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14/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19950C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2005, 19950C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19950 C Inscrit le 14 juin 2005

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Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 11 mai 2005, no 19637 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrat...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 19950 C Inscrit le 14 juin 2005

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Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié - Appel -

(jugement entrepris du 11 mai 2005, no 19637 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 14 juin 2005 par Maître Olivier Poos, avocat à la Cour, au nom de …, née le … à …, (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 11 mai 2005, à la requête de l’actuelle appelante tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 31 janvier 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 15 mars 2005, prise suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juin 2005 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Olivier Poos et la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 19637 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2005 par Maître Olivier Poos, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, née le …, (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, a demandé l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 31 janvier 2005, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 15 mars 2005, prise suite à un recours gracieux.

Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 11 mai 2005, a déclaré le recours en annulation non justifié et en a débouté.

Maître Olivier Poos, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 14 juin 2005 dans laquelle la partie appelante demande la réformation du premier jugement.

Le jugement est entrepris par rapport aux décisions ministérielles déférées pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits, à savoir notamment la mise en évidence par l’actuelle appelante lors de son entretien avec les services du ministère que les persécutions dont elle souffrait dans son pays d'origine sont de nature ethnique.

Les exactions rapportées seraient dues à la haine portée par la population albanaise majoritaire vis-à-vis des minorités ethniques du Kosovo, ce qui entraînerait toujours à l'heure actuelle, et ce en dépit de la présence onusienne, un véritable phénomène de purification ethnique.

La requérante soutient qu’elle aurait fait état d'une persécution ethnique de sorte que l'article 9 de la loi du 3 avril 1996 ainsi que l'article 3 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 seraient inapplicables en l'espèce, que par ailleurs, le présent litige, dans son stade actuel, devrait se limiter à la discussion de savoir s'il a, ou non, été fait état d'un fait concret pouvant le cas échéant consister en un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et que toute discussion ultérieure sur la pertinence des motifs invoqués ne concernerait nullement la procédure actuelle, prévue à l'article 9 et 10 de la loi précité du 3 avril 1996.

La partie appelante demande la réformation du jugement entrepris, partant l'annulation de la décision du 31 janvier 2005, confirmée par décision gracieuse du 15 mars 2005, refusant comme manifestement infondée la demande de l'appelant en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 2005 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Le Gouvernement insiste plus particulièrement sur la possibilité de fuite interne dont la requérante aurait pu bénéficier, étant donné qu'elle est née au Monténégro, y aurait habité depuis 1999 et aurait un frère et deux sœurs qui y habiteraient.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

2 Selon l'article 4 de ce règlement grand-ducal du 22 avril 1996 « une demande d'asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d'asile, invoquant des persécutions qui sont limitées à une zone géographique déterminée, aurait pu trouver une protection efficace dans une autre partie de son propre pays, qui lui était accessible ».

Finalement, selon l'article 6 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 « 1) une demande d'asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu'elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d'asile. 2) Tel est notamment le cas lorsque le demandeur a: (…) e) ayant eu largement au préalable l'occasion de présenter une demande d'asile, présente la demande en vue de prévenir une mesure d'expulsion imminente - ( … ) ».

La Cour retient d’emblée que la décision ministérielle attaquée a précisé que l’actuelle appelante a déposé sa demande d'asile 25 jours après expiration de son visa et qu’il peut être admis que celle-ci a été faite dans le but de régulariser sa situation au Luxembourg et pour éviter une mesure d'expulsion.

L’examen des faits et motifs invoqués par … à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène la Cour à conclure que sa crainte d’être persécutée dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement de sorte que sa demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée pour ne répondre à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York.

L’appelante a avancé comme raison de sa fuite sa situation économique et sociale (« Je n’ai pas de quoi vivre puisque je n’ai pas de rente et je suis venue ici afin de voir ce que vous pouvez me donner (…) je n’ai pas de retraite et donc pas de revenus et en plus j’y étais toute seule »).

Or, des considérations d’ordre matériel et économique, telles qu’en l’espèce l’espoir de jouir de meilleures conditions de vie pour soi-même, bien que humainement compréhensibles, ne répondent à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Il se dégage encore des déclarations de la demanderesse que si elle a dû subir à plusieurs reprises des remarques menaçantes de certains voisins, d’autres voisins – albanais – sont intervenus pour la protéger. La demanderesse cite ainsi deux incidents distincts au cours desquels des individus l’auraient menacée, mais où des voisins seraient intervenus – avec succès – pour la protéger.

Il se dégage encore des propos de la demanderesse que ces menaces ont en fait eu pour but de l’amener à quitter ses terres, afin de permettre à certains voisins de se les approprier.

Il y a encore lieu de relever que les persécutions dont fait état la demanderesse, émanant apparemment de certains éléments de la population locale albanaise, proviennent de tiers et non pas de l’Etat, de sorte qu’il lui aurait appartenu de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

La demanderesse n’a cependant pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient ni disposées ni capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’elle n’a pas fait état d’un 3 quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place. Bien au contraire, il ressort du rapport d’audition de la demanderesse qu’elle n’a entrepris aucune démarche auprès des autorités pour tenter d’obtenir leur protection.

Il suit de ce qui précède que c’est à juste titre que le ministre a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée de sorte que le jugement du 11 mai 2005 est à confirmer.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 14 juin 2005, le déclare cependant non fondé, confirme le jugement du 11 mai 2005 , condamne la partie appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19950C
Date de la décision : 14/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-14;19950c ?

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