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13/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19214

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2005, 19214


Tribunal administratif N° 19214 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 janvier 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur Xxx et consorts, …, contre un arrêté du ministre de la Santé et de la Sécurité sociale en matière d’acte administratif à caractère réglementaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19214 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2005 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. Monsieur Xxx,

, et 2 autres consorts;

tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Santé et...

Tribunal administratif N° 19214 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 janvier 2005 Audience publique du 13 juillet 2005 Recours formé par Monsieur Xxx et consorts, …, contre un arrêté du ministre de la Santé et de la Sécurité sociale en matière d’acte administratif à caractère réglementaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19214 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2005 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. Monsieur Xxx,, et 2 autres consorts;

tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Santé et de la Sécurité sociale du 17 décembre 2004 portant approbation des modifications des statuts de l’Union des Caisses de Maladie (UCM) telles qu’elles ont été décidées par l’assemblée générale de l’UCM du 9 novembre 2004 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Yves TAPELLA, demeurant à L-4010 Esch-

sur-Alzette, 32, rue de l’Alzette, portant signification de ce recours à l’UCM, établissement public, établie et ayant son siège social à L-1471 Luxembourg, 125, route d’Esch ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2005 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2005 par Maître Monique WATGEN au nom de l’UCM ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue le 21 avril 2005 par voie de télécopie adressée à Maître Charles OSSOLA, mandataire des parties Xxx, Yyy et Zzz ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2005 par Maître Charles OSSOLA au nom des parties Xxx, Yyy et Zzz ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique intervenue le 18 mai 2005 par voie de télécopie adressée à Maître Monique WATGEN, mandataire de l’UCM ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2005 par Maître Monique WATGEN au nom de l’UCM ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique intervenue le 14 juin 2005 par voie de télécopie adressée à Maître Charles OSSOLA, mandataire des parties Xxx, Yyy et Zzz ;

Vu l’arrêté ministériel attaqué du 7 décembre 2004 et les pièces versées en cause ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Charles OSSOLA et Monique WATGEN, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives à l’audience publique du 27 juin 2005.

Le ministre de la Santé et de la Sécurité sociale approuva par arrêté ministériel du 17 décembre 2004 les modifications des statuts de l’UCM telles qu’elles ont été décidées par l’assemblée générale de l’UCM du 9 novembre 2004 pour entrer en vigueur le 1er janvier 2005. Les modifications statutaires de l’UCM du 9 novembre 2004 ainsi qu’une référence audit arrêté ministériel du 17 décembre 2004 portant approbation des modifications statutaires ont été publiées au Mémorial A – N° 2 du 13 janvier 2005.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 janvier 2005 Monsieur Xxx, médecin-biologiste, en sa qualité de représentant légal du Laboratoire d’analyses médicales Les Forges du Sud et en sa qualité d’assuré, Madame Yyy, pharmacienne-biologiste, en sa qualité de représentant légal du Laboratoire d’analyses médicales Yyy et en sa qualité d’assurée et Monsieur Zzz, médecin-biologiste, en sa qualité de représentant légal du Laboratoire d’analyses médicales Zzz et en sa qualité d’assuré, ont introduit un recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel ci-avant visé du 17 décembre 2004, portant approbation des modifications des statuts de l’UCM et plus particulièrement du nouvel alinéa 3 de l’article 75 desdits statuts.

L’article 75, alinéa 3 des statuts de l’UCM est libellé comme suit : « Les actes techniques figurant à la première partie de l’annexe de la nomenclature des laboratoires d’analyses médicales et de biologie clinique sont pris en charge au maximum à raison de douze (12) positions par ordonnance ».

Quant à la capacité à agir En premier lieu, quant à la capacité à agir des parties demanderesses, le délégué du Gouvernement soulève qu’elles agissent toutes les trois non pas en nom personnel, mais en qualité de représentant légal du laboratoire d’analyses médicales respectif. Il estime qu’étant donné que les laboratoires seraient des groupements de fait dénués de toute personnalité juridique, l’action en justice introduite pour leur compte, afin de demander la réparation d’un prétendu préjudice, serait irrecevable.

Dans leurs mémoires subséquents, les parties demanderesses ne prennent pas position face au moyen ainsi soulevé.

Sur question spéciale du tribunal à l’audience à laquelle l’affaire a été fixée pour plaidoiries, relative à la personnalité juridique des laboratoires concernés, leur mandataire a confirmé qu’il s’agit de groupements de fait.

Il y a dès lors lieu d’admettre, à défaut de prise de position en sens contraire, que les trois laboratoires d’analyses médicales sont des groupements de fait.

Etant donné que les groupements ne peuvent obtenir la personnalité juridique que de l’une des manières suivantes : 1) la personnalité juridique leur est attribuée par la loi de manière individuelle, ou 2) elle leur est acquise s’ils adoptent régulièrement l’une des formes sociales prévues par la loi1, il y a encore lieu d’admettre, à défaut du moindre élément afférent soumis au tribunal, que les trois laboratoires sont dénués de personnalité juridique.

Etant donné que la capacité active d’ester en justice ne saurait être reconnue qu’à des entités disposant de la personnalité juridique, il en résulte qu’un groupement de fait dénué de personnalité juridique ne peut ester en justice2.

Il en résulte que le recours sous examen, dans la mesure où il est introduit par les parties demanderesses pour compte ou en tant que « représentant légal » d’un laboratoire dénué de personnalité juridique, est irrecevable pour défaut de capacité d’ester en justice des laboratoires concernés.

Quant à l’întérêt à agir Le délégué du Gouvernement soulève encore le défaut d’intérêt à agir des parties demanderesses pour autant qu’elles agissent en leur qualité d’assurés sociaux.

1 Cf. Sociétés et associations, p. 130, n° 280 et svts in Pasicrisie luxembourgeoise 1994, N° 3 et encore TA 19 juillet 2000, n° du rôle 11716, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, II. Capacité-qualité pour agir, n° 92, p. 571.

2 Cf. TA 20 mars 2002, n° du rôle 13815, Pas. adm. 2004, V° Procédure contentieuse, II. Capacité-qualité pour agir, n° 82, p. 569 Etant donné que le recours est irrecevable en ce qu’il est introduit pour le compte des trois laboratoires d’analyses médicales, il y a néanmoins encore lieu d’analyser la question de l’intérêt à agir de Madame YYY et de Messieurs XXX et ZZZ.

A cet égard, les demandeurs font valoir que leur intérêt résiderait « dans la limitation de la prise en charge par l’UCM des analyses médicales effectuées par tout laboratoire privé ; dès lors dans l’atteinte du libre choix du malade et dans l’atteinte à l’égal accès au système de soins ». Ils continuent que la dichotomie entre les secteurs extra-hospitalier et hospitalier au regard du seul mode de remboursement se trouverait aggravée par la décision litigieuse, étant donné qu’un assuré qui se dirigera vers le secteur hospitalier se verrait prendre en charge l’ensemble de ses analyses, tandis qu’un assuré qui se dirigera vers un laboratoire privé verrait une partie de ses analyses rester à sa charge, de sorte qu’une égalité d’accès aux soins ainsi que le respect du libre choix du malade ne seraient plus garantis. Ils ajoutent qu’une mesure décidée dans un simple intérêt mercantile serait inconcevable et incompatible avec le but premier de tout instrument législatif à portée médicale, à savoir la santé des patients.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que tout demandeur devrait établir l’existence d’un lien suffisamment direct et certain entre la décision querellée et sa situation personnelle et qu’un intérêt simplement éventuel consistant en une simple affectation de sa situation ne suffirait pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable. Il conteste pour le surplus qu’il y aurait une atteinte au libre choix du malade et à l’égal accès au système de soins, en faisant valoir que l’assuré serait libre de se rendre auprès du médecin de son choix et qu’au moment du diagnostic, le médecin prescripteur ignorerait le choix ultérieur de son patient de se rendre soit dans un laboratoire privé soit dans un laboratoire hospitalier. Il termine que le médecin, conscient de sa responsabilité déterminante au regard des performances du système de soins et du coût économique de l’assurance maladie, ne prescrirait que les analyses utiles et nécessaires.

En l’espèce il est constant et en tant que tel non contesté par les parties en cause que le recours est dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire.

A ce titre l’article 7, paragraphes 1et 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre judiciaire dispose :

« Le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent.

Ce recours n’est ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain ».

Les parties demanderesses font valoir en substance que leur intérêt à exercer un recours à l’encontre de la décision litigieuse réside « dans la limitation de la prise en charge par l’UCM des analyses médicales effectuées par tout laboratoire privé ; dès lors dans l’atteinte du libre choix du malade et dans l’atteinte à l’égal accès au système de soins ».

En ce qui concerne l’intérêt à agir des personnes à l’encontre des actes réglementaires, les travaux parlementaires précisent ce qui suit : « La question la plus sensible concerne l’intérêt d’agir. Peut-on imaginer que chaque citoyen ou chaque habitant de la commune puisse agir contre un règlement ? Ceci créerait le danger d’une situation chaotique où des centaines de règlements seraient pendants en justice. Pour éviter une telle situation, il y aurait lieu de reprendre les critères dégagés par la jurisprudence belge pour circonscrire la recevabilité des recours. Le but de cette disposition est d’éviter un recours populaire :

-

l’intérêt doit être direct, il ne faut pas savoir seulement si un règlement est applicable à une personne mais surtout s’il a des conséquences directes pour elle ;

-

l’intérêt doit être personnel, et non général ;

-

l’intérêt doit être actuel et certain : l’incidence du règlement attaqué sur la situation du requérant doit être effective ou du moins probable et non pas seulement éventuelle »3.

Si en l’espèce on peut certes s’accorder pour dire que l’intérêt des trois parties demanderesses est direct, actuel et certain, le tribunal constate cependant que l’intérêt tel qu’il est invoqué par les parties demanderesses n’est pas personnel à leur propre situation.

Les parties demanderesses font état d’une situation qui ne se distingue pas spécifiquement de la situation générale de l’ensemble des assurés sociaux, c’est-à-dire de toutes les personnes assurées au titre de l’assurance maladie au Grand-Duché de Luxembourg. En effet la décision litigieuse à caractère réglementaire est applicable sans distinction à tous les assurés sociaux, sans que le tribunal ne puisse entrevoir une quelconque spécificité de la situation de Madame YYY et de Messieurs XXX et ZZZ par rapport à la situation générale de tous les autres assurés sociaux.

De tout ce qui précède, il résulte que Madame YYY et Messieurs XXX et ZZZ, pris en leur qualité d’assuré social, n’ont pas justifié d’un intérêt personnel, de sorte que le recours dans la mesure où il est introduit par les trois parties demanderesses en tant qu’assuré social est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les parties demanderesses aux frais.

3 Doc. parl. 39409, 3940A7, 3940B2, p. 24 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juillet 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19214
Date de la décision : 13/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-13;19214 ?

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