliquer cumulativement, ni d’ailleurs les matières d’aménagement du territoire et d’urbanisme auxquelles ils se rapportent ;

Considérant qu’ici encore il convient de rappeler qu’avant toute interprétation le juge est amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier qu’elles revêtent dans la mesure où elles sont claires et précises ;

Que l’application par le juge des termes clairs et précis d’un loi emporte que celui-ci n’est point amené à interpréter la disposition légale au-delà des termes y employés, sous peine de rajouter à la loi ;

Considérant que l’article 7 (2) dispose en son second alinéa prérelaté qu’au sens de cette disposition on entend par personne qualifiée celle inscrite sur la liste y visée « au vu de ses spécialisation, qualification et expérience avérées en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme » ;

Considérant que force est au tribunal de retenir au vu du libellé même du texte légal sous revue que les trois critères de « spécialisation », « qualification » et « expérience » sont reliés par la conjonction « et » ;

Que le même constat doit être fait concernant les matières d’aménagement du territoire « et » d’urbanisme ;

Considérant que le tribunal ne saurait dès lors faire autrement, sous peine de dénaturer la loi, que de retenir à partir des termes clairs et précis mêmes de cette loi que pour être personne qualifiée et inscrite sur la liste visée à l’article 7 (2), le postulant doit faire preuve à la fois de ses spécialisation, qualification et expérience, lesquelles sont toutes les trois à vérifier dans les deux matières que sont l’aménagement du territoire et l’urbanisme ;

Considérant que cette interprétation littérale du texte légal s’impose, au-delà de toute consultation des travaux préparatoires voire d’un quelconque recours à des projets de règlements grand-ducaux n’ayant jamais vu le jour, en vertu même du principe sus-

énoncé que le tribunal est amené à appliquer la loi suivant son sens premier, dans la mesure où elle est claire et précise dans son libellé, qualité vérifiée en l’espèce ;

Considérant que reste l’aspect du moyen proposé tiré de la contrariété alléguée de la décision déférée par rapport aux dispositions de l’article 1er de la loi modifiée du 13 décembre 1989 précitée, compte tenu des exigences portées par l’article 7 (2) sous revue concernant l’admission à la liste y prévue ;

Considérant que la loi modifiée du 13 décembre 1989 en question prévoit en son article 1er qu’: « est un architecte au sens de la présente loi celui qui fait profession habituelle de la création et de la composition d’une œuvre de construction, d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, de l’établissement des plans d’une telle œuvre, de la synthèse et de l’analyse des activités diverses participant à la réalisation de l’œuvre. » ;

Considérant que les textes légaux et réglementaires doivent être interprétés de préférence de façon à dégager un sens concordant, en conciliant les termes de leurs dispositions plutôt que d’en voir dégager des significations contradictoires (trib. adm. 10 octobre 2002, n° 14676 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Lois et réglements, n° 47, p. 419) ;

Considérant qu’ à partir de l’article 1er de la loi modifiée du 13 décembre 1989 tout architecte, de par ses attributs légaux, est habilité à faire « profession habituelle de la création et de la composition d’une œuvre de construction, d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, de l’établissement des plans d’une telle œuvre, de la synthèse et de l’analyse des activités diverses participant à la réalisation de l’œuvre » ;

Considérant que c’est partant la loi réglementant la profession d’architecte qui habilite directement un architecte à établir des plans d’aménagement, de sorte qu’en l’absence d’autres précisions de qualification et de spécialisation prévues expressément par la loi du 19 juillet 2004 sous revue, le fait d’être architecte comporte, en l’état de la législation applicable en l’espèce, vérification automatique tant de la qualification que de la spécialisation avérées en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme au sens de son article 7 (2) ;

Considérant qu’il appartient encore au tribunal de vérifier si Monsieur … remplit les exigences relatives au troisième critère légal tenant à l’expérience avérée en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme ;

Considérant qu’il incombe en effet à chaque postulant de démontrer individuellement, si également le critère légal de l’expérience avérée, se trouve vérifié dans son chef concernant l’aménagement du territoire et l’urbanisme ;

Qu’il n’existe en effet pas d’automatisme légal concernant le troisième critère légal tenant à l’expérience ;

Considérant qu’il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que le moyen tendant à voir admettre d’office le demandeur … en sa qualité d’architecte inscrit à l’OAI, sur la liste de l’article 7 (2), est à écarter pour ne point correspondre aux exigences légales se dégageant de la combinaison des articles 7 (2) de la loi du 19 juillet 2004 et 1er de la loi modifiée du 13 décembre 1989 précités ;

Considérant qu’en troisième lieu le demandeur … de mettre en avant que dans son propre chef toutes les conditions prévues par l’article 7 (2), dussent-elles s’appliquer de façon cumulative, seraient vérifiées ;

Considérant que dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal est amené à analyser la situation de fait et de droit à la date de cristallisation de la décision déférée, en l’occurrence au 16 mars 2005, date à laquelle a été pris l’arrêté ministériel écartant de façon tacite la demande de Monsieur …, toisée à travers ledit arrêté ministériel compte tenu notamment de l’avis de la commission d’aménagement des 26 novembre et 3 décembre 2004 ;

Considérant que concrètement il n’appartient pas au tribunal de tenir compte des pièces versées postérieurement à la prise de l’arrêté ministériel en question, dussent-elles sous-tendre utilement la vérification des conditions légales posées à travers l’article 7 (2), étant donné que dans le cadre du recours en annulation, le tribunal est amené à vérifier la légalité de la décision ministérielle déférée suivant les données soumises au ministre à la date où il a statué, à l’exception de celles qui ne lui avaient pas été soumises à cette date, eussent-elles existé ;

Considérant qu’il est patent qu’il ne résulte d’aucun élément versé au dossier que l’expérience professionnelle en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme ait été documentée à suffisance de droit devant le ministre à la date du 16 mars 2005, à laquelle il a statué concernant la demande de Monsieur … tendant à être admis sur la liste prévue par l’article 7 (2) en question ;

Qu’il s’ensuit qu’au vu du caractère cumulatif des conditions de spécialisation, de qualification et d’expérience avérées se dégageant de l’article 7 (2) sous revue, le ministre a pu, en l’état de l’époque et en présence des documents lui soumis alors, ne pas donner suite favorable à la demande de Monsieur … ;

Considérant que le troisième moyen laisse dès lors encore d’être fondé ;

Considérant que le recours n’étant fondé en aucun de ses trois moyens, il est à déclarer non justifié en son entièreté, Considérant que le caractère non justifié du recours ne signifie cependant pas que le demandeur ne soit pas admis à introduire une nouvelle demande, plus amplement étayée, notamment au biais des pièces actuellement versées devant le tribunal, afin de voir vérifiées les conditions cumulatives prévues par l’article 7 (2) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, et lu par le premier vice-président à l’audience publique du 3 août 2005 en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Delaporte 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19531
Date de la décision : 03/08/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-08-03;19531 ?

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