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13/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19417

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2005, 19417


Tribunal administratif N° 19417 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er mars 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature et de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19417 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2005 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , demeurant à L-…, ten

dant à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 21 janvier 2005 p...

Tribunal administratif N° 19417 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er mars 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature et de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19417 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2005 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 21 janvier 2005 portant refus de sa demande d’autorisation du 23 novembre 2004 en vue du placement d’un chalet en bois sur un fonds sis à Schwebsange, au lieu-dit « om Gréin », inscrit au cadastre de la commune de Wellenstein, section C de Schwebsange, sous les numéros 740/1480, 740/1481 et 741 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Aurore GIGOT, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, en ses explications à l’audience publique du 27 juin 2005.

Vu la visite des lieux du 8 juillet 2005 à l’issue de laquelle l’affaire a été prise en délibéré.

Par courrier du 23 novembre 2004 Monsieur … s’adressa au ministre de l’Environnement afin de solliciter l’autorisation de placer « un chalet en bois de +/_ 25 m2 sans fixation au sol par maçonnerie ou béton c.à.d. à tout moment mobile (…)», tout en spécifiant que le terrain devant accueillir la nouvelle construction est situé à Schwebsange, au lieu-dit « om Gréin », inscrit au cadastre de la commune de Wellenstein, section C de Schwebsange, sous les numéros 740/1480, 740/1481 et 741.

Cette demande d’autorisation fut rejetée par décision du ministre de l’Environnement du 21 janvier 2005, pour les motifs suivants :

« Monsieur, En réponse à votre requête du 23 novembre 2004 par laquelle vous sollicitez l’autorisation d’ériger un chalet sur un fonds sis au lieu-dit « om Gréin », inscrit au cadastre de la commune de Wellenstein, section C de Schwebsange, sous les numéros 741, 740/1480 et 740/1481, j’ai le regret de vous informer que la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ne m’habilite pas à y réserver une suite favorable.

En effet, les fonds destinés à recevoir la construction font partie de la zone tampon de la zone protégée « Taupeschwues » où toute nouvelle construction et toute reconstruction sont interdites.

Dans le même ordre d’idées, je vous invite à enlever le chemin d’accès récemment aménagé par vos soins. Le réaménagement définitif du terrain devra être achevé dans un délai d’ici trois mois, faute de quoi l’administration des Eaux et Forêts dressera procès-verbal.

La présente décision est susceptible d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, recours qui doit être intenté dans les trois mois de la notification par requête signée d’un avocat.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.(…) » Par requête déposée en date du 1er mars 2005, inscrite sous le numéro 19417 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle prérelatée du 21 janvier 2005.

Il y a lieu de relever d’abord que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal bien que la requête introductive ait été valablement notifiée par la voie du greffe au délégué du Gouvernement en date du 2 mars 2005. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Conformément aux dispositions de l’article 58 de la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles un recours au fond est prévu à l’encontre des décisions du ministre de l’Environnement statuant en vertu de ladite loi, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Quant au fond le demandeur fait valoir que le chemin litigieux existerait depuis plus de 25 ans et qu’il n’aurait pas entrepris de travaux contraires au règlement grand-

ducal du 2 mars 1998 relatif à la zone protégée « Haff Reimech ».

En ce qui concerne le chalet, il estime que celui-ci ne serait pas une construction au sens de la loi dans la mesure où le chalet ne serait pas ancré au sol, et serait par conséquent « en réalité un abri parfaitement mobile non prohibé par le règlement précité ».

Force est au tribunal de constater de prime abord que le courrier du 21 janvier 2005 lui déféré comporte deux points distincts, le premier portant refus de l’autorisation sollicitée en vue de l’installation d’un chalet en bois, et le second portant invitation à supprimer un chemin aménagé illégalement.

En ce qui concerne la question du chemin litigieux, il y a lieu de rappeler qu’un acte émanant d'une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l'intention de l'autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifier d'acte de nature à faire grief, c'est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l'acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n'est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l'objet d'un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief (trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286, Pas. adm. 2004, v° Actes administratifs, n° 4, p.15).

Afin de clarifier si le courrier litigieux du 21 janvier 2005 invitant le requérant – en ce qui concerne le chemin litigieux – à remettre celui-ci en pristin état constitue une décision de nature à faire grief, force est de constater que l’article 65 alinéa 6 de la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles dispose que « le juge ordonne, aux frais des contrevenants, le rétablissement des lieux dans leur état antérieur chaque fois qu’une infraction aux dispositions de la présente loi, à ses règlements d'exécution ainsi qu’aux mesures prises en vertu desdites dispositions légales et réglementaires a été commise. Le jugement de condamnation fixe le délai, qui ne dépasse pas un an, dans lequel le condamné a à y procéder. Il peut assortir l'injonction d’une astreinte dont il fixe le taux et la durée maximale. Cette astreinte court à partir de l’expiration du délai fixé pour le rétablissement des lieux jusqu’au jour où le jugement a été complètement exécuté ».

Il découle de cette disposition légale que le juge judiciaire est seul compétent pour ordonner la suppression de constructions érigées illégalement et la remise en pristin état d’un site, laquelle constitue non pas une peine mais un mode particulier de réparation ou de restitution destiné à mettre fin à une situation contraire à la loi résultant de l’infraction et nuisant à l’intérêt public (Cour cass. 9 janvier 1992, Pas. 28, p. 182), de manière que cette attribution échappe dans cette mesure à la fois au ministre de même qu’au tribunal administratif saisi dans le cadre d’un recours contentieux.

Cependant, à un stade précontentieux, il est admis que le ministre compétent invite un administré à enlever un aménagement réalisé sans autorisation avec comme conséquence la remise des lieux en leur pristin état, cette invitation pouvant comme en l’espèce, revêtir la forme d’une sommation assortie de délais, proportionnée à la gravité apparente de la situation en fait, du moment qu’il appert que cette invitation est un préalable à des poursuites judiciaires que l’administration envisage d’entamer afin d’obtenir la condamnation de l’auteur de l’infraction à l’exécution des mesures prévues par l’article 65 alinéa 6 précité. Une telle invitation ne constitue pas une décision autonome de nature à faire grief, étant donné qu’elle n’a pas pour effet de créer à charge de l’administré concerné une nouvelle obligation dans la mesure où l’illégalité des travaux exécutés découle des dispositions afférentes où l’obligation légale de la suppression des travaux illégaux ne peut découler que d’un jugement. Une telle invitation doit plutôt être considérée comme mesure d’exécution préliminaire de l’arrêté de fermeture de chantier dans la saine intention de conférer à l’administré l’occasion d’éliminer volontairement dans un certain délai le résultat de son agissement illégal tout en évitant une condamnation afférente de la part du juge judiciaire (voir trib. adm. 18 octobre 2004, n° 17732, ainsi que trib. adm. 28 février 2005, n° 18597, www.ja.etat.lu).

Par ailleurs, lorsque l’administration se borne à exprimer ses prétentions, essentiellement lorsque, à propos d’un litige, elle indique les droits qui lui paraissent être les siens ou dénie ceux dont se prévaut son adversaire, un tel acte ne constitue qu’une prise de position qui ne lie ni le juge ni les intéressés et qui ne saurait dès lors donner lieu à un recours ( voir trib. adm. 6 octobre 2004, n°16533, ainsi que trib. adm. 28 février 2005, n° 18597, www.ja.etat.lu).

En l’espèce, il découle de ces principes et du libellé du courrier déféré que le ministre, sous la forme d’une mise en demeure, y souligne le constat de l’illégalité du chemin aménagé en cause, qu’il annonce au propriétaire concerné l’intention de l’administration d’engager à son encontre la procédure judiciaire prévue par l’article 65 alinéa 6 précité et qu’il somme le destinataire de ce courrier à tirer lui-même les conséquences du constat d’illégalité des aménagements exécutés en supprimant le chemin exécuté illégalement et de redonner au terrain son affectation première, entraînant que ce courrier ne peut pas être qualifié, en ce qui concerne la question de l’aménagement du chemin, de décision administrative susceptible d’un recours contentieux.

Il s’ensuit que le recours en réformation encourt en ce point l’irrecevabilité .

A cela s’ajoute qu’il est apparu lors de la visite des lieux effectuée par le tribunal en date du 8 juillet 2005 à la lumière des explications du représentant de l’administration des Eaux et Forêts que le ministre est entre-temps revenu sur sa position et accepte que le chemin en question soit maintenu en son état actuel, de sorte que le recours portant sur ce point aurait de toute façon dû être considéré comme étant devenu sans objet.

Pour le surplus, à savoir concernant la question de l’installation d’un chalet, le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

Il est constant en cause que les fonds devant accueillir le chalet litigieux sont situés dans la zone protégée prévue par le règlement grand-ducal du 23 mars 1998 déclarant zone protégée la zone humide «Haff Réimech» englobant des fonds sis sur le territoire des communes de Remerschen et de Wellenstein, ci-après « le règlement grand-

ducal », et plus particulièrement dans la zone dite « tampon B » telle que délimitée à l’article 2 dudit règlement grand-ducal et régie par les dispositions de l’article 5 du même règlement grand-ducal.

Force est encore de constater que le prédit article 5 interdit dans cette zone « tampon B » « la nouvelle construction et la reconstruction, les travaux d'entretien aux bâtiments existants restant soumis à l'autorisation du ministre ».

Le demandeur fait cependant valoir qu’en l’espèce il ne s’agirait point d’une construction au sens de l’article 5 précité, au motif que le chalet projeté ne serait pas ancré au sol.

Il y a lieu de souligner à ce sujet qu’avant toute interprétation le juge est amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier qu’elles revêtent dans la mesure où elles sont claires et précises, sans qu’il ne lui appartienne cependant d’interpréter une disposition légale au-delà des termes y employés, sous peine de rajouter à la loi (trib.

adm. 28 février 2005, n° 18632, www.ja.etat.lu).

Or la généralité du terme employé (« construction »), qui se définit comme « tout assemblage solide et durable de matériaux, quelle que soit sa fonction » (Le petit dicobat, dictionnaire général du bâtiment), ou encore plus généralement comme « ce qui est construit, bâti » (Le petit Robert), ne permet pas d’opérer la distinction y affirmée par le demandeur, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que la notion de construction s’applique indépendamment de la question d’une incorporation ou non au sol.

En l’espèce, il résulte des explications fournies par le requérant lors de la visite des lieux que le chalet projeté, constitué principalement d’un assemblage de planches en bois, posé sur un assemblage de dalles, est à considérer comme construction au sens du prédit article 5, de sorte que le ministre a valablement pu refuser l’autorisation sollicitée.

Le recours en réformation laisse dès lors d’être fondé en son seul point décisionnel déféré.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en réformation irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre la mise en demeure du ministre invitant le demandeur à supprimer le chemin aménagé illégalement ;

le dit recevable pour le surplus ;

quant au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juillet 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19417
Date de la décision : 13/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-13;19417 ?

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