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13/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19338

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2005, 19338


Tribunal administratif Numéro 19338 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 février 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux courriers du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19338 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 février 2005 par Maître Marc BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à

l’annulation d’une décision ainsi désignée du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 27 d...

Tribunal administratif Numéro 19338 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 février 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux courriers du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19338 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 février 2005 par Maître Marc BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision ainsi désignée du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 27 décembre 2004 ainsi que de celle confirmative prise sur recours gracieux du 16 août 2004 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Camille FABER, demeurant à Luxembourg, du 28 février 2005 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2005 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue le 27 mai 2005 par voie de télécopie adressée à Maître Marc BADEN, mandataire de Monsieur … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2005 par Maître Marc BADEN au nom de Monsieur … ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique intervenue le 3 juin 2005 par voie de télécopie adressée à Maître Jean MEDERNACH, mandataire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2005 par Maître Jean MEDERNACH au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique intervenue le 30 juin 2005 par voie de télécopie adressée à Maître Marc BADEN, mandataire de Monsieur … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les courriers déférés ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Robert LOOS, en remplacement de Maître Marc BADEN et Maître Marc KERGER, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 juillet 2005.

Par acte de vente du 4 mars 2002, paru pardevant Maître Tom METZLER, notaire de résidence à Luxembourg, Monsieur … acquit de la sàrl … un immeuble en copropriété à … , « en propriété privative et exclusive le lot no 5, à savoir le grenier actuellement aménagé en studio avec compteurs individuels » ainsi que les quotes-parts correspondantes dans les parties communes de la copropriété.

Le 17 juin 2004, Monsieur … fit introduire à l’attention de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ci-après « la Ville de Luxembourg » une demande tendant à se voir délivrer l’autorisation pour le remplacement des tabatières du studio en question par des fenêtres dites Velux.

Le 16 août 2004, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg fit parvenir à Monsieur … un courrier libellé comme suit :

« J’ai bien reçu votre courrier du 17 juin 2004 par lequel vous avez sollicité l’autorisation pour modifier les tabatières de l’immeuble sis … pour le remplacer par des fenêtres dites « velux ».

Il s’agit en l’occurrence de travaux qui sont soumis à autorisation de bâtir, ceci conformément à l’article 57.3.1.b) du règlement sur les bâtisses.

Je vous invite dès lors à bien vouloir compléter votre demande par un plan cadastral récent à l’échelle 1/2500, un plan de la toiture indiquant la situation actuelle et la situation projetée ainsi que par l’accord de la copropriété, comme cela est demandé suivant l’article 58.2 du règlement sur les bâtisses.

Je me dois encore de vous rendre attentif au fait qu’il ne vous est pas admis d’aménager un logement au niveau du grenier.

En effet, l’immeuble est classé par le plan d’aménagement général dans une zone d’habitation 3, régie par les dispositions des articles A.0 et A.3 de la partie écrite du plan d’aménagement général.

Suivant les prescriptions des articles A.3.4.a) et A.0.4.g), l’immeuble peut comporter 3 niveaux pleins ainsi que des combles exploités à raison de 80 % par rapport au dernier niveau plein.

L’immeuble dispose d’un rez-de-chaussée (premier niveau plein), de deux étages, d’un niveau de combles et du grenier.

En application des textes réglementaires précités, il n’est pas admis d’exploiter le niveau du grenier et je vous invite par la présente, de la manière la plus ferme, à supprimer l’appartement qui y a été aménagé sans autorisation.

Conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, je tiens à vous rendre attentif qu’un recours en annulation contre ma décision peut être formé dans les trois mois à partir de la présente notification au Tribunal administratif, par requête signée d’un avocat ».

Par courrier de son mandataire du 27 septembre 2004, Monsieur … fit introduire un recours gracieux, comme tel désigné, à l’encontre de ce courrier du 16 août 2004 libellé comme suit :

« Mon client a acheté par acte Tom Metzler du 4 mars 2002, dont photocopie en annexe, le grenier aménagé en studio avec compteurs individuels de la sàrl … sàrl.

N’étant pas l’auteur de cet aménagement, mon client vous prie par la voie du recours gracieux de revenir sur votre décision.

A l’appui de sa demande il tient à préciser d’une part qu’au su et au vu de l’administration communale ce studio existait depuis des années alors qu’il était notamment muni de compteurs individuels.

D’autre part mon client estime qu’aucune disposition légale n’autorise le pouvoir communal à interdire d’aménager un grenier en studio ».

Le 27 décembre 2004, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg prit position comme suit suite à l’introduction du courrier du 27 septembre 2004 cité ci-avant :

« J’ai bien reçu votre courrier du 27 septembre 2004 par lequel vous avez introduit, au nom et pour compte de Maître …, un recours gracieux contre ma lettre du 16 août 2004 demandant la suppression du logement aménagé en fraude dans le grenier de la maison sise … A l’appui de votre recours, vous joignez un acte de vente.

Or, il ressort clairement de cet acte de vente que votre client a acquis un grenier qui semble être aménagé actuellement en studio.

Une demande en autorisation de bâtir ayant pour objet un changement d’affectation, opération qui est soumis à obligation d’autorisation de bâtir suivant l’article 57.3.1.j) du règlement sur les bâtisses, n’a jamais été introduite.

De toute façon, une telle autorisation de bâtir n’aurait pu être délivrée vu sa non-conformité par rapport aux prescriptions réglementaires applicables en la matière.

En effet, l’immeuble est classé par le plan d’aménagement général dans une zone d’habitation 3, régie par les dispositions des articles A.0 et A.3 de la partie écrite du plan d’aménagement général.

Suivant les prescriptions des articles A.3.4.a) et A.0.4.g), l’immeuble peut comporter 3 niveaux pleins ainsi que des combles exploités à raison de 80 % par rapport au dernier niveau plein.

L’immeuble dispose d’un rez-de-chaussée (premier niveau plein), de deux étages, d’un niveau de combles et du grenier.

En application des textes réglementaires précités, il n’est pas admis d’exploiter le niveau du grenier et il ne m’est dès lors pas possible de répondre favorablement à votre recours gracieux.

Finalement, je vous prie encore de noter que le studio réalisé en fraude au niveau du grenier, d’après les plans appartenant à l’autorisation de bâtir du 25 mars 1953, ne saurait respecter les prescriptions des articles 9, 25 et 34 du règlement sur les bâtisses, portant sur la hauteur libre des niveaux, les escaliers et les pièces destinées au séjour prolongé de personnes.

Je me vois dès lors contraint de maintenir les termes de mon courrier du 16 août 2004 et je vous invite à intervenir auprès de votre client afin qu’il supprime le studio aménagé en fraude.

Conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, je tiens à rendre attentif qu’un recours en annulation contre ma décision peut être formé dans les trois mois à partir de la présente notification au Tribunal administratif, par requête signée d’un avocat ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2005, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ainsi désignée du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 16 août 2004, telle que confirmée le 27 décembre 2004.

Etant donné qu’aucun recours au fond n’est prévu dans la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre principal.

En ce qui concerne le recours en annulation, la Ville de Luxembourg soulève de prime abord l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours dirigé contre des « décisions qui ne sont pas des décisions administratives réelles ».

Monsieur … fait répliquer que les décisions litigieuses comporteraient deux volets, d’une part la réponse à la demande introduite en vue du remplacement des tabatières en fenêtres dites VELUX et d’autre part une injonction de supprimer le studio litigieux.

En ce qui concerne le premier volet, la Ville de Luxembourg estime que les deux courriers litigieux ne constitueraient pas des décisions de nature à faire grief, dans la mesure où Monsieur … serait seulement invité à fournir certains justificatifs afin notamment de permettre à la Ville de Luxembourg de prendre une décision suite à la demande présentée pour se voir autoriser à remplacer les anciennes fenêtres par des fenêtres dites VELUX.

Le demandeur précise à ce sujet ce qui suit : «… la réponse à la demande de remplacement de fenêtres peut ne pas être considérée comme une décision puisqu’elle consiste à demander au requérant de compléter sa demande par la fourniture d’un plan cadastral, d’un plan de la toiture ainsi que de l’accord de copropriété… ».

Il appartient dès lors au tribunal de constater que le demandeur s’accorde à bon droit avec la Ville de Luxembourg pour retenir que les deux courriers litigieux, en ce qui concerne le volet du remplacement des fenêtres, ne contiennent aucun élément décisionnel.

Il s’ensuit que le recours introduit dans cette mesure est irrecevable.

En ce qui concerne le deuxième volet, la Ville de Luxembourg estime encore que les deux courriers litigieux ne présenteraient aucun caractère décisoire, étant donné qu’ils ne feraient que constater une situation de fait contraire à la réglementation, de sorte qu’il ne s’agirait pas d’actes susceptibles par eux-mêmes de produire des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale du demandeur.

Monsieur … estime cependant que l’injonction de supprimer le studio constituerait bien une décision administrative et ce serait pour cette raison que les deux lettres précisent qu’un recours peut être adressé à leur encontre.

La Ville de Luxembourg résiste à cette argumentation en faisant notamment référence à la jurisprudence du tribunal administratif en la matière et en précisant que la formule renvoyant à l’existence d’un recours en annulation ne saurait, à elle seule, conférer aux courriers litigieux le caractère de décisions administratives.

En l’espèce, il est constant qu’aussi bien le courrier communal du 16 août 2004 que celui du 27 décembre 2004 contiennent une invitation à supprimer le studio qui a été aménagé au grenier de l’immeuble sis au … au motif que les dispositions réglementaires applicables en la matière n’auraient pas été respectées et que « le studio réalisé en fraude au niveau du grenier, d’après les plans appartenant à l’autorisation de bâtir du 25 mars 1953, ne saurait respecter les prescriptions des articles 9, 25 et 34 du règlement sur les bâtisses, portant sur la hauteur libre des niveaux, les escaliers et les pièces destinées au séjour prolongé de personnes ».

Il y a dès lors lieu d’examiner si les courriers litigieux constituent des décisions susceptibles de recours.

Aux termes de l’article 107 intitulé « Sanctions pénales et mesures administratives » de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain :

« 1. Sont punis d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de 251 à 125.000 euros, ou d'une de ces peines seulement, tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans ou projets d'aménagement généraux ou particuliers, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de bâtir.

2. Le juge peut ordonner la suppression des travaux exécutés ainsi que le rétablissement des lieux dans leur pristin état, aux frais des contrevenants. La commune ou, à son défaut, l'Etat peuvent se porter partie civile… ».

Il découle de cette disposition légale que, si le pouvoir de la police des bâtisses dont est investi le bourgmestre englobe la compétence pour vérifier la conformité de projets de construction aux règles d’aménagement applicables et conférer les autorisations afférentes ainsi que pour empêcher la continuation de tous travaux de construction contraires aux règles d’aménagement ou non couverts par une autorisation afférente, le juge judiciaire est seul compétent pour ordonner la suppression de constructions érigées illégalement et la remise en pristin état d’un site, laquelle constitue non pas une peine mais un mode particulier de réparation ou de restitution destiné à mettre fin à une situation contraire à la loi résultant de l’infraction et nuisant à l’intérêt public (Cour cass. 9 janvier 1992, Pas. 28, p. 182), de manière que cette attribution échappe dans cette mesure à la fois au bourgmestre de même qu’au tribunal administratif saisi dans le cadre d’un recours contentieux (voir trib. adm. 18 octobre 2004, n° 17732, www.ja.etat.lu).

Par ailleurs, lorsque l’administration se borne à exprimer ses prétentions, essentiellement lorsque, à propos d’un litige, elle indique les droits qui lui paraissent être les siens ou dénie ceux dont se prévaut l’administré, un tel acte ne constitue qu’une prise de position qui ne lie ni le juge ni les intéressés et qui ne saurait dès lors donner lieu à un recours ( voir trib. adm. 6 octobre 2004, n°16533, www.ja.etat.lu).

Etant donné que les courriers déférés consistent, d’un côté en une appréciation par la Ville de Luxembourg de la situation légale sous-jacente à l’aménagement en studio du grenier de l’immeuble en question, et, d’un autre côté, en une invitation de supprimer ledit studio aménagé, selon l’appréciation de la Ville de Luxembourg, en fraude, force est au tribunal de retenir qu’ils ne contiennent aucun élément décisionnel vérifié. Le recours en annulation introduit à leur encontre est partant irrecevable.

Au vu de ce qui précède, le recours considéré dans sa totalité est irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juillet 2005 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19338
Date de la décision : 13/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-13;19338 ?

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