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13/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19415

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2005, 19415


Tribunal administratif N° 19415 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er mars 2005 Audience publique du 13 juillet 2005

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Recours introduit par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19415 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mescara (Algérie), de nationalité algérienne, deme...

Tribunal administratif N° 19415 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er mars 2005 Audience publique du 13 juillet 2005

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Recours introduit par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19415 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2005 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mescara (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 décembre 2004, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle litigieuse ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en sa plaidoirie.

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Le 14 septembre 2004, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg. Il fut encore entendu en date du 5 octobre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa par décision du 28 décembre 2004, lui notifiée par pli recommandé du 4 janvier 2005, que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée aux motifs énoncés comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 14 septembre 2004 et le rapport d’audition de l’agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 5 octobre 2004.

Vous auriez quitté l’Algérie en décembre 2003. En passant par le Maroc, vous auriez pris place dans un bateau en partance pour l’Espagne. De là, vous seriez parti à Rotterdam où vous auriez vécu illégalement. Arrêté par la police néerlandaise, vous auriez passé plus de sept mois en prison. Le 8 septembre 2004, vous auriez reçu un arrêté d’expulsion et vous seriez alors venu au Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 14 septembre 2004.

Vous exposez que votre épouse et vos enfants vivraient en France, près de Montauban.

Pour obtenir le statut de réfugié politique en France, elle aurait affirmé que vous aviez disparu. Elle aurait aussi simulé des problèmes psychiques. Pour donner corps à sa demande, elle aurait même introduit une procédure pour abandon de famille contre vous en Algérie.

Bien que vous dites contribuer à l’entretien de vos enfants en France, elle aurait obtenu un jugement de condamnation contre vous, jugement qui serait assorti d’une peine d’emprisonnement.

En ce qui concerne, vos problèmes en Algérie, outre le jugement de condamnation pour abandon de famille, vous dites avoir été frappé en 1999 par des islamistes qui vous reprochaient de boire de l’alcool de temps en temps. Vous précisez que vous travailliez comme commerçant, mais que vous deviez toujours soudoyer des gens aux barrages et que votre travail était de moins en moins rentable. Vous ne craindriez cependant rien en Algérie, mais vous ne voudriez pas y retourner puisque votre épouse et vos enfants sont en France.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » Je constate d’abord que vous n’avez pas de problèmes particuliers en Algérie. Le fait que vous vouliez vivre en France avec votre épouse et vos enfants n’entre pas dans le cadre de la Convention de Genève. Aucun des éléments de votre récit ne fonde une persécution au sens de la Convention précitée. Votre demande ne répond donc à aucun des critères de fond de la Convention de Genève.

Une demande qui pourrait être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par Monsieur … par lettre de son mandataire du 26 janvier 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 31 janvier 2005.

Par requête déposée le 1er mars 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision initiale du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 décembre 2004.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre compétent d’avoir commis une erreur d’appréciation en refusant sa demande d’asile, au motif qu’il aurait dû quitter son pays d’origine, l’Algérie, parce qu’il ne s’y serait plus senti en sécurité. Plus particulièrement, il expose avoir été victime de coups et blessures de la part de membres des milieux islamistes « qui lui ont reproché de boire de temps en temps de l’alcool » et d’avoir exploité un petit commerce de liqueur. Il ajoute que bien qu’il ait eu de bonnes relations avec la police, rien n’aurait été entrepris pour traiter la plainte qu’il aurait déposée.

Le représentant étatique soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, à part la prétendue attaque par des islamistes en 1999, qui, à la supposer établie, ne se révèle pas d’une gravité telle qu’elle puisse justifier que la vie du demandeur lui soit devenue intolérable dans son pays d’origine et partant ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans le chef du demandeur, force est de constater que les craintes de persécution s’analysent en l’expression d’un simple sentiment général d’insécurité insuffisant pour permettre la reconnaissance de pareil statut au demandeur.

Dans ce contexte, il convient de relever plus particulièrement que, lors de son audition du 5 octobre 2004, questionné sur les raisons qui l’ont poussé à quitter l’Algérie, le demandeur a répondu qu’il est parti « pour rejoindre [son] (…) épouse. Plus rien ne me retient là-bas. Même si j’allais chez ma sœur, je la gênerais plutôt. Ma mère me dit d’aller récupérer mes enfants. Rien ne me retient là-bas » et qu’à part l’incident se situant en 1999, il a déclaré ne pas avoir subi d’autres problèmes (« J’ai toujours été prudent. Je voyageais avec mon passeport. Je n’étais pas recherché ni par la police ni par les islamistes »), autant de déclarations faisant dégager que le demandeur ne fait pas valoir une crainte légitime de subir des persécutions au sens de la Convention de Genève en cas de retour dans son pays d’origine susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 13 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19415
Date de la décision : 13/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-13;19415 ?

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