La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19174

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2005, 19174


Tribunal administratif N° 19174 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2005 Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du directeur de l’administration de l’Emploi en matières de refus d’inscription comme demandeur d’emploi et d’indemnités de chômage

______________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19174 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 janvier 2005 par Maître Yvette NGO

NO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif N° 19174 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2005 Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du directeur de l’administration de l’Emploi en matières de refus d’inscription comme demandeur d’emploi et d’indemnités de chômage

______________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19174 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 janvier 2005 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision implicite du directeur de l’administration de l’Emploi portant refus de lui accorder une indemnité de chômage complet ;

Vu la lettre de Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à la Cour, déposée au greffe du tribunal administratif le 8 février 2005 et informant le tribunal de ce qu’il a mandat d’occuper pour compte de l’administration de l’Emploi ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2005 pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, pris en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’emploi ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Yvette NGONO YAH et Gabrielle EYNARD, en remplacement de Maître Georges PIERRET, en leurs plaidoiries respectives.

______________________________________________________________________

Monsieur … ayant été licencié le 30 mai 2003 pour motifs économiques avec effet au 7 août 2003, son mandataire de l’époque s’enquit par lettre recommandée du 5 octobre 2003 auprès de l’administration de l’Emploi, ci-après désignée par l’« ADEM », des raisons du refus d’accorder une indemnité de chômage complet à Monsieur ….

Par lettre du 10 octobre 2003, le directeur de l’ADEM informa le mandataire de Monsieur … que celui-ci « ne s’est pas présenté dans les locaux de l’ADEM pour se faire inscrire comme demandeur d’emploi et pour y introduire une demande en obtention des indemnités de chômage à la suite de son licenciement auprès de l’entreprise TAKE AWAY ».

Par courrier recommandé du 30 octobre 2003, le mandataire répondit que Monsieur … « s’est présenté à plusieurs reprises dans les locaux de l’ADEM, plus précisément en date du 01 août 2003, le 6 octobre 2003 et le 13 octobre 2003 » et qu’« à chaque reprise l’Administration de l’Emploi a refusé d’inscrire Monsieur … comme demandeur d’emploi. De ce fait, mon mandant n’est pas en mesure de toucher des indemnités de chômage » et il demanda à nouveau les raisons de ce refus.

N’ayant pas reçu de réponse, le mandataire de Monsieur … réitéra sa demande par lettre recommandée du 13 novembre 2003 à l’adresse de la directrice de l’ADEM.

Par courrier recommandé du 30 janvier 2004, la directrice de l’ADEM informa le mandataire de Monsieur … de ce qui suit :

« Maître, En réponse à l’affaire émargée, j’ai l’honneur de vous informer que mes services ont procédé à une enquête approfondie afin de vous préciser les raisons qui n’ont pas permis une inscription de votre mandant auprès des bureaux de placement publics.

Lors de contrôles et enquêtes successives, dont, entre autre, plusieurs entretiens avec Monsieur …, il a pu être établi que le prénommé n’est pas disponible pour le marché de l’emploi étant donné qu’il ne dispose pas d’un permis de travail valable.

En effet, le permis de travail de type A, a pris fin avec la fin de la relation de travail.

Par ailleurs, Monsieur … a quitté le Grand-Duché de Luxembourg pour un très long séjour en Algérie, quelques semaines après que sa situation de « sans papiers » avait été régularisée par la cellule de régularisation spécialement créée par le Gouvernement.

Les raisons de ce long séjour en Algérie, qui a eu lieu de suite après l’obtention des papiers de régularisation, n’ont pas pu être précisées par votre mandant.

Par ailleurs, l’affirmation de Monsieur … au sujet d’un réengagement en date du 1er août 2003 par Monsieur Wifac Nacer s’est révélée inexacte.

Finalement, une enquête faite auprès des organismes de sécurité sociale a révélé que Monsieur … a travaillé comme chauffeur-livreur, alors qu’il avait obtenu un permis de travail en tant que commis de cuisine. Monsieur … a donc travaillé dans une autre profession que celle autorisée. Partant, il n’a pas respecté les dispositions du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Veuillez agréer, (…) ».

La Commission spéciale de réexamen, dans sa session du 26 février 2004, déclara la demande en réexamen irrecevable au motif « que les requêtes stipulées par le mandataire de l’intéressé ne relèvent pas de sa compétence lui attribuée par le règlement grand-ducal du 7 juillet 1987 concernant l’organisation et le fonctionnement de la commission spéciale chargée du réexamen des décisions de l’Administration de l’Emploi en matière d’indemnisation du chômage complet ; que le mandataire a eu entre-temps une réponse de la part du directeur de l’Administration de l’Emploi relative au refus d’inscription aux fichiers de l’ADEM de son mandant ; qu’il est loisible au mandataire de dresser recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif ».

Par courrier du 17 juin 2004, le mandataire actuel de Monsieur … informa l’ADEM que la décision du 29 mars 2004 ne serait pas attaquable au motif qu’« il ne résulte pas de votre décision une feuille d’information renseignant mon mandant des voies de recours qui lui sont offertes ».

La Commission spéciale de réexamen répondit le 28 juin 2004 dans les termes suivants :

« Maître, En réponse à votre estimée du 17 juin 2004 concernant l’affaire sous rubrique, j’ai l’honneur de vous informer que le secrétariat de la Commission spéciale de réexamen a adressé par lettre recommandée en date du 29 mars 2004 une décision motivée ainsi qu’une feuille indiquant les voies de recours auprès du Conseil Arbitral des Assurances Sociales à Monsieur … demeurant 111, route d’Esch à L-1471 Luxembourg ainsi qu’à son avocat Me Ender ULCUN demeurant 54, avenue de la Liberté à L-1930 Luxembourg.

Lors de sa réunion du 26 février 2004, la Commission spéciale de réexamen s’est déclarée incompétente pour statuer sur la demande en réexamen du requérant étant donné qu’au moment de la réception du recours en date du 27 novembre 2003 aucune décision attaquable n’avait été prise par le directeur de l’Administration de l’Emploi. Cette décision lui est seulement parvenue en date du 30 janvier 2004 de sorte que la Commission spéciale de réexamen a déclaré irrecevable la demande en réexamen du requérant. Contre la décision d’irrecevabilité prise par ladite Commission un recours est recevable auprès du Conseil Arbitral des Assurances Sociales, voies de recours qui avaient été annexées à la décision de la Commission spéciale de réexamen notifiée le 29 mars 2004.

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint copie de ladite décision ainsi que des voies de recours y annexées.

Veuillez agréer, (…) ».

Par requête déposée le 17 janvier 2005, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la « décision de refus implicite de l’Administration de l’Emploi d’accorder au requérant une indemnité de chômage complet ».

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il aurait travaillé depuis le 1er octobre 1997 auprès de plusieurs employeurs et en dernier lieu auprès de l’entreprise TAKE AWAY jusqu’à son licenciement pour motifs économiques en date du 30 mai 2003 prenant effet le 7 août 2003. Il expose plus particulièrement qu’il se serait à plusieurs reprises rendu dans les locaux de l’ADEM pour s’inscrire comme demandeur d’emploi et pour obtenir une indemnité de chômage, mais qu’à chaque fois, l’ADEM aurait sans raisons refusé de l’inscrire comme demandeur d’emploi, de sorte qu’il n’aurait pas pu obtenir une indemnité de chômage. Il soutient que l’ADEM n’aurait pas justifié son refus, respectivement n’aurait pas donné suite à ses nombreuses demandes d’explications, de sorte qu’elle aurait violé les dispositions de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Dans son mémoire en réponse, l’ADEM soulève à titre principal l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours introduit au motif que le courrier de sa directrice du 30 janvier 2004 véhiculerait une décision de refus d’attribution des indemnités de chômage, laquelle décision relèverait conformément aux termes de l’article 46 de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1. création d’un fonds pour l’emploi ; 2. réglementation de l’octroi des indemnités de chômage complet, de la compétence de la Commission spéciale de réexamen.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que contrairement à ce qui aurait été retenu par le demandeur, il n’y aurait pas une « décision implicite de refus du fait du silence de l’administration », mais au contraire l’ADEM aurait pris en date du 30 janvier 2004 une décision motivée, dont il se dégagerait que le demandeur ne serait pas disponible sur le marché de l’emploi pour ne pas disposer d’un permis de travail valable, de sorte qu’aux termes de l’article 13 de la loi précitée du 30 juin 1976, il ne saurait être admis au bénéfice de l’indemnité de chômage complet.

Sur question afférente du tribunal lors des plaidoiries, le mandataire du demandeur a confirmé que le recours était dirigé aussi bien contre le refus de l’ADEM d’inscrire Monsieur … comme demandeur d’emploi que contre le refus de lui accorder une indemnité de chômage complet.

Le tribunal est amené à examiner en premier lieu sa compétence d’attribution par rapport aux deux décisions déférées, dont le demandeur sollicite l’annulation, sinon la réformation.

Le demandeur attaque, d’une part, le refus de l’ADEM de l’inscrire comme demandeur d’emploi, les motifs de ce refus étant fournis par la lettre de la directrice de l’ADEM du 30 janvier 2004 et, d’autre part, le refus implicite de l’ADEM de lui attribuer une indemnité de chômage, étant relevé que la prédite lettre du 30 janvier 2004 ne prend pas expressément position par rapport à cette demande de Monsieur ….

En ce qui concerne le recours en tant que dirigé contre la décision de l’ADEM portant refus d’inscrire le demandeur comme demandeur d’emploi auprès des bureaux de placements publics, force est de prime abord de constater que ledit refus constitue une décision administrative de nature à faire grief.

Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’inscription d’un travailleur comme demandeur d’emploi, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation. Le demande en annulation introduite à titre subsidiaire est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai de la loi.

Le moyen d’annulation du demandeur basé sur un défaut d’indication suffisante de motifs laisse d’être fondé, étant donné que les motifs du refus de l’inscription ont été fournis en fait et en droit par la directrice de l’ADEM dans sa lettre précitée du 30 janvier 2004, de sorte qu’il est satisfait aux obligations légales de motivation découlant notamment de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, le demandeur n’ayant pas pu se méprendre sur la portée du refus de l’ADEM.

Concernant le bien-fondé de ladite décision de refus, dans la mesure où le demandeur ne fait pas état de moyens d’annulation, il ne remet pas utilement en cause la légalité ou le bien-fondé de la décision de refus litigieuse.

En ce qui concerne le volet du recours dirigé contre la décision implicite de refus de l’ADEM d’accorder une indemnité de chômage complet, il convient de relever que l’article 46 de la loi précitée du 30 juin 1976 dispose que « les décisions portant attribution, maintien, reprise, prorogation, refus ou retrait de l'indemnité de chômage, suspension de la gestion du dossier et retardement du début de l'indemnisation, ainsi que les décisions ordonnant le remboursement des indemnités sont prises par le directeur de l'Administration de l'Emploi ou les fonctionnaires par lui délégués à cet effet.

Les décisions de refus ou de retrait visées au paragraphe 2 du présent article peuvent faire l’objet d’une demande en réexamen auprès d’une commission spéciale instituée par le ministre ayant le travail dans ses attributions.

Contre les décisions prises par la commission (…) un recours est ouvert au requérant débouté, au ministre du Travail et au directeur de l’Administration de l’Emploi. Ce recours est porté devant le conseil arbitral des assurances sociales ; il n’a pas d’effet suspensif.

Il doit être formé, sous peine de forclusion, dans un délai de quarante jours à dater de la notification de la décision attaquée ; sont applicables les règles de procédure à suivre devant le conseil arbitral des assurances sociales ».

Il se dégage donc de la disposition précitée de l’article 46 qu’une décision de refus de l’indemnité de chômage du directeur de l’ADEM peut faire l’objet d’une demande en réexamen devant la Commission spéciale de réexamen telle que prévue par l’article 46.3 de la loi précitée du 30 juin 1976.

Il s’ensuit que le tribunal administratif doit se déclarer incompétent ratione materiae pour analyser le recours dans la mesure où il est introduit contre la décision implicite de refus d’une indemnité de chômage, étant donné qu’en la présente matière un recours spécial devant une autre instance est prévu par une disposition légale.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision de refus de l’ADEM d’inscrire Monsieur … comme demandeur d’emploi ;

déclare le recours subsidiaire en annulation recevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision de refus d’inscription du demandeur comme demandeur d’emploi ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

se déclare incompétent pour connaître des recours tant en réformation qu’en annulation dirigés contre la décision implicite de refus de l’ADEM d’octroi d’une indemnité de chômage complet ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19174
Date de la décision : 14/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-14;19174 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award