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13/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19722

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2005, 19722


Tribunal administratif Numéro 19722 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19722 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, né le … à Kiawa (Libéria), de nationalité libérienne, demeurant actuellement ...

Tribunal administratif Numéro 19722 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19722 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Kiawa (Libéria), de nationalité libérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 janvier 2005, lui refusant une autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg, telle que cette décision a été confirmée par décision dudit ministre du 9 mars 2005 rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Nicky STOFFEL au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie.

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Suite à l’introduction d’une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, le ministre de la Justice refusa ladite demande par décision du 28 novembre 2003.

Un recours contentieux exercé contre ladite décision de refus fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 24 juin 2004, confirmé par arrêt de la Cour administrative du 25 novembre 2004.

Par courrier du 7 janvier 2005 à l’adresse du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre », Monsieur …, formula, par l’intermédiaire de son conseil juridique une demande en obtention d’une autorisation de séjour, en relevant le fait qu’il serait disposé « à accepter n’importe quel genre d’emploi pour lui permettre de subvenir à ses besoins et pour pouvoir s’intégrer au mieux au Luxembourg ».

Par courrier du 18 janvier 2005 à l’adresse du ministre, le demandeur formula de nouveau par l’intermédiaire de son conseil juridique une deuxième demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, au motif que sa sécurité ne serait pas garantie au Nigéria (sic).

Par décision du 25 janvier 2005, le ministre informa le mandataire de Monsieur … que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Maître, J’ai l’honneur de me référer à votre demande d’autorisation de séjour du 07 janvier 2005, en faveur de Monsieur ….

Je suis cependant amené à constater que votre mandant ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater que votre mandant ne fait pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande ».

Suite à un recours gracieux du 25 février 2005 à l’encontre de la décision ministérielle précitée, le ministre confirma le 9 mars 2005, à défaut d’éléments pertinents nouveaux, sa décision initiale du 25 janvier 2005.

Par requête déposée le 25 avril 2005, Monsieur … introduisit un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des décisions ministérielles de refus des 25 janvier et 9 mars 2005.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation des décisions critiquées.

Le recours subsidiaire en annulation est pour sa part recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que les besoins humanitaires et l’insécurité resteraient importants au Libéria et que de véritables poches d’insécurité demeureraient dans son pays d’origine, notamment dans le Nord-Ouest du pays. Pour le surplus, la nourriture resterait un problème pour une majorité de libériens qui n’auraient toujours pas accès au minimum vital et que le pays serait totalement à reconstruire. A cela s’ajouterait qu’il n’aurait plus de relations avec sa famille, qu’il aurait réussi à s’intégrer parfaitement au Luxembourg depuis plus de 2 ans, qu’il parlerait les langues du pays et qu’il accepterait n’importe quel travail pour subvenir personnellement à ses besoins, de sorte qu’il y aurait lieu de lui accorder l’autorisation de séjour sollicitée.

Le délégué du gouvernement relève que les arguments invoqués à l’appui du recours concerneraient en premier lieu la sécurité au Libéria et les problèmes humanitaires qui y subsisteraient. Or, dans le cadre de son jugement du 24 juin 2004, le tribunal administratif aurait examiné la situation au Libéria et serait arrivé à la conclusion que l’octroi du statut de réfugié ne se justifierait pas, de sorte qu’on ne saurait dans le cadre d’une demande en autorisation de séjour revenir sur les arguments en rapport avec la sécurité au Libéria pour demander de pouvoir rester au Grand-Duché de Luxembourg. Si l’article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère prévoit qu’un étranger ne saurait être expulsé ou rapatrié dans un pays où sa vie ou sa liberté serait gravement menacées ou s’il y serait exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ou encore à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, le demandeur resterait toutefois en défaut de prouver qu’en cas de retour au Libéria il s’exposerait à de telles menaces pour sa vie ou sa sécurité et la situation au Libéria, certes précaire, ne justifierait pas l’octroi d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste encore sur le fait que la totalité du système électrique au Libéria aurait été détruit en 1990 au début de la guerre civile, de sorte que la population dépendrait de générateurs privés et que les tuyaux de distribution de l’eau seraient à tel point vétustes que l’eau ne pourrait être considéré comme potable.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Force est au tribunal de constater que les décisions critiquées sont fondées sur le fait, non utilement contesté en cause, que le demandeur ne dispose pas de moyens d’existence personnels, de sorte que le ministre a valablement pu lui refuser l’autorisation de séjour en se fondant sur le prédit motif.

En ce qui concerne les raisons, qualifiées d’humanitaires, et avancées à un deuxième stade dans la demande du 18 janvier 2005 aux fins de justifier l’obtention de l’autorisation de séjour sollicitée, il y a lieu de constater en premier lieu que la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, ne comporte aucune disposition imposant, voire prévoyant l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Si l’article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, prévoit certes qu’un étranger ne saurait être expulsé ou rapatrié dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient gravement menacées ou s’il y serait exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ou encore à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les motifs tels qu’avancés par le demandeur, relatifs à une certaine insécurité dans les zones les plus reculées du Libéria, à un certain climat d’insécurité, à l’absence de système électrique ou encore au problème de distribution d’eau, ne sauraient suffire pour justifier l’octroi d’une autorisation de séjour sur base notamment de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pour le surplus, il convient encore d’ajouter que la situation au Libéria avait déjà été examinée par le tribunal dans le cadre de son jugement du 24 juin 2004 rejetant la demande en obtention du statut de réfugié du demandeur, jugement dans lequel le tribunal avait retenu une évolution positive de la situation générale au Libéria et l’absence d’éléments quelconques de nature à étayer un risque concret de recrudescence des violences à l’initiative des forces rebelles.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé et le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande principale en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 13 juillet 2005, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19722
Date de la décision : 13/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-13;19722 ?

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