La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19465

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2005, 19465


Numéro 19465 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2005 Audience publique du 20 juillet 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

______________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19465 du rôle, déposée le 10 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Martine LAUER, avocat à la Co

ur, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (...

Numéro 19465 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2005 Audience publique du 20 juillet 2005 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice et une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

______________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19465 du rôle, déposée le 10 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Martine LAUER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (France), de nationalité française, tendant à l’annulation, d’une part, d’un arrêté du ministre de la Justice du 12 mars 2004 lui refusant l’entrée et le séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et, d’autre part, d’un arrêté d’expulsion pris par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 décembre 2004 ordonnant son expulsion du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2005;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2005 au nom et pour compte de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Martine LAUER et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 juillet 2005 :

____________________________________________________________________________

Un procès-verbal du chef de vol a été dressé en date du 22 novembre 1998 à l’encontre de Madame …. Le 23 novembre 1998, elle fut condamnée par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, à une peine de 120 heures de travaux d’intérêt général et à une amende de 25.000.- Luf du chef d’avoir, de manière illicite, importé et vendu des stupéfiants en d’espèce d’avoir importé huit boules d’héroïne ainsi qu’une pochette d’héroïne et un sachet contenant 0,2 grammes d’héroïne et d’avoir vendu cinq boules d’héroïne. Depuis cette date, elle est connue par les services de la police pour fréquenter le milieu de la drogue et pour ne pas disposer de moyens d’existence légitimes. Durant la période de juin 2001 à janvier 2005, elle fit l’objet de nombreux procès-verbaux et elle fut à ces occasions refoulée en territoire français. Elle fit encore l’objet d’une condamnation par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnel, en date du 13 mars 2003, la condamnant à une peine d’emprisonnement de 15 mois et à une amende de 1.500 Euro du chef de vol commis à l’aide d’effraction et du chef de ne pas avoir respecté les obligations lui imposées par le jugement du 23 novembre 1999.

Durant toute cette période, elle ne fut jamais déclarée à Luxembourg et elle n’était par conséquent à aucun moment titulaire d’une carte de séjour de ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne.

En date du 12 mars 2004, le ministre de la Justice prit à son encontre un arrêté lui refusant l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg et lui enjoignant de quitter le pays dans un délai de 15 jours après notification dudit arrêté, lequel est fondé sur les motifs suivants :

« Vu l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressée ;

Vu les nombreux procès-verbaux établis par la police grand-ducale ;

Vu le rapport n° R 45413 du 29 novembre 2003 établi par la police grand-ducale ;

Attendu que l’intéressée est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics ».

Malgré l’existence de cet arrêté, Madame … continuait à séjourner sur le territoire du Grand-Duché et fit à nouveau l’objet de divers procès-verbaux et de mesures de refoulement.

Par arrêté du 14 décembre 2004, le ministre ordonna l’expulsion de Madame … et lui enjoignit de quitter le pays dès la notification de cet arrêté, notification qui fut effectuée en date du 14 janvier 2005. Cet arrêté est fondé sur les motifs suivants :

« Vu l’article 9 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu l’arrêté de refus d’entrée et de séjour du ministre de la Justice du 12 mars 2004 lui notifié en date du 30 juin 2004 ;

Vu le rapport n° 67014/2004 du 22 septembre 2004 établi par la police grand-ducale ;

Attendu que l’intéressé est retournée au Luxembourg malgré l’arrêté de refus d’entrée et de séjour ;

Attendu que l’intéressé est susceptible de compromettre l’ordre public ».

Par requête déposée le 10 mars 2005, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation, d’une part, de l’arrêté ministériel du 12 mars 2004 lui refusant l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg et, d’autre part, de l’arrêté ministériel du 14 décembre 2004 ordonnant son expulsion.

Aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond ni en matière de refus d’entrée et de séjour, ni en matière d’expulsion, le tribunal est compétent pour analyser le recours en annulation.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours dirigé contre l’arrêté de refus d’entrée et de séjour pour cause de tardiveté.

La partie demanderesse n’a pas pris position dans son mémoire en réplique par rapport à ce moyen.

L’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que « Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court, (…), le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».

En l’espèce, la décision ministérielle du 12 mars 2004 a été notifiée et réceptionnée par la demanderesse en date du 30 juin 2004, de sorte que le recours contre cette décision aurait du être introduit au plus tard le 30 septembre 2004, c’est-à-dire dans le délai de trois mois tel qu’indiqué dans la décision litigieuse.

Le recours introduit le 10 mars 2005, donc en dehors du délai légal de 3 mois, à l’encontre de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour du 12 mars 2004, est partant irrecevable pour cause de tardiveté.

Par contre, le recours en annulation introduit à l’encontre de l’arrêté d’expulsion du 14 décembre 2004, notifié et réceptionné le 14 janvier 2005 par la demanderesse, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse s’empare du principe de libre circulation des ressortissants communautaires et argue que l’exception en faveur des Etats membres de refuser à un ressortissant communautaire le séjour pour des raisons d’ordre public serait nécessairement d’interprétation restrictive, la seule existence d’une condamnation pénale ne pouvant pas constituer une motivation suffisante d’une mesure d’éloignement fondée sur une atteinte à l’ordre public. Ainsi, d’après la demanderesse, l’autorité compétente de l’Etat membre concerné devrait constater dans chaque cas d’espèce que l’individu constitue une menace réelle, grave et actuelle pour l’ordre public, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, dans la mesure où le trouble à l’ordre public n’aurait été que minime et en tout cas ne constituerait pas une atteinte actuelle à l’ordre public, de manière que l’arrêté ministériel attaqué devrait en conséquence encourir l’annulation.

Elle affirme finalement qu’ « une mesure d’éloignement fondée sur une condamnation antérieure est encore contraire au principe du non bis in idem consacré par le Protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre compétent aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisserait d’être fondé.

Il échet de rappeler d’emblée que par mesure d’expulsion, il y a lieu d’entendre une mesure de police administrative ayant pour objet d’enjoindre à un étranger de quitter le territoire et tendant à le reconduire à l’une des frontières nationales. En outre, force est de constater que le principe du refus de la reconnaissance par l’Etat luxembourgeois d’un droit pour la demanderesse de séjourner sur le territoire national a été décidé à travers l’arrêté de refus d’entrée et de séjour du 12 mars 2004, décision coulée en force de chose décidée à l’heure actuelle, et que l’arrêté d’expulsion attaqué se fonde expressément sur le premier arrêté du 12 mars 2004. ( cf. trib.adm. 15 novembre 2004, n°18 290 du rôle) Il s’ensuit que les moyens de la demanderesse tendant à contester en son principe le refus d’un droit de séjour dans son chef et à se voir reconnaître ce droit sur base de dispositions de droit communautaire ne sont pas pertinents en l’espèce, étant donné que cette question ne fait plus l’objet de l’arrêté d’expulsion litigieux du 14 décembre 2004, mais a été définitivement tranchée par l’arrêté prévisé du 12 mars 2004 non autrement contesté.

Conformément à l’article 9 de la loi prévisée du 28 mars 1972, « peuvent être expulsés du Grand-Duché, même s’ils ont été autorisés à s’y établir, tant que leur extradition n’est pas demandée : (..) 2) ceux qui continuent à séjourner dans le pays après qu’ils auront été dûment avertis que l’entrée et le séjour ou l’établissement dans le Grand-Duché leur ont été refusés ou après qu’une décision de refus de renouvellement ou de retrait de la carte d’identité leur a été notifiée ».

En présence de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour du 12 mars 2004 et du fait non autrement contesté d’une continuation de son séjour au Luxembourg, la demanderesse rentre dans les prévisions de cette disposition, de manière qu’à défaut par la demanderesse de soumettre des moyens pertinents pour justifier la non-applicabilité de cette disposition, le ministre a valablement pu décider l’expulsion de la demanderesse sur cette base, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre l’arrêté de refus d’entrée et de séjour du 12 mars 2004 ;

reçoit le recours en annulation en la forme dans la mesure où il dirigé contre l’arrêté d’expulsion du 14 décembre 2004 ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 juillet 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19465
Date de la décision : 20/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-20;19465 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award