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14/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19103

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2005, 19103


Tribunal administratif Numéro 19103 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 janvier 2005 Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par l’association sans but lucratif F., Luxembourg et l’association sans but lucratif A., Luxembourg et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme S. S.A., Luxembourg en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19103 du rôle et déposée le 5 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de :

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Tribunal administratif Numéro 19103 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 janvier 2005 Audience publique du 14 juillet 2005 Recours formé par l’association sans but lucratif F., Luxembourg et l’association sans but lucratif A., Luxembourg et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme S. S.A., Luxembourg en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19103 du rôle et déposée le 5 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de :

1) l’association sans but lucratif F., établie et ayant son siège social à L_…, …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 2) l’association sans but lucratif A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 3) Monsieur …, demeurant à L-…, 4) Monsieur …, demeurant à L-…, 5) Monsieur …, demeurant à L-…, 6) Monsieur …, demeurant à L-…, 7) Monsieur …, demeurant à L-…, 8) Monsieur …, demeurant à L-…, 9) Monsieur …, demeurant à L-…, 10) Monsieur …, demeurant à L-…, et 11) Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 12 novembre 2004 (arrêté numéro 1/02/0148/A) faisant droit à une demande de la société anonyme S.

S.A., établie et ayant son siège social à L-…, d’installer et d’exploiter un parc éolien comportant deux éoliennes, deux transformateurs et un poste de réception sur des terrains sis dans la commune de Medernach, section B dite des Fermes, au lieu-dit « Im Kitzebour », et inscrits au cadastre, exercice 1998, sous les numéros 132 et 4/315 respectivement section C dite de Savelborn, au lieu-dit « Bei Brameschwies », et inscrit au cadastre, exercice 1998, sous le numéro 515/1104 ; Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Geoffrey GALLE, en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 6 janvier 2005, portant signification du recours à la société anonyme S. S.A., préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2005 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2005 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme S. S.A., lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le même jour au mandataire constitué des parties demanderesses ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 2005 par Maître Roger NOTHAR en nom et pour compte des parties demanderesses, lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le même jour au mandataire constitué de la société anonyme S. S.A. ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal en date du 3 juin 2005 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2005 par Maître Victor ELVINGER en nom et pour compte de la société anonyme S.

S.A., lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie le même jour au mandataire constitué des parties demanderesses ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR et Serge MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

La société anonyme S. S.A., ci-après dénommée « la société S. », sollicita suivant demande du 15 mars 2002, complétée les 13 et 28 novembre 2002, l’autorisation d’installer et d’exploiter un parc éolien sur les territoires des communes de Waldbillig et de Medernach portant sur cinq éoliennes d’une puissance nominale unitaire de 1800 kW et d’une hauteur du moyeu de 98 mètres, cinq transformateurs triphasés 20/0,4 kV, refroidis à l’huile, d’une puissance unitaire de 2000 kVA et un poste de réception.

Le 23 septembre 2003, le ministre de l’Environnement, ci-après dénommé « le ministre », refusa l’autorisation sollicitée aux motifs suivants :

« Vu la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ;

Vu le règlement grand-ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés ;

Vu la loi du 10 août 1992 concernant – la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement – le droit d’agir en justice des associations de protection de la nature et de l’environnement ;

Vu le règlement grand-ducal du 10 août 1992 déterminant la taxe à percevoir lors de la présentation d’une demande en obtention d’une information relative à l’environnement ;

Vu la circulaire ministérielle du 24 septembre 1992 portant sur la mise en œuvre de la législation sur la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement ;

Vu l’enquête commodo et incommodo et l’avis émis en date du 7 avril 2003 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Waldbillig ;

Vu l’enquête commodo et incommodo et l’avis émis en date du 2 avril 2003 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Medernach ;

Considérant que pendant le délai légal d’affichage, des observations ont été présentées à l’égard du projet susmentionné ;

Considérant que les éoliennes projetées sur le territoire de la commune de Medernach se situent en zone verte (Land- und Forstwirtschaftsgebiet) d’après le plan d’aménagement en vigueur ;

Considérant que les éoliennes projetées sur le territoire de la commune de Waldbillig se situent en zone agricole d’après le plan d’aménagement en vigueur ;

Considérant que selon le règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Waldbillig, la zone agricole est destinée à l’agriculture et à la sylviculture au sens large du terme ; qu’il y est précisé -

que la zone agricole ne peut comporter que des constructions indispensables à l’exploitation et au logement des exploitants à condition que le caractère du paysage n’en souffre pas ;

-

que même des aménagements touristiques ou sportifs dans la zone rurale ne peuvent être réalisés que par le vote d’enclave au périmètre d’agglomération conformément à la loi du 12 juin 1937 ;

Considérant que la société S.E.O. S.A. a présenté un projet de modification du projet d’aménagement général de la commune de Waldbillig ayant pour but le reclassement de terrains en vue de la construction du parc éolien ; que le projet de modification précité a été avisé négativement par le conseil communal de Waldbillig en séance publique du 28 juillet 2003 ;

Considérant que les éoliennes projetées sur le territoire de la commune de Waldbillig ne se situent actuellement pas dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ;

Considérant qu’une décision en matière d’établissements classés doit porter dans le présent cas nécessairement sur l’intégralité du parc éolien, et non seulement sur la partie située sur le territoire de la commune de Waldbillig, eu égard à l’indivisibilité de cet élément de l’établissement. (TA, 5 décembre 2001, Hendel, no 12911 et 13117 du rôle) ;

Qu’en application de l’article 17 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, l’autorisation sollicitée est à refuser ;

A R R Ê T E :

Article 1er :

L’autorisation sollicitée est refusée :

Article 2 :

Le présent arrêté est transmis en original à la S.A. S. (S.) pour lui servir de titre, et en copie :

● aux administrations communales de Waldbillig et de Medernach aux fins déterminées par l’article 16 de la loi du 10 juin 1999.

Article 3 :

Contre la présente décision, un recours peut être interjeté auprès du Tribunal administratif statuant comme juge du fond. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de 40 jours à partir de la notification de la présente décision par requête signée d’un avocat à la Cour. » Suivant courrier de son mandataire du 22 octobre 2003, la société S. introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du 23 septembre 2003 et sollicita la délivrance d’une autorisation sur base de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après dénommée « la loi de 1999 », principalement pour l’ensemble des éoliennes projetées et subsidiairement pour les seules éoliennes situées sur le territoire de la commune de Medernach.

Ledit recours gracieux restant sans réponse, la société S., par requête inscrite sous le numéro 17680 du rôle introduisit en date du 2 mars 2004 un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle pré-indiquée du 23 septembre 2003.

Par jugement du 14 octobre 2004, le tribunal administratif de Luxembourg déclara non fondé le recours tendant à la délivrance d’une autorisation d’installation et d’exploitation pour l’ensemble du parc éolien projeté et le dit fondé pour le surplus et par réformation accorda à la société S. l’autorisation de principe d’installer et d’exploiter les deux éoliennes du site 1 et du site 3, avec les transformateurs respectifs, ainsi que le poste de réception, situés sur le territoire de la commune de Medernach et renvoya le dossier devant le ministre pour fixation des conditions d’exploitation.

Suivant arrêté n° 1/02/0148/A du 12 novembre 2004, le ministre, en exécution du jugement du 14 octobre 2004, accorda à la société S. l’autorisation d’installer et d’exploiter un parc éolien comportant deux éoliennes du type ENERCON d’une puissance nominale unitaire de 1.800 kW et d’une hauteur de moyeu de 98 m, deux transformateurs triphasés 20/0,4 kV, refroidis à l’huile, d’une puissance unitaire de 2.000 kVA et un poste de réception sur des terrains sis dans la commune de Medernach, section B, dites des Fermes, au lieu-dit « Im Kitzebour » et inscrits au cadastre, exercice 1998, sous les numéros 132 (site 1) et 4/315 (site 3) respectivement section C dite de Savelborn, au lieu-dit « Bei Brameschwies », et inscrit au cadastre, exercice 1998, sous le numéro 515/1104 (poste de réception), le tout assorti de diverses conditions.

Le 5 janvier 2005, l’association sans but lucratif F. a.s.b.l., ci-après dénommée la « F. », l’association sans but lucratif A. a.s.b.l., ci-après dénommée « l’association A. » et Messieurs …, …, …, …, …, …, …, … et …, introduisirent un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle préindiquée du 12 novembre 2004.

L’article 19 de la loi de 1999 ouvrant un recours au fond devant le juge administratif pour statuer en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 12 novembre 2004.

A l’appui de leur recours, la F., en sa qualité de locataire de terrains sis au lieu-dit « Im Kitzebour » utilisés comme plate-forme pour aéronefs ultra-légers motorisés, l’association A., en sa qualité d’exploitant de ladite plate-forme et Messieurs …, …, …, …, …, …, …, … et …, en leur qualité d’utilisateurs de ladite plate-forme respectivement de pilotes d’aéronefs ultra-légers motorisés, exposent qu’ils disposeraient d’un droit acquis concernant l’exploitation et l’utilisation de la plate-forme située dans l’entourage immédiat du site des éoliennes autorisées, et ceci en vertu d’un arrêté ministériel du ministre des Transports du 10 août 1987 concernant l’agrément d’une plate-forme pour aéronefs ultra-légers motorisés à Medernach et d’une autorisation délivrée en date du 23 septembre 1987 par ledit ministre à l’association A..

Or, l’exploitation de la plate-forme pour aéronefs ultra-légers serait incompatible avec la construction des éoliennes autorisées par l’arrêté entrepris, au motif que les deux éoliennes autorisées seraient situées aux limites du circuit d’atterrissage et constitueraient « des obstacles insurmontables, même pour des pilotes expérimentés, à la moindre contrariété météorologique », d’autant plus que le site ne serait pas seulement utilisé par des pilotes expérimentés ayant une parfaite connaissance des lieux, mais également par des pilotes étrangers, ainsi que dans le cadre de l’activité d’une école de vol, dûment autorisée par le ministère des Transports en date du 12 juin 2002. Ce risque serait encore accru eu égard au fait que l’arrêté entrepris, par souci de préserver au mieux la beauté du paysage, aurait imposé à la société S. d’éviter des couleurs criardes et prévoirait un revêtement approprié des pâles des éoliennes limitant l’intensité de la lumière réfléchie.

Partant, les demandeurs sollicitent, dans le cadre de leur recours en réformation, l’annulation de l’arrêté entrepris, aux motifs que :

- l’autorisation du 12 novembre 2004 violerait l’article 1er de la loi de 1999 en ce qu’elle ne prévoirait pas toutes les mesures appropriées pour réduire toute difficulté entraînée de façon prévisible par l’activité projetée et qu’elle ne prendrait pas en considération toutes les nuisances indirectes prévisibles pour éviter dans la mesure du possible des troubles anormaux de voisinage résultant de son fonctionnement ;

- ladite autorisation violerait l’article 13 de la loi de 1999 en ce que le ministre, en autorisant la construction des éoliennes aux alentours immédiats d’une piste d’atterrissage et en imposant que les pâles de ces éoliennes soient de couleur grisâtre, n’aurait fixé aucune condition visant la protection de la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public et au voisinage.

Finalement, les demandeurs soutiennent que le dossier administratif tenu auprès de la commune de Medernach et du ministère de l’Environnement n’aurait pas été complet et se réservent le droit d’invoquer en cours de procédure « toutes éventuelles autres violations de la loi sur les établissements classés ou de toute autre disposition légale éventuellement violée ».

Tant le délégué du gouvernement que la société S. soulèvent l’irrecevabilité du recours pour défaut de personnalité juridique et partant de capacité à agir dans le chef de la F. et de l’association A..

Dans ce contexte, ils estiment que les deux associations, constituées sous forme d’association sans but lucratif, telle que régie par la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et fondations sans but lucratif, ne peuvent pas se prévaloir de statuts satisfaisant aux conditions légales, étant donné que les statuts desdites associations ne contiendraient pas toutes les mentions obligatoires concernant l’indication du siège social, les membres associés et les conditions dans lesquelles les résolutions de l’assemblée générale sont portées à la connaissance des associés et des tiers, ainsi que pour la F. la mention visant l’emploi du patrimoine de ladite association dans le cas où elle serait dissoute.

Tant la F. que l’association A. contestent ne pas avoir déposé au registre de commerce et des sociétés tous les actes requis par la loi du 21 avril 1928, précitée, et soutiennent que la sanction tirée de la non-publication d’une liste actualisée des administrateurs, à savoir le défaut de personnalité civile à l’égard des tiers, ne serait applicable qu’en cas d’abus ou de fraude, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, qu’une liste actualisée des membres de l’association A. aurait été déposée en date du 8 avril 2003 et que les autres reproches formulés seraient irrelevants, alors qu’ils n’auraient trait qu’au fonctionnement interne d’une association sans but lucratif sans pour autant avoir la moindre influence sur la personnalité juridique de l’association.

Dans son mémoire en duplique, la société S. soutient que le non-respect par une association sans but lucratif des exigences de l’article 2 de la loi du 21 avril 1928, précitée, serait « indubitablement sanctionné par la perte de son droit de se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers, qui n’ont pas besoin de prouver que l’omission leur a causé un préjudice ».

D’après l’article 2 de la loi précitée du 21 avril 1928 « les statuts d’une association sans but lucratif doivent mentionner :

1° la dénomination et le siège de l’association. Ce siège doit être fixé au Grand-

Duché ; (…) 4° les noms, prénoms, professions, domiciles et nationalités des associés ; (…) 6° les attributions et le mode de convocation de l’assemblée générale, ainsi que les conditions dans lesquelles ces résolutions seront portées à la connaissance des associés et des tiers ;

7) le mode de nomination des administrateurs ; (…) 11) l’emploi du patrimoine de l’association dans les cas où elle serait dissoute.

Ces mentions sont constatées dans un acte authentique ou sous seing privé ».

L’article 26 de la loi précitée du 21 avril 1928 dispose qu’« en cas d’omission des publications et formalités prescrites par les articles 2, 3 alinéas 1er et 9, l’association ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers, lesquels auront néanmoins la faculté d’en faire état contre elle ».

Ceci dit, la sanction grave de l’article 26 de la loi précitée du 21 avril 1928 ne saurait cependant être appliquée qu’en cas de fraude (cf. Cour d’appel 21 mai 1998, Pas. 30, page 435 et trib. adm. 19 janvier 2005, n° 18131 du rôle, non encore publié).

Or, en l’espèce, force est de constater qu’aucune fraude ou tentative de fraude n’est établie dans le chef de la F. et de l’association A.. En effet, il n’appert pas des éléments produits en cause que lesdites associations, chargées de la défense des intérêts de leurs membres, aient été mues par une quelconque intention de frauder afin de ne pas agir au grand jour, que ce soit à l’égard des associés, créanciers ou encore de l’opinion publique, tout un chacun pouvant sans trop de peine juger de son activité ou en faire juger.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité pour défaut de personnalité juridique et partant de capacité à agir dans le chef de la F. et de l’association A. n’est pas fondé.

La société S. soulève encore l’irrecevabilité du recours dans le chef de l’association A. découlant de l’absence d’organe apte à représenter ladite association.

Ainsi, il ressortirait de l’article 9 des statuts de l’association A. que celle-ci « est administrée par un conseil d’administration composé de 3 associés au moins et de 15 au plus, élu parmi les associés actifs par l’assemblée générale pour une durée de 3 ans, révocables par elle à tout moment (…) ». Or, force serait de constater que la composition du conseil d’administration, telle que publiée au Mémorial C en date du 23 octobre 1992, ne contiendrait qu’un seul membre associé à savoir Monsieur T. F., les autres administrateurs n’ayant pas été publiés comme membres associés, et partant n’ayant pas pu être élus comme membres du conseil d’administration en conformité avec l’article 9 des statuts. Partant, l’association A. ne disposerait pas d’un conseil d’administration légalement désigné, qui aux termes de l’article 13 de la loi du 21 avril 1928, précitée, « gère les affaires de l’association et la représente dans tous les actes judiciaires et extra-judiciaires », irrégularité de la représentation en justice qui serait à sanctionner « par une nullité de fond et d’ordre public ».

L’association A. fait rétorquer qu’elle aurait déposé en date du 8 avril 2003 une liste actualisée des membres de son conseil d’administration, de sorte que le moyen afférent de la société S. serait à rejeter.

La société S., dans son mémoire en duplique, estime que le prédit dépôt du 8 avril 2003 ne prouverait toujours pas si les membres actuels du conseil d’administration de l’association A. étaient tous des associés actifs de ladite association, tel qu’exigé par l’article 9 des statuts, et que des modifications non publiées au Mémorial C ne seraient de toute façon pas opposables aux tiers.

Il appartient au tribunal administratif d’analyser si une association possède la capacité active d’ester en justice, qui comprend non seulement l’exigence suivant laquelle toute personne, physique ou morale, introduisant une action en justice doit disposer de la personnalité juridique, mais en outre qu’au cas où celui-ci qui introduit une action en justice il soit valablement représenté dans le cadre de celle-ci et, plus particulièrement, lorsqu’il s’agit d’une personne morale, que l’organe de la personne la représentant soit habilité, non seulement en vertu des dispositions statutaires, mais également en vertu des lois et règlements applicables, à représenter la personne juridique notamment dans le cadre de l’introduction d’une action en justice. La recevabilité d’un recours contentieux et plus particulièrement la question de la capacité et du pouvoir de représentation de celui qui introduit une action en justice sont des moyens d’ordre public, qui peuvent être soulevés d’office par la juridiction, la partie demanderesse étant autorisée à apporter une régularisation ou un complément d’information en cours d’instance (cf. trib. adm. 7 mai 2003, n° 10569 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 88).

En l’espèce, force est de constater, d’une part, que le conseil d’administration de l’association A., d’après l’article 9 de ses statuts, doit se composer impérativement de 3 associés au moins et de 15 au plus, élus par l’assemblée générale parmi les associés actifs pour une durée de 3 ans et révocables par elle à tout moment et, d’autre part, que la société S. n’a pas été contredite dans son affirmation que la dernière publication relative à la composition du conseil d’administration au Mémorial C du 23 octobre 1992 ne contient que le nom d’un seul membre associé qui a été publié comme tel parmi les 9 membres du conseil d’administration ayant géré les affaires de ladite association à l’époque.

S’il est exact que l’association A. a fait déposer en date du 8 avril 2003 une liste actualisée reprenant les 9 membres du conseil d’administration, ladite association n’a pas rapporté la preuve que lesdits membres du conseil d’administration ont été légalement désignés parmi les associés actifs, aucune liste de ses membres associés n’ayant apparemment été déposée, ni a fortiori publiée, de sorte que l’association A. reste en défaut de prouver qu’au moment du dépôt de son recours, elle disposait d’un conseil d’administration légalement constitué apte à la représenter en justice.

Partant, le recours est à déclarer irrecevable dans le chef de l’association A..

La société S. conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la F. au motif qu’elle ne se prévaudrait d’aucun préjudice à caractère individuel, distinct de l’intérêt général, d’autant plus que son siège social ne serait pas situé à proximité de l’établissement litigieux, mais à Luxembourg-Ville.

Ledit moyen est cependant à rejeter, étant donné que les groupements régulièrement constitués sous forme de fondation ou d’association sans but lucratif, qui entendent demander en justice la réparation de l’atteinte aux intérêts collectifs qu’ils défendent, sont admis à agir du moment que l’action collective est dictée par un intérêt corporatif caractérisé et que ces actions collectives ont pour objet de profiter à l’ensemble des associés (cf. trib.

adm. 27 juin 2001, n° 12485 du rôle, confirmé par arrêt du 17 janvier 2002, n° 13810C du rôle, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, n° 71).

En effet, force est de constater que l’objet statutaire de la F. consistant à « régir sur le plan national toutes les activités sportives aéronautiques et de promouvoir et de développer l’aéronautique et l’astronautique par tout les moyens appropriés et ce particulièrement (…) en exerçant auprès des autorités compétentes les actions nécessaires pour obtenir la réduction ou la suppression des entraves au progrès et à la pratique des activités aéronautiques » ne se confond pas avec l’intérêt général de la collectivité, de sorte qu’il convient de retenir que ladite association n’empiète pas sur les attributions des autorités étatiques, administratives et répressives, auxquelles est réservé la défense de l’intérêt général, et défend un intérêt corporatif caractérisé suffisant à lui donner un intérêt à agir.

La société S. dénie finalement un intérêt à agir aux demandeurs personnes physiques qui, en tant qu’utilisateurs de la plate-forme ULM sise à Medernach, devraient non seulement prouver qu’ils sont titulaires d’une licence de pilotage, mais encore qu’ils utiliseraient concrètement ladite plate-forme en tant que pilotes, d’autant plus qu’ils resteraient en défaut de prouver « la pratique assidue du sport ULM en général » et l’utilisation régulière de la plate-forme à Medernach, au lieu-dit « Im Kitzebour » en particulier.

Les demandeurs personnes physiques entendent justifier leur intérêt à agir en soutenant qu’ils seraient utilisateurs de ladite plate-forme ULM directement adjacente aux parcelles où l’établissement litigieux sera exploité.

Force est de constater que suivant décision du 23 septembre 1987, le ministre des Transports a autorisé l’association A. à utiliser le lieu-dit « Im Kitzebour » comme plate-

forme pour aéronefs ultra légers motorisés et que suivant décision du même ministre du 16 juin 1988 l’exploitation de ladite plate-forme a pu débuter avec effet immédiat, de sorte que le tribunal est amené à retenir que seuls les membres de ladite association et titulaires pour le surplus d’une licence de pilotage justifient d’un intérêt suffisant à agir, sans que cependant la preuve de l’utilisation concrète de ladite plate-forme ne doive être rapportée. En effet, cette exigence de preuve est superflue, étant donné que la qualité de membre de l’association A., ensemble la détention d’une licence de pilotage, suffit à documenter dans le chef d’un membre la possibilité à utiliser la plate-forme litigieuse lui donnant un intérêt suffisant à agir à l’encontre de la décision entreprise.

Au vu des pièces versées au dossier, seuls Messieurs …, … et … rapportent la preuve qu’ils sont membres de l’association A. et titulaires d’une licence de pilotage d’aéronefs ultra légers motorisés, tandis que les autres demandeurs personnes physiques ont seulement documenté leur qualité de membre respectivement de membre du conseil d’administration de ladite association.

Le tribunal est partant amené à retenir que Messieurs …, … et … justifient d’un intérêt suffisant à agir à l’encontre de l’arrêté ministériel litigieux en leur qualité d’utilisateurs de la plate-forme ULM sise au lieu-dit « Im Kitzebour » à Medernach, tandis que les autres demandeurs n’ont pas justifié pareil intérêt, la simple qualité de membres d’une association n’étant pas suffisante à cet égard.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg de son côté conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs personnes physiques, au motif que l’intérêt allégué par lesdits demandeurs engloberait uniquement un intérêt « sécurité » à l’exclusion d’un aspect « protection de l’environnement » et que, au regard de la répartition des compétences ministérielles consacrées par la législation sur les établissements classés, les personnes physiques auraient certes un intérêt à agir quant à l’autorisation du ministre ayant le travail dans ses attributions, mais « en qualité d’utilisateur et de pilote », ils n’auraient pas un intérêt à agir contre une autorisation ayant notamment pour but « la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et les vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie et la prévention et la gestion des déchets », d’autant plus qu’ils ne seraient pas des voisins proches de l’établissement et que la qualité de locataire de terrains dans les alentours immédiats de l’établissement projeté serait contestée, « faute de pièces versées à l’appui ».

Ledit moyen d’irrecevabilité laisse cependant d’être fondé, étant donné que l’intérêt allégué des demandeurs personnes physiques, qui, en tant que utilisateurs de la plate-forme ULM située dans les alentours proches du parc éolien autorisé, se soucient des inconvénients pouvant résulter pour eux des deux éoliennes autorisées, en ce qu’elles impliqueraient une situation anormale de risques d’accident graves du fait d’un prétendu non-respect des règles applicables en matière d’établissements classés, c’est-à-dire que les demandeurs allèguent des risques de préjudices nettement individualisés suffisamment personnels, légitimes, directs et actuels pour leur conférer un intérêt à agir. Il s’agit de relever encore que la question du bien-fondé des reproches invoqués ne concerne pas la recevabilité du recours, mais relève de l’examen au fond de l’affaire.

Concernant le fond du litige, force est cependant de constater que ni la F., ni Messieurs …, … et … se plaignent d’une quelconque nuisance concrète en rapport avec l’exploitation future du parc éolien tirée de la réglementation spécifique relative aux établissements classés dans son aspect de protection de l’environnement, seul visé par l’arrêté ministériel entrepris, étant rappelé que le ministre de l’Environnement a uniquement compétence pour examiner l’impact de l’établissement litigieux du point de vue de la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et les vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie et la prévention et la gestion des déchets.

En effet, dans le cadre de leur recours, les demandeurs restent en défaut d’invoquer le moindre argument tiré de la réglementation spécifique relative aux établissements classés dans son aspect de protection de l’environnement, et insistent uniquement sur les risques engendrés par les éoliennes au niveau de leur sécurité, en affirmant que lesdites éoliennes empièteraient sur le circuit d’intégration des ULM, respectivement seraient des obstacles insurmontables par rapport au circuit d’atterrissage, aspects que le ministre du Travail est amené à prendre en considération au moment de la délivrance de son autorisation d’exploitation sur base de la loi de 1999.

Au vu de ce qui précède, le recours introduit est à rejeter pour manquer de fondement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

le déclare irrecevable dans le chef de l’association sans but lucratif A., de Monsieur …, de Monsieur …, de Monsieur …, de Monsieur …, de Monsieur … et de Monsieur … ;

le déclare recevable pour le surplus ;

au fond, le déclare cependant non fondé ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 14 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19103
Date de la décision : 14/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-14;19103 ?

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