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13/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19995

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2005, 19995


Tribunal administratif N° 19995 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2005 Audience publique du 13 juillet 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19995 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2005 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Labé (Conakry/Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant ...

Tribunal administratif N° 19995 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2005 Audience publique du 13 juillet 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19995 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2005 par Maître Gilles PLOTTKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Labé (Conakry/Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 avril 2005 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, telle que cette décision a été confirmée par le même ministre le 24 mai 2005, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Radu DUTA, en remplacement de Maître Gilles PLOTTKE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 7 mars 2005, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut encore entendu le 14 mars 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 25 avril 2005, envoyée le lendemain par lettre recommandée, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

La décision ministérielle est motivée comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 mars 2005 et le rapport d’audition de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 mars 2005.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 7 mars 2005 que vous auriez quitté Conakry par bateau en février 2005 à l’aide d’un marin blanc. Vous ignorez dans quel port européen le bateau aurait accosté le 4 mars 2005. Par la suite, le marin vous aurait acheté un billet de bus pour le Luxembourg, où vous seriez arrivé le 5 mars 2005 après 3 heures de trajet. Le dépôt de votre demande d’asile date du 7 mars 2005. Vous ne présentez aucune pièce d’identité.

Il résulte de vos déclarations que le 20 janvier 2005 vous auriez provoqué un accident de la circulation par excès de vitesse, tuant ainsi une personne. Vous auriez été arrêté par la garde républicaine sur base d’un mandat d’arrêt établi par un juge et emprisonné dans la Maison centrale de Labé. Vous dites avoir été battu par la garde républicaine lors de votre séjour en prison. Vous devriez être jugé en mars 2005, mais grâce à l’intervention de votre oncle, officier général, vous seriez sorti de prison après 20 jours. Il vous aurait emmené en voiture de Labé à Conakry où le lendemain vous auriez pris un bateau pour l’Europe.

Vous ajoutez que la famille de la victime, famille riche et connue voudrait se venger de vous en vous tuant. En cas de retour en Guinée, vous avez peur de vous faire tuer par cette famille influente. Vous dites qu’il n’y aurait pas de démocratie en Guinée.

Enfin, vous ne faites pas état de persécutions ou d’autres problèmes. Vous ne seriez pas membre d’un parti politique.

Il y d’abord lieu de soulever qu’il est peu probable que vous ne sachiez pas dans quel port le bateau aurait accosté, alors que vous auriez été accompagné par un marin et que vous auriez été en possession d’un billet de bus sur lequel figure nécessairement le lieu de départ.

Il est donc peu probable qu’à aucun moment vous n’auriez su où vous auriez accosté.

Quoi qu’il en soit, force est de constater que vous ne faites pas état de persécutions dans votre pays d’origine et que votre demande ne correspond à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève. En effet, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demander d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Le fait que vous auriez été arrêté et emprisonné parce que vous auriez causé la mort d’une personne lors d’un accident de moto, fait que vous ne niez d’ailleurs pas, ne saurait constituer un acte de persécution et fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique car il ne rentre très clairement pas dans le cadre de la Convention de Genève. Votre peur de vous faire tuer par la famille de la victime ne saurait également pas fonder une demande d’asile, d’autant plus que cette dernière ne saurait être considérée comme agent de persécution au sens de la prédite Convention.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est manifestement pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 18 mai 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 24 mai 2005.

Par requête déposée le 24 juin 2005, M. … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 25 avril et 24 mai 2005.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, M. … reproche au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir retenu à tort qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, alors que tel aurait été le cas, dans la mesure où, admettant avoir causé un accident de la circulation dans lequel un piéton aurait trouvé la mort, il risquerait de subir les actes de vengeance de la richissime famille de la victime. Dans cet ordre d’idées, il conteste un fonctionnement démocratique et loyal des institutions de son pays et soutient avoir été arrêté et brutalisé par les forces de l’ordre, qui auraient agi à la demande de la famille de la victime, et expose risquer d’être condamné à une peine disproportionnée par rapport à la gravité des faits qui lui sont imputables.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisse d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 14 mars 2005, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, il s’en dégage clairement que le départ du demandeur de son pays d’origine et ses craintes à l’égard des actes de vengeance émanant, directement ou indirectement, de la famille de la victime d’un accident de la circulation, qu’il admet avoir causé en raison d’un excès de vitesse, ne sont pas empreints d’un quelconque des critères de fond prévus par la Convention de Genève. S’y ajoute que les membres de la famille de la victime, c’est-à-dire de simples personnes privées, ne sauraient être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et il n’est pas établi en cause que les autorités policières ou judiciaires de son pays commettraient, encourageraient voire toléreraient des exactions à l’encontre du demandeur pour un des motifs prévus par la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le demandeur reste en défaut de faire état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de sorte que c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a déclaré sa demande d’asile manifestement infondée, le recours en annulation étant partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation dans la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 13 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19995
Date de la décision : 13/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-13;19995 ?

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