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14/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19702

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2005, 19702


Tribunal administratif N° 19702 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2005 Audience publique du 14 juillet 2005

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Recours formé par Monsieur et Madame … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 19702 et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Bérane (Monténégro/Etat...

Tribunal administratif N° 19702 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2005 Audience publique du 14 juillet 2005

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Recours formé par Monsieur et Madame … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 19702 et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2005 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Bérane (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … à Bérane, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 mars 2005 par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

La demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 introduite par les époux …-… et leurs enfants au Grand-Duché de Luxembourg ayant été refusée suivant décision du ministre de la Justice du 11 décembre 2000, décision confirmée suivant jugement du tribunal du 21 novembre 2001 (n° 13144 du rôle), les époux …-… interjetèrent appel contre ledit jugement. Par un arrêt de la Cour administrative du 24 octobre 2002, ledit recours fut rayé du rôle à la demande des consorts …-

….

Par courrier recommandé de leur mandataire du 23 février 2005 à l’adresse du ministre de la Justice, les époux …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, sollicitèrent une « autorisation de séjour en vertu de la procédure de régularisation sur place effectuée par votre ministère », en faisant valoir qu’ils rempliraient les conditions d’une telle régularisation, pour être arrivés au pays avant le 1er août 2001 et que leur enfant Aida fréquenterait le Lycée technique pour professions de santé, tout en joignant à leur demande une promesse d’embauche en faveur de Monsieur ….

Par décision du 16 mars 2005, envoyée par lettre recommandée le 18 mars 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa le mandataire des époux …-… de ce qui suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande d’autorisation de séjour du 23 février 2005, en faveur de la famille ….

Je suis cependant amené à constater que vos mandants ne disposent pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater que vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Votre mandant Monsieur … est en outre à considérer comme personne étant susceptible de troubler l’ordre public, étant donné qu’il n’avait pas hésité à faire usage d’une pièce falsifiée, en l’occurrence un jugement yougoslave dans le cadre de sa demande d’asile.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande (…) ».

Par requête déposée le 21 avril 2005, les époux …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 mars 2005.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière d’autorisation de séjour, le recours en annulation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration de ne pas avoir appliqué le droit applicable et de ne pas les avoir fait bénéficier de la règle la plus favorable. Ainsi, ils soutiennent que leur demande en obtention d’une autorisation de séjour aurait été présentée à une époque où l’autorité administrative avait décidé de régulariser les étrangers en situation irrégulière et qu’ils rempliraient les conditions d’une telle régularisation, le ministre ayant dû examiner leur demande sous ce chef sous peine de leur appliquer un traitement discriminatoire.

En ce qui concerne le motif du prétendu trouble à l’ordre public dans le chef de Monsieur …, ils estiment que le ministre ne saurait lui reprocher un comportement délictueux, au motif qu’il aurait ignoré que le document en question était un faux, vu que de nombreux faux auraient circulé à l’époque dans l’ex-Yougoslavie dans un but d’intimidation de leurs destinataires, sous peine pour le ministre de méconnaître la présomption d’innocence telle qu’inscrite à l’article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, en l’absence d’une condamnation pénale de ce chef et compte tenu d’un casier judiciaire vierge.

Enfin, ils font valoir que la décision litigieuse violerait le principe de proportionnalité par rapport au but légitimement poursuivi par l’autorité administrative compte tenu de la scolarisation de leurs enfants.

Le délégué du gouvernement fait exposer que suite au rejet définitif de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, les demandeurs auraient introduit successivement des demandes en autorisation de séjour provisoire, motivées soit par l’état de santé d’un de leurs enfants, soit par celui de Madame … et que seul dans le cas de cette dernière le contrôle médical serait arrivé à la conclusion qu’un retour dans le pays d’origine n’était pas possible, mais qu’il fallait qu’elle suive un traitement médical de trois mois pour arriver à la conclusion après avoir été saisi une deuxième fois qu’il n’existait pas de pathologie médicale empêchant leur retour.

Il soutient que, contrairement aux affirmations des demandeurs, ceux-ci n’auraient pas sollicité une autorisation de séjour au moment où le gouvernement avait décidé de régulariser les étrangers en situation irrégulière, mais que cette demande n’aurait été formulée qu’au début de l’année 2005 et qu’il ressortirait clairement des éléments du dossier que les demandeurs « cherchent par tous les moyens à prolonger leur séjour » au pays. Il estime que c’est à bon droit que le ministre n’a pas appliqué la procédure de régularisation mise en place par le gouvernement en 2001 et 2002 et qu’il a examiné leur demande de régularisation sur base de la seule loi applicable qui serait la loi précitée du 28 mars 1972.

A cet égard, il observe que les demandeurs ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels nécessaires pour assurer leur séjour au pays, de sorte qu’ils ne rempliraient pas la condition prévue à l’article 2 de ladite loi. Il ajoute que ce serait encore à bon droit que le ministre aurait estimé qu’ils ne feraient pas état de raisons humanitaires, le contrôle médical étant arrivé à la conclusion que les différentes maladies invoquées par les demandeurs ne justifieraient pas le maintien de leur séjour au pays.

Enfin, il estime que le refus ministériel se trouve justifié, même en faisant abstraction du fait que Monsieur … aurait fait usage d’une pièce falsifiée dans le cadre de sa demande d’asile, estimant que, même si le Parquet avait choisi de ne pas poursuivre, cela n’empêcherait pas le ministre d’en faire état, d’autant plus que les faits seraient établis, de sorte qu’il ne saurait être question d’une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Il n’est pas contesté en cause qu’aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, une autorisation de séjour peut être refusée, notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants légalement perçus pour supporter les frais de voyage et de séjour au pays, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers, et qu’en l’espèce, les demandeurs n’ont pas établi qu’ils étaient, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonnaient légalement à une activité indépendante, et qu’ils pouvaient partant disposer de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis, la promesse de la société anonyme C. & T. E., datée du 8 avril 2005, d’embaucher Monsieur … dès qu’il serait en possession d’un permis de travail, outre d’être versée postérieurement à la prise de la décision litigieuse, étant à elle seule insuffisante à cet égard. Il s’ensuit que le ministre peut en principe refuser l’autorisation de séjour au demandeur en se fondant sur le seul motif du défaut de moyens d’existence personnels, sans qu’il soit encore nécessaire d’examiner le moyen tiré de ce que Monsieur … serait susceptible de troubler l’ordre public.

Si le refus ministériel se trouve, en principe, justifié à suffisance de droit par ledit motif, il convient cependant encore d’examiner le moyen soulevé par les demandeurs consistant à soutenir que le ministre aurait dû examiner leur demande au regard des critères de la procédure dite de régularisation et les admettre au bénéfice de cette régularisation en raison de leur arrivée au pays avant le 1er août 2001 et de la scolarisation de leur enfant Aida au Lycée de Technique pour professions de Santé pendant l’année scolaire 2004/2005.

C’est cependant à tort que les demandeurs se prévalent du bénéfice de la procédure dite de « régularisation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire », étant donné qu’ils n’ont formulé leur demande en obtention d’une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg sur base de la procédure de régularisation qu’en date du 25 février 2005, donc après la fin de la campagne de régularisation et qu’il ne résulte par ailleurs pas non plus des éléments du dossier qu’ils aient fait une telle demande de régularisation durant ladite campagne.

Concernant ensuite le moyen tiré de ce que le refus de l’autorisation de séjour constituerait une mesure disproportionnée par rapport au but légitimement poursuivi par l’autorité administrative, notamment eu égard à la scolarisation de leurs enfants, il échet de constater que les demandeurs restent en défaut d’établir que la décision déférée constitue une mesure disproportionnée dans leur chef, la simple affirmation que « les enfants sont actuellement en pleine scolarisation » étant, compte tenu des circonstances de l’espèce, insuffisante à cet égard.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé et partant les demandeurs sont à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19702
Date de la décision : 14/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-14;19702 ?

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