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13/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19478

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2005, 19478


Tribunal administratif N° 19478 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’employés de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 19478 et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2005 par Maître Roland MICHEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, … , demeurant à L-…, ten

dant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du mi...

Tribunal administratif N° 19478 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mars 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’employés de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 19478 et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2005 par Maître Roland MICHEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, … , demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 27 juillet 2004 confirmée le 6 décembre 2004 refusant de faire droit à sa demande de se voir supprimer rétroactivement sa période de stage ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 23 mai 2005 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Roland MICHEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 juillet 2005.

Madame … fut engagée comme chargée de cours au Lycée technique du Centre, régime préparatoire, avec effet à partir du 15 septembre 1994. Par arrêté du 12 janvier 1995, le ministre de la Fonction publique la classa au grade E2 dans la carrière du chargé de cours.

Le 7 février 2000, Madame … s’adressa au ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en lui soumettant une demande en suppression de stage fondée sur l’expérience professionnelle acquise avant son entrée au service de l’Etat.

Le 19 octobre 2000, le ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative transmit au ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports un avis de l’administration du personnel de l’Etat déclarant se rallier à cet avis. Ledit avis précisa que l’administration du personnel de l’Etat ne peut marquer son accord avec la suppression de stage sollicitée.

Le 2 janvier 2001, Madame … saisit le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative d’un recours gracieux dirigé à l’encontre de la décision prise en date du 19 octobre 2000.

Le 12 mars 2001, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative transmit au ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports l’avis de l’administration du personnel de l’Etat daté du 7 mars 2001, confirmant l’avis précédant, déclarant se rallier à cet avis Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 juillet 2001, Madame … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions sus-visées.

Par un jugement du 10 janvier 2002 (n° 13696 du rôle) le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme mais le déclara non justifié au fond. Ce jugement fut confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 30 avril 2002 (n° 14540C du rôle).

Le 23 avril 2003, Madame …, en rappelant sa demande initiale du 7 février 2000, réitéra, à l’attention du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, sa demande en suppression de stage en précisant : « étant donné que selon mes informations des cas semblables au mien auraient été réglés à la satisfaction des intéressés au cours des dernières années, je me permets de solliciter un réexamen de ma situation … ».

Cette demande fut transmise le 13 mai 2004 par le ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports au secrétaire d’Etat à la Fonction publique et à la Réforme administrative pour demande d’avis.

Le 13 juillet 2004, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative transmit au ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports l’avis de l’administration du personnel de l’Etat, tout en précisant qu’il se rallie audit avis.

L’avis de l’administration du personnel de l’Etat daté du 24 juin 2004 a la teneur suivante :

« Je tiens à vous informer que le dossier de Mme … ne contient pas d’éléments nouveaux. Par conséquent, je ne puis marquer mon accord avec l’octroi d’une suppression de stage en faveur de l’intéressée ».

Une décision du ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports semble avoir été adressée à Madame … en date du 27 juillet 2004.

Le 27 octobre 2004, le mandataire de Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le 6 décembre 2004, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle fit parvenir au mandataire de Madame … une décision libellée comme suit :

« J’accuse bonne réception de votre courrier en date du 27 octobre 2004 dans l’affaire émargée.

Je tiens par la présente à vous informer que je me vois dans l’impossibilité de procéder à une suppression rétroactive de la période de stage de Madame …, étant donné que selon les dispositions de l’article 4, paragraphe b) du règlement du Gouvernement en conseil du 26 août 1988 fixant le régime des indemnités des chargés de cours des établissements d’enseignement postprimaire publics qui dépendent du Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse, repris par le règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 fixant le régime des indemnités des chargés de cours a) des établissements d’enseignement postprimaire publics b) des établissements d’enseignement primaire et préscolaire publics, les décisions relatives à la réduction ou suppression de la période de stage ne peuvent être prises que sur avis conforme du Ministre de la Fonction publique.

Or, cet avis conforme faisant défaut, je ne puis faire droit à la demande de votre mandante.

Sous réserve de l’autorité de chose jugée, je vous informe que la présente décision est susceptible d’un recours pouvant être intenté par le ministère d’avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente devant le Tribunal administratif de et à Luxembourg ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2005, Madame … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 27 juillet 2004 confirmée le 6 décembre 2004 refusant de faire droit à sa demande de se voir supprimer rétroactivement sa période de stage en tant que chargée de cours.

En vertu de l’article 11, paragraphe 1 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond.

Le litige sous examen se meut dans le cadre plus général des contestations relatives à la reconstitution de la carrière des employés de l’Etat conditionnant la fixation de l’indemnité leur revenant, c’est-à-dire que le litige touche à la fois au contrat d’emploi et à la rémunération de la demanderesse, de sorte qu’y relativement un recours de pleine juridiction est ouvert conformément à l’article 11, paragraphe 1 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat.

Il s’ensuit que le recours en annulation formé à titre subsidiaire est par voie de conséquence irrecevable.

Quant au recours, en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision du ministre de l’Education nationale du 27 juillet 2004, force est au tribunal de constater que la décision litigieuse du 27 juillet 2004 ne figure ni parmi les pièces déposées, ni n’a-t-elle été versée en cours de procédure par une des parties au litige.

Cependant aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « la décision critiquée doit figurer parmi les pièces versées, si le demandeur en dispose ; si tel n’est pas le cas, elle est à verser en cours de procédure par celui qui en est détenteur ».

S’il est exact que la décision critiquée doit en principe figurer parmi les pièces versées afin que la juridiction saisie puisse pleinement exercer son pouvoir de contrôle, le non-respect de cette exigence, à défaut de production de la décision par une des parties en cause, n’entraîne pas nécessairement l’irrecevabilité du recours, à condition que l’exercice du contrôle de la juridiction saisie soit par ailleurs pleinement garanti1. Cependant en l’espèce le défaut de produire la décision litigieuse du 27 juillet 2004 met le tribunal dans l’impossibilité de contrôler le bien-fondé de la décision prise, de sorte que le recours, en ce qu’il est dirigé à l’encontre de cette décision, est irrecevable.

Quant au recours, en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision du ministre de l’Education nationale du 6 décembre 2004, le délégué du Gouvernement soulève son irrecevabilité au motif qu’il y aurait autorité de chose jugée, étant donné que les juridictions administratives auraient déjà tranché la même demande par les jugement du 10 janvier 2002 et arrêt du 30 avril 2002 cités ci-avant.

L’autorité de la chose jugée présuppose la triple identité de cause, d’objet et des parties et s’attache au dispositif d’une décision judiciaire, ensemble les motifs la sous-tendant directement2.

L’objet de la demande consistant dans le résultat que le plaideur entend obtenir est celui circonscrit dans le dispositif de la requête introductive d’instance, notamment par rapport aux actes ou décisions critiqués à travers le recours 3.

Il y a donc lieu de vérifier si deux recours, celui introduit en 2001 et celui introduit en 2005, sont adressés à l’encontre de la même décision.

Le recours tel qu’il a été introduit en 2001 sous le numéro du rôle 13696 était dirigé à l’encontre des décisions du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et du directeur de l’administration du personnel de l’Etat et ce plus précisément à l’encontre d’une « prise de position du Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative du 19 octobre 2000 refusant de marquer son accord à la demande de suppression du stage » formulée par la demanderesse et d’« une décision du 7 mars 2001 du Directeur de l’Administration du Personnel de l’Etat, à laquelle s’est rallié le 12 mars 2001 pour le Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative le secrétaire d’Etat, portant qu’en raison de la non rétroactivité des actes administratifs, l’Administration du Personnel de l’Etat ne peut accorder la suppression de stage sollicitée ».

1 Cf. TA 15 juillet 2002, Pas. adm. 2004, Procédure contentieuse, n° 211, p. 595.

2 Cf. TA 24 octobre 2001, n° 13634 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure contentieuse, n° 273, p. 500.

3 Cf. TA 8 octobre 2003, Pas. adm. 2004, Procédure contentieuse, n° 167, p. 587.

Le recours introduit actuellement sous le numéro du rôle 19478 est en revanche adressé à l’encontre d’une décision prise par le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en date du 6 décembre 2004.

Il y a dès lors lieu de constater que le recours n’est pas adressé à l’encontre de la même décision formelle, quelle que soit la similitude de leurs objets, de sorte que les conditions inhérentes à l’autorité de la chose jugée ne sont pas remplies en l’espèce. Il s’ensuit que le moyen tendant à voir déclarer le recours irrecevable au motif de l’autorité de la chose jugée est à écarter pour être non fondé.

Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délais légaux.

A l’appui de son recours, Madame … soumet deux questions au tribunal, lesquelles n’ont pas été abordées ni tranchées par le tribunal administratif dans le jugement précédent du 10 janvier 2002.

En premier lieu, elle fait valoir que d’autres chargés de cours, qui étaient dans la même situation qu’elle-même, auraient profité de la suppression du stage et en conséquence d’une amélioration de leur carrière, traitement qui lui serait refusé. Elle demande dès lors l’abolition rétroactive de la période de stage en vertu du principe de l’égalité des citoyens devant la loi au motif qu’il serait inadmissible qu’une personne soit traitée différemment de toutes les autres personnes dans la même situation. Elle précise que les autres stagiaires bénéficiant d’une ancienneté de travail égale ou supérieure à 10 ans n’auraient pas dû prester de stage et ceux qui avaient commencé à effectuer leur période de stage ou l’avaient terminée se seraient vus rétroactivement reclasser comme si cette période de stage n’avait pas été effectuée.

Pour que le principe de l’égalité des citoyens devant la loi puisse jouer, il faut que la situation dans laquelle se trouvent les personnes concernées soit identique.

Cependant en l’espèce Madame … reste en défaut de soumettre au tribunal ne fût-ce qu’un seul cas concret duquel il résulterait qu’une personne s’étant trouvée dans la même situation de fait et de droit qu’elle-même aurait bénéficié d’une suppression de stage.

Pour le surplus, le délégué du Gouvernement précise que s’il était vrai que certaines personnes ont bénéficié d’une réduction de stage en raison de leur pratique professionnelle antérieure à leur entrée en service, ces personnes auraient, d’une part, introduit une demande en ce sens et, d’autre part, introduit cette demande à une époque où leur période de stage n’était pas encore révolue.

Ces éléments de fait sont encore corroborés par un courrier émanant du ministre de l’Education nationale adressée en date du 13 mai 2004 au secrétaire d’Etat à la Fonction publique et à la Réforme administrative énonçant que : « S’il est vrai que de nombreuses décisions de réduction, voire de suppression de stage, ont été prises avec effet rétroactif, le cas de Madame …, qui sollicite la suppression alors que la période de stage est écoulée et la carrière reconstituée, semble être sans précédent ».

Etant donné dès lors que cette prétendue inégalité de traitement ne se trouve pas vérifiée en fait, le moyen ainsi soulevé est à écarter.

En deuxième lieu Madame … soulève un manquement de l’Etat à son obligation d’information et estime que sa responsabilité contractuelle se trouverait engagée en ce qu’il aurait dû, au vu des pièces lui soumises au moment de sa candidature, l’informer de son droit d’obtenir une décharge de l’obligation de stage.

En ce qui concerne le deuxième moyen soulevé par Madame …, force est de constater que le tribunal administratif n’est pas compétent pour se prononcer sur un éventuel non-

respect de l’obligation d’information incombant à l’Etat et sur une éventuelle mise en cause de sa responsabilité, pouvant le cas échéant donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts, étant donné que cette question a trait à une contestation qui a pour objet des droits civils laquelle est exclusivement du ressort des tribunaux en application de l’article 84 de la Constitution.

Il s’ensuit que ce moyen est également à écarter.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours n’est fondé dans aucun de ses moyens et doit dès lors être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable:

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juillet 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19478
Date de la décision : 13/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-13;19478 ?

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