La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19280

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2005, 19280


Numéro 19280 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2005 Audience publique du 20 juillet 2005 Recours formé par la société anonyme …, … contre deux bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition sociétés 2 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19280 du rôle, déposée le 8 février 2005 au greff

e du tribunal administratif par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or...

Numéro 19280 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 février 2005 Audience publique du 20 juillet 2005 Recours formé par la société anonyme …, … contre deux bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition sociétés 2 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19280 du rôle, déposée le 8 février 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie à L-

… , inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro … , ayant succédé aux droits de la société anonyme …, anciennement établie à L-… , absorbée avec effet au 1er juin 2002, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2002, émis le 31 mars 2004 par le bureau d'imposition sociétés 2;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2005;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean SCHAFFNER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 juin 2005.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

La société anonyme de droit luxembourgeois …, préqualifiée, detint 100% des parts de la société civile immobilière de droit français MMM, ci-après désignée par la « SCI MMM », soumise sur option à l’impôt sur les sociétés français. En septembre 2001, la SCI MMM fusionna avec la société française AAA et la société … reçut en échange de cette opération des titres de la société AAA.

La société … fut absorbée par la société …, également préqualifiée, conformément à un projet de fusion du 24 octobre 2002.

A travers un courrier du 18 février 2004, le bureau d'imposition sociétés 2 de la section sociétés du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-

après désigné par le « bureau d'imposition », communiqua à la société … un projet d’imposition concernant l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal pour l’année 2002 tout en l’invitant à formuler ses objections éventuelles avant le 19 mars 2004. Le projet d’imposition pour l’impôt sur le revenu des collectivités comporta l’information suivante :

« La plus-value sur participation dans la SCI MMM n’est pas à exonérer suivant l’art. 166 LIR. Les SCI qui optent pour être imposées comme sociétés de capitaux sont visées par l’art. 19 de la Convention fiscale franco-luxembourgeoise. La plus-value est à imposer au Luxembourg avec imputation de l’impôt français ».

La société … soumit ses observations par courrier du 18 mars 2004.

A travers les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2002 du 31 mars 2004, le bureau d'imposition fixa à l’égard de la société … les cotes de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal en maintenant le refus de l’exonération de la plus-value réalisée par la société GANU du fait de la fusion de la SCI MMM avec la société AAA.

Par courrier de son mandataire du 24 mai 2004, la société … introduisit une réclamation devant le directeur de l’administration des Contributions directes à l’encontre de ces bulletins d’impôt du 31 mars 2004, cette réclamation ayant été complétée par courrier du 5 juillet 2004.

A défaut de décision prise par ledit directeur suite à cette réclamation, la société … a introduit un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins prévisés par requête déposée le 8 février 2005.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l’impôt sur le revenu et un bulletin de l’impôt commercial communal en l’absence d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre ces mêmes bulletins. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la société demanderesse expose que la première question serait celle de savoir comment une société civile française doit être qualifiée d’un point de vue luxembourgeois afin de décider si le régime d’exonération des plus-values sur une participation dans une filiale est applicable. Elle estime d’abord que ce régime devrait lui être appliqué en prenant comme critère la comparaison du mode de fonctionnement de la société étrangère à celui d’une société luxembourgeoise, la simple désignation de la forme de la société ne devant jouer aucun rôle, de manière qu’il faudrait vérifier si la société étrangère rencontre les caractéristiques d’une sociétés de capitaux au sens du droit des sociétés interne.

A cet égard, le mode de fonctionnement de la société, la responsabilité limitée ou non des associés, le régime du transfert de parts sociales et l’implication plus ou moins grande des associés dans la réalisation du projet sociétaire seraient ainsi des critères afin de décider sur l’assimilation à une société de capitaux ou une société de personnes. Elle ajoute que le régime fiscal à l’étranger de la société étrangère serait un critère essentiel à cet égard et qu’en raison de l’assujettissement de la SCI MMM à l’impôt sur les sociétés français, celle-

ci devrait être assimilée au Luxembourg à une société de capitaux.

Au cas où le critère du régime fiscal à l’étranger né serait pas considéré comme déterminant, la société demanderesse estime que l’organisation de la SCI MMM devrait emporter son assimilation à une société de capitaux non résidente. Elle renvoie à cet égard aux éléments suivants :

-

la gestion de la SCI MMM par des organes sociaux, -

la limitation en pratique de la responsabilité des associés pour les dettes de la société, -

la société ne finit pas par le décès ou la liquidation d’un associé, -

une large cessibilité des parts, -

organisation des augmentations de capital comme celles d’une société anonyme et -

les conditions de quorum et de majorité aux assemblées générales sont comparables à celles d’une société à responsabilité limitée luxembourgeoise.

Dans un second ordre d’idées, la société demanderesse estime que l’article 19 § 2 de la Convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 1er avril 1958, ci-après désignée par la « Convention », ne serait pas applicable à une éventuelle plus-value réalisée lors de la fusion entre la SCI MMM et la société AAA, au motif que cette disposition, visant les « produits de participation » et devant en tant qu’exception recevoir une interprétation restrictive, ne porterait que sur les produits courants d’une participation à l’exclusion des plus-values de cession. Partant, le principe de droit commun de la Convention du droit d’imposition revenant à l’Etat de situation de l’établissement stable constitué par la société de personnes devrait trouver application en l’espèce, de manière que le droit d’imposition exclusif pour cette plus-value reviendrait à la France et que le Luxembourg devrait l’exonérer.

L’article 166 (9) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », autorise un règlement grand-ducal à étendre l’exonération d’impôt sur le revenu y prévue pour les revenus d’une participation importante aux revenus dégagés par la cession de cette participation. Le règlement grand-ducal 21 décembre 2001 portant exécution de l’article 166 (9) n° 1 LIR instaure cette extension et requiert dans son article 1 (1) que la société dans laquelle la participation est détenue soit l’une de celles visées par l’alinéa 2 numéros 1 à 3 de l’article 166 LIR. Dans la mesure où il n’est pas contesté que les numéros 1 et 3 de l’alinéa 2 de l’article 166 LIR ne sauraient trouver application en l’espèce, la question soulevée est celle de savoir si la SCI MMM est à qualifier de société de capitaux non résidente et partant à assimiler, conformément à la définition des sociétés de capitaux inscrite à l’article 159 (1) A-1. LIR, à une société anonyme, une société en commandite par actions ou une société à responsabilité limitée.

Cette question de qualification est à trancher eu égard aux caractéristiques propres de la société étrangère telles qu’elles résultent des dispositions légales et statutaires applicables sans que le traitement fiscal dans l’Etat du siège ne constitue un critère à cet égard (cf.

ETUDES FISCALES nos 90-92, Roger MOLITOR, Le régime fiscal des sociétés mère et filiale, n° 2.2.3, p. 16).

Or, il se dégage des statuts de la SCI MMM qu’elle est régie par les articles 1832-s du Code civil français et que son objet social réside dans « la propriété, la construction, l’administration et l’exploitation d’un ensemble qui sera immobilier à usage commercial », ainsi que dans « toutes opérations civiles se rattachant directement ou indirectement à cet objet ». Il s’ensuit qu’elle est régie par un régime légal similaire à celui de la société civile luxembourgeoise et que son objet réside dans des opérations de nature civile et non commerciale. Il découle pareillement de l’article 13 des statuts de la SCI MMM que ses associés étaient tenus pour une part égale, indépendamment du nombre de parts détenues, envers les créanciers sociaux, conformément au prescrit de l’article 1863 du Code civil français, et que la limitation « en pratique » de cette responsabilité consiste en fait en la charge imposée à l’administrateur afin d’obtenir des créanciers une renonciation au droit d’exercer une action personnelle contre les associés.

Par contre, les sociétés de capitaux visées par l’article 159 (1) A-1. LIR se caractérisent toutes par leur objet commercial, conformément à l’article 1er de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, et par la limitation de la responsabilité des associés au montant de leur apport.

Il s’ensuit que le régime en droit français de la SCI MMM diffère sur ces points essentiels des sociétés de capitaux au sens du droit luxembourgeois et qu’elle ne peut partant y être assimilée, mais doit être assimilée à une société civile luxembourgeoise. Cette conclusion n’est pas énervée par les autres éléments mis en avant par la société demanderesse, étant donné qu’ils s’analysent essentiellement en l’usage de latitudes laissées par le Code civil français.

Il s’ensuit que c’est par une application correcte de l’article 166 LIR et du règlement grand-ducal prévisé du 21 décembre 2001 que le bureau d'imposition a refusé l’exonération de l’impôt sur le revenu de la plus-value dégagée par la société … lors de la fusion de sa filiale SCI MMM avec la société AAA.

L’article 19 § 2 alinéa 1 de la Convention, dont la société demanderesse conteste l’applicabilité en l’espèce, dispose comme suit :

« Nonobstant les dispositions de la présente convention, chacun des deux Etats contractants conserve le droit d’imposer suivant les règles propres à sa législation les produits de participation dans des entreprises constituées sous forme de sociétés, de sociétés en nom collectif, de sociétés de fait et d’associations en participation ainsi que pour les parts des commandités dans les sociétés en commandite simple ».

La plus-value visée en l’espèce n’est pas le résultat de la cession d’un bien faisant partie du patrimoine de la SCI MMM, mais de l’échange des parts sociales dans cette dernière dans le cadre de sa fusion avec la société AAA, de manière qu’elle doit être considérée comme « produit de participation » au sens de l’article 19 § 2 de la Convention et que le Luxembourg était en droit d’exercer son droit d’imposition tel que prévu par son droit interne à cette plus-value. Il convient de préciser que le tribunal ne saurait suivre l’argumentation développée par la société demanderesse consistant à soutenir que la notion de « produit de participation » doit être interprétée restrictivement comme visant les seuls revenus courants de la participation, ladite notion se voulant au contraire large et visant tant les revenus courants générés par la participation que les produits de sa cession.

Il découle de l’ensemble de ces développements que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse est à rejeter, les conditions légales afférentes ne se trouvant pas réunies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse, condamne la société demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 20 juillet 2005 par le vice-président en présence de M.

SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19280
Date de la décision : 20/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-20;19280 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award