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20/07/2005 | LUXEMBOURG | N°20100

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2005, 20100


Tribunal administratif Numéros 20100 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2005 Audience publique du 20 juillet 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20100 du rôle et déposée le 13 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud RANZENBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité serbo-mont

énégrine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situ...

Tribunal administratif Numéros 20100 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2005 Audience publique du 20 juillet 2005 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20100 du rôle et déposée le 13 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud RANZENBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité serbo-monténégrine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 7 juillet 2005 prorogeant pour une nouvelle durée d’un mois une mesure de placement audit Centre de séjour provisoire instituée à son égard suivant décision du même ministre du 8 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 18 juillet 2005 au greffe du tribunal par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 juin 2005, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations suivantes:« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 8 juin 2005 ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un titre de voyage valable ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

-

qu’il constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement».

Par décision du 7 juillet 2005, le ministre prorogea ce placement pour une nouvelle durée d’un mois au motif « que l'intéressé est démuni de toute pièce d'identité et de voyage valable;

- qu’il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis;

- qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays;

- qu'il constitue un danger pour l'ordre et la sécurité publics;

Considérant que l'éloignement immédiat de l'intéressé n'est pas possible;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement».

Par requête déposée le 13 juillet 2005 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de prorogation prévisée du 7 juillet 2005.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur sollicite la réformation de la décision déférée et demande au tribunal d’ordonner sa mise en liberté immédiate, aux motifs suivants :

-

le placement audit Centre devrait rester une mesure d’exception, indiquée uniquement au cas où l’étranger est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics, susceptibilité qui devrait ressortir d’éléments actuels dans le chef de l’étranger concerné. Or, le ministre ne justifierait nullement l'existence, dans le chef de Monsieur …, d'un quelconque danger de compromettre l'ordre public;

-

le simple fait d’être prétendument susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement du territoire luxembourgeois ne saurait constituer à lui seul un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics dans son chef, de sorte à justifier son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Dans ce contexte, il souligne encore qu'il a eu connaissance de la décision de refus d'entrée et de séjour le jour même de son placement, de sorte que le danger de se soustraire à la mesure de rapatriement serait tout au plus hypothétique;

-

la privation de liberté par incarcération dans un centre pénitentiaire devrait constituer une mesure d’exception, à appliquer seulement en cas d’absolue nécessité. La décision entreprise ne caractériserait en aucune manière l'existence de cette condition, les motifs indiqués à l'appui de la prorogation de la mesure de placement étant identiques à ceux invoqués à l'appui de la mesure de placement initiale;

-

les autorités seraient restées inertes au lieu d'organiser activement son rapatriement depuis le 30 novembre 2004, date du rejet définitif, par la Cour administrative, de sa demande d'asile présentée au Luxembourg. Dans l'intervalle, il aurait été logé par les soins du ministère de la Famille avec sa compagne, Madame Drita HOTI, et leur enfant mineur commun et il se serait rendu à toutes les convocations lui adressées, jusqu'au 8 juin 2005, date de son placement. Il souligne qu'il est disposé à renter dans son pays d'origine à condition qu'on ne le sépare pas de la femme avec laquelle il partage sa vie et de son enfant mineur;

-

la décision litigieuse constituerait en tout état de cause une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, étant donné qu'elle aurait abouti à le séparer de sa famille, constituée par sa compagne de vie et de leur enfant mineur commun. A cet égard, elle serait encore disproportionnée dans ses effets;

-

finalement, dans le cadre du recours en réformation, il sollicite encore l'annulation de la décision des autorités de ne pas accorder à sa compagne un droit de visite lors de sa rétention administrative au motif que celle-ci n'est pas son épouse. Une telle attitude constituerait une violation de l'égalité entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas. Le fait que moins de trois mois se soient écoulés depuis que cette décision de refus ait été prise ne saurait jouer, sous peine de priver le demandeur d'un recours effectif contre la décision en question.

En termes de plaidoiries, son mandataire a encore souligné que tant Monsieur … que Madame HOTI souhaitent rentrer dans leur pays d'origine, mais qu'ils souhaitent renter ensemble dans un retour groupé, avec leur enfant commun. Par contre, eu égard aux circonstances, un rapatriement du seul Monsieur … serait à considérer comme déraisonnable.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conteste la vie commune de Monsieur … avec Madame HOTI et sa paternité de l'enfant de celle-ci. Concernant l'absence alléguée de tout danger de se soustraire à la mesure de rapatriement et du risque de compromettre l'ordre public, il souligne que depuis la mise en place d'un centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, la seule irrégularité du séjour et l'imminence du rapatriement suffiraient pour justifier une mesure de placement. Les développements relatifs à son comportement entre la date du rejet définitif de sa demande d'asile et celle de sa rétention administrative ne seraient dès lors pas pertinents.

L'organisation du rapatriement aurait pris un certain temps, nécessitant la prorogation de la mesure de placement, en raison des difficultés pratiques à régler en cas de rapatriement vers le Kosovo. Actuellement, ce rapatriement serait imminent. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne saurait porter à conséquence, étant donné que la disposition en question ne protégerait pas la situation de personnes ayant noué de nouvelles relations sur le territoire d'un Etat dans lequel elles se trouvent en situation précaire. – Il a ajouté, lors des plaidoiries de l'affaire, que Monsieur … avait été invité, en décembre 2004 déjà, de se prêter à un rapatriement volontaire, mais qu'il s'était refusé à une telle mesure. Il a encore déclaré que le rapatriement du demandeur est prévu pour le 21 juillet 2005 à 10.00 heures et que le gouvernement fera tout son possible pour obtenir une place pour Madame HOTI et son enfant sur le même vol.

L’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Les moyens invoqués à l'appui de son recours par Monsieur … manquent de pertinence. C'est ainsi que les moyens tirés de l'absence de danger de compromettre l'ordre public, de l'inertie des autorités à organiser son rapatriement et son logement, dans l'intervalle, par les soins du ministère de la Famille, voire de la violation de la vie familiale protégée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, bien que revêtant leur importance dans le cadre d'un recours exercé le cas échéant contre une décision de refus d'entrée et de séjour, ne sauraient valoir dans celui d'un recours contre une mesure de placement où la question primordiale est celle de l'impossibilité de procéder dans l'immédiat à l'exécution d'une mesure d'éloignement du territoire.

Or, le caractère exécutoire d'une décision de refoulement contre Monsieur …, demandeur d'asile définitivement débouté de sa demande, fondée sur le caractère irrégulier de sa situation au Luxembourg, n'est pas litigieux. De plus, eu égard aux problèmes d'organisation pratiques relatifs à son rapatriement, son placement s'avère justifié. Il en est de même de la prorogation de cette mesure, ceci à la lumière de son rapatriement imminent, prévu pour le 21 juillet 2005 à 10.00 heures.

Le moyen tiré de l'absence de danger de se soustraire à la mesure de placement est à son tour à écarter, étant donné que s'il est vrai qu'il se trouvait depuis un certain temps sur le territoire du Luxembourg sans compromettre l'ordre public, il y résidait pourtant de manière irrégulière et son rapatriement imminent pouvait l'amener à tenter de se soustraire à cette mesure.

Le moyen tiré du caractère non approprié du Centre pénitentiaire pour effectuer son placement n'est pas justifié non plus, étant donné, d'une part, qu'il n'a pas été placé au Centre pénitentiaire et que, d'autre part, le centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière a été créé par la voie d’un règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, de sorte que le caractère approprié de cet établissement au sens de l’article 15 (1) de la loi du 28 mars 1972 se dégage directement du texte réglementaire cité.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le recours en réformation laisse dès lors d’être fondé.

Finalement, le tribunal est saisi, dans le cadre de la procédure spéciale prévue par l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, qui prévoit un recours en réformation et des délais spécifiques pour l'instruction du litige, du seul recours dirigé contre la mesure de placement et le demandeur ne saurait inclure, dans pareil recours, des demandes d'annulation dirigées contre d'autres décisions administratives, eussent-elles été prises dans le contexte du placement de l'intéressé. Le recours en annulation visant des décisions autres que la mesure de placement, formulé dans le cadre du recours en réformation dirigé contre la mesure de placement, est dès lors irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare irrecevable la demande d'annulation dirigée, dans le cadre du recours en réformation, contre d'autres décisions prises dans le contexte du placement du demandeur, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 juillet 2005 par :

M. Ravarani, président, M. Campill, vice-président, Mme Lenert, premier juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20.7.2005 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 20100
Date de la décision : 20/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-20;20100 ?

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