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20/07/2005 | LUXEMBOURG | N°20006

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2005, 20006


Tribunal administratif N° 20006 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2005 Audience publique du 20 juillet 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20006 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2005 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre d

es avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité serbo-monténégrine, deme...

Tribunal administratif N° 20006 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2005 Audience publique du 20 juillet 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20006 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2005 par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration du 14 avril 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugiée comme étant manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du 24 mai 2005, prise suite à un recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, et Maître Valérie DEMEURE ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER entendus en leurs plaidoiries.

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Le 1er avril 2005, Madame … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugiée au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, elle fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Le 11 avril 2005, elle fut encore entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugiée.

Par décision du 14 avril 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande était rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 17 mai 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre confirma sa décision de refus le 24 mai 2005.

Le 27 juin 2005, Madame … a fait introduire un recours en réformation et subsidiairement en annulation contre les décisions ministérielles précitées.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours principal en réformation.

Il ressort des éléments du dossier que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration s’est basé sur l’article 9 de la loi du 3 avril 1996, précitée.

L’article 10 (3) de la loi en question prévoit qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, Madame … reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’elle n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié. En effet, elle aurait été enceinte d'un homme avec lequel elle n'est pas marié, ce qui lui aurait valu d'être rejetée par sa famille et d'être menacée de mort par le père de son enfant. Cette situation serait le fruit des normes religieuses et sociales en vigueur.

L'Etat devrait être considéré comme le véritable agent de persécution, dès lors qu'il tolérerait la persécution de mères non mariées et que la police, à caractère masculin prononcé, régulièrement impliquée dans des trafics sexuels, n'apporterait aucune protection à des femmes se trouvant dans des situations pareilles. Elle serait partant à considérer comme invoquant une crainte justifiée de persécution en raison de son appartenance à un groupe social.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisse d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Des considérations d’ordre matériel et économique, telle la crainte de difficultés financières, ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié (trib.

adm. 20 juin 2001, n° 12679 du rôle).

En outre, une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité, sans qu'il soit fait état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib.

adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 107 et autres références y citées ; trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 105 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 11 avril 2005, force est de constater qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, il s’en dégage clairement que le départ de la demanderesse de son pays d’origine est exclusivement motivé par des considérations personnelles, à savoir la peur qu'elle éprouve à l'égard du père de son enfant qui ne voulait pas de cet enfant et par lequel elle se sent actuellement menacée. Lors de son audition par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugiée, elle fait des déclarations contradictoires à propos de l'attitude de ses parents, affirmant d'une part que ceux-ci ne voulaient pas qu'elle reste avec son ami, ce qu'elle semblait pourtant avoir l'intention de faire, et d'autre part, qu'ils ne voulaient pas non plus qu'elle rentre chez eux. Elle a encore clairement affirmé qu'elle n'a pas peur de la police, mais qu'elle ne voulait pas avoir affaire avec elle.

Elle essaye, dans la requête introductive d'instance, de placer ses problèmes personnels dans le contexte sociologique et culturel monténégrin en décrivant la société comme misogyne et violente à l'égard de mères non mariées. Si elle fait ainsi état d'un sentiment de malaise au regard de la situation générale régnant dans son pays d’origine à l'égard de mères non mariées, sa demande n’est cependant empreinte d’aucun des critères de fond prévus par la Convention de Genève. Ainsi, elle n’a pas apporté le moindre élément concret et plausible de persécution au sens de la Convention de Genève ou précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’elle pouvait avec raison craindre qu’elle risquait de faire l’objet de persécutions au sens de ladite Convention et les considérations mises en avant relativement à la peur qu'elle a à l'égard du père de son enfant et la mésentente avec ses père et mère ne sauraient caractériser une impossibilité de trouver refuge ailleurs dans son pays d’origine.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la demanderesse est restée en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile manifestement infondée, le recours en annulation étant partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation dans la forme, au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 20 juillet 2005 par:

M. Ravarani, président, M. Campill, vice-président, Mme Lenert, premier juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 20006
Date de la décision : 20/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-20;20006 ?

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