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13/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19624

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2005, 19624


Tribunal administratif Numéro 19624 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19624 du rôle et déposée le 7 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e Monsieur …, né le … à Bijelo-Polje (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalit...

Tribunal administratif Numéro 19624 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19624 du rôle et déposée le 7 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Bijelo-Polje (Monténégro/Etat de Serbie-et-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant à L-

…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 janvier 2005, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour lui a été refusée, et à l’encontre de la décision confirmative dudit ministre du 9 mars 2005 rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie.

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En date du 14 janvier 2005, Monsieur …, par le biais de son mandataire, introduisit auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommée le « ministre », une demande en obtention d’une autorisation de séjour en invoquant le droit au regroupement familial avec son frère Monsieur Samir ….

Par décision du 25 janvier 2005, le ministre refusa d’octroyer l’autorisation de séjour sollicitée, décision qui est de la teneur suivante :

« (…) Je suis cependant amené à constater que votre mandant ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Le regroupement familial est limité aux ascendants et aux descendants mineurs à charge.

Par ailleurs, je suis amené à constater que votre mandant ne fait pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande (…) ».

Suite à un recours gracieux de Monsieur … du 25 février 2005, le ministre, par décision du 9 mars 2005, confirma sa décision initiale « à défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 25 janvier et 9 mars 2005.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas adm. 2004, V° Recours en réformation, n° 5 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation des décisions critiquées.

Le recours en annulation, non autrement contesté, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … soutient que les décisions critiquées violeraient l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce qu’elles ne reconnaissent pas le droit au regroupement familial avec son frère, Monsieur Samir …, n’aurait pas été reconnu en sa faveur. Dans ce contexte, il estime qu’ « une famille existe au-delà de la cellule fondamentale que constituent les parents et enfants mineurs, chaque fois qu’il y a des liens de consanguinité suffisamment étroits » et que le ministre aurait seulement dû vérifier la préexistence à l’immigration d’une vie familiale effective pour ensuite lui accorder le droit au séjour, afin de lui permettre de « reconstituer son unité familiale ». Comme en l’espèce la cohabitation avec son frère ne poserait pas de problèmes, ce qui serait démontré par le fait qu’il résiderait auprès de ce dernier depuis sa venue au Luxembourg, et que son frère serait également disposé à le prendre en charge financièrement et comme, pour le surplus, il serait disposé à accepter « n’importe quel emploi pour prouver au gouvernement luxembourgeois qu’il peut survivre par ses propres moyens légaux », il conviendrait de lui accorder l’autorisation de séjour sollicitée.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre a fait une saine appréciation de la situation du demandeur.

Il relève en premier lieu qu’en date du 19 décembre 2001, Monsieur … aurait introduit auprès du ministère de la Justice une demande en obtention du statut de réfugié, mais que ledit statut lui aurait été refusé suivant décision du 14 juin 2002 et qu’un recours gracieux introduit contre ladite décision aurait été rejeté par décision du 19 décembre 2002. Or, malgré ce refus, le demandeur n’aurait pas quitté le territoire national, mais aurait fait introduire une demande en vue d’obtenir une autorisation de séjour sur base du regroupement familial avec son frère qui habiterait depuis plus de 10 ans au Luxembourg.

Dans ce contexte, le représentant étatique souligne que le demandeur n’aurait pas vécu avant son départ de son pays d’origine avec son frère, mais avec ses parents et avec un autre frère qu’il aurait laissés au Monténégro, de sorte qu’il ne saurait utilement invoquer un droit de pouvoir vivre ensemble avec son frère aîné au Luxembourg. En effet, la garantie du respect de la vie privée et familiale ne comporterait pas le droit de choisir l’implantation géographique de la vie familiale et ne s’appliquerait qu’à une vie familiale effective, c’est-à-dire caractérisée par des relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres et existante, voire préexistante à l’entrée sur le territoire national et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne garantirait pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale.

Finalement, le délégué du gouvernement rappelle que l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ;

3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère exigerait la preuve par l’étranger de moyens d’existence personnels et une déclaration de prise en charge signée par un tiers ou un membre de la famille ne saurait suppléer à cette preuve de moyens d’existence personnels.

Il échet de retenir en premier lieu que le ministre a pu se baser sur un défaut de moyens personnels propres au moment de la prise des décisions litigieuses pour justifier son refus. En effet, l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour », impliquant qu’un refus d’entrée et de séjour au pays peut être décidé notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (cf. trib. adm.

17 février 1997, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 146 et autres références y citées), étant précisé qu’une aide financière apportée à un demandeur d’une autorisation de séjour par un membre de la famille, en l’occurrence l’aide apportée par le frère du demandeur, ne saurait être considérée comme moyens personnels (cf. trib. adm. 9 juin 1997, n° 9781 du rôle, Pas. adm. 2004, V° Etrangers, n° 147 et autres références y citées) et qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis au tribunal que Monsieur … disposait au moment de la prise des décisions critiquées d’un quelconque moyen personnel susceptible de lui permettre de subvenir à ses besoins personnels au pays, étant relevé qu’il ne disposait pas non plus d’un permis de travail émis par l’autorité compétente, de sorte qu’il n’était pas non plus autorisé à s’adonner à une activité salariée au Luxembourg.

Il y a cependant lieu d’examiner encore le moyen du demandeur basé sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-

être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

En l’espèce, force est de constater en premier lieu qu’il n’appert pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal qu’antérieurement à l’immigration du demandeur au Luxembourg au mois de décembre 2001, une vie familiale effective ait existé entre lui et son frère, qui, d’après les informations non contredites du délégué du gouvernement, habite au Luxembourg depuis plus de 10 ans, alors que lui-même a résidé dans son pays d’origine avec ses parents et un autre frère. Ainsi, force est de constater que l’existence respectivement la préexistence d’une vie familiale effective entre le demandeur et son frère n’est pas établie et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est dès lors pas applicable en l’espèce.

De tout ce qui précède, il convient de conclure que le recours en annulation est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 13 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19624
Date de la décision : 13/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-13;19624 ?

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