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06/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19771

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juillet 2005, 19771


Tribunal administratif N° 19771 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2005 Audience publique du 6 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, sans domicile connu contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19771 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2005 par Maître Stef OOSTVOGELS, avocat à la Cour, assisté de Maître Martine

GERBER-LEMAIRE, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo...

Tribunal administratif N° 19771 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2005 Audience publique du 6 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, sans domicile connu contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19771 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2005 par Maître Stef OOSTVOGELS, avocat à la Cour, assisté de Maître Martine GERBER-LEMAIRE, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Fédération de Russie), de nationalité russe, sans domicile connu, tendant à la réformation subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 janvier 2005 s’étant déclaré incompétent sur base de l’article 16, paragraphe 1er du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 pour statuer sur sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2005 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé en date du 1er juillet 2005 par Maître Stef OOSTVOGELS pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 27 juin 2005, Maître Maria Manuela DIAS MARQUES, en remplacement de Maître Stef OOSTVOGELS, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH s’étant rapportés aux écrits de leurs parties respectives.

Ouï Maître Maria Manuela DIAS MARQUES, en remplacement de Maître Stef OOSTVOGELS, en ses explications complémentaires à l’audience du 4 juillet 2005, en présence de Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH.

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Le 17 janvier 2005, Monsieur … introduisit oralement une demande en obtention du statut de réfugié politique auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration. Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l'itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Une recherche effectuée dans le système EURODAC révéla que Monsieur … avait d’ores et déjà introduit en date du 7 juin 2004 une demande tendant à l’obtention du statut de réfugié auprès des autorités allemandes sous l’identité … , ce qu’il admit après quelques hésitations Le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, prit à l’encontre de Monsieur …, alias …, une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois Par décision du 24 janvier 2005, notifiée le 9 février 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, se basant sur les dispositions de l’article 16, paragraphe 1er, sub c) du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ci-après désigné par « le règlement CE n° 343/2003 », se déclara incompétent en les termes suivants pour connaître de la demande d'asile :

« Par la présente, j’accuse réception de votre demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que vous avez présentée oralement en date du 17 janvier 2005 et je regrette de vous informer qu'en vertu des dispositions des articles 16§Ic du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, ce n’est pas le Grand-Duché de Luxembourg, mais la République fédérale d'Allemagne qui est responsable du traitement de votre demande d'asile.

Le Grand-Duché de Luxembourg n’étant pas compétent pour examiner votre demande, je regrette de ne pas pouvoir réserver d'autres suites à votre dossier (…)».

Le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit encore une décision de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur …, alias ….

Le transfert vers l’Allemagne de Monsieur …, alias …, fut effectué le 9 février 2005.

Par requête déposée le 6 mai 2005, inscrite sous le numéro 19711 du rôle, Monsieur …, alias …, a introduit un recours tendant à la réformation et subsidiairement à l'annulation de la décision d'incompétence du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 janvier 2005.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de décision d’incompétence prise sur base du règlement CE n° 343/2003, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation introduit à titre subsidiaire, le tribunal a soulevé à l’audience publique du 27 juin 2005, à laquelle l’affaire fut retenue pour plaidoiries, la question de la recevabilité du recours compte tenu du domicile manifestement inconnu du demandeur, la requête introductive d’instance se contentant d’indiquer en tant que dernier domicile connu le Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, ainsi que de l’intérêt à agir du demandeur à l’encontre de la décision d’incompétence déférée au tribunal.

Dans le cadre du mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal en date du 1er juillet 2005, le litismandataire de Monsieur …, alias …, a admis être sans nouvelles de son mandant depuis le 9 février 2005, et que « le domicile actuel du requérant est partant inconnu de son mandataire ».

En ce qui concerne la question de l’intérêt à agir, il estime que la décision déférée lèserait les intérêts du demandeur « en ce qu’elle n’a pas fait droit à sa demande en obtention du statut de réfugié politique au motif que le Grand-Duché de Luxembourg ne serait pas compétent pour connaître de la demande ».

Le tribunal est en l’espèce contraint de constater que non seulement le domicile du demandeur est actuellement inconnu, mais qu’il l’était également au moment de l’introduction du recours, à savoir en date du 6 mai 2005, son mandataire étant en aveu d’être sans nouvelles du demandeur depuis son transfert en Allemagne en date du 9 février 2005.

Outre le fait qu’une telle situation laisse planer les plus sérieux doutes quant au mandat du litismandataire d’agir en justice pour le compte d’une personne dont il est sans nouvelles depuis près de 3 mois, et soulève ainsi d’évidentes questions d’ordre déontologique, force est encore de constater que la requête, en omettant d’indiquer le domicile actuel et effectif du demandeur, ne respecte pas les prescriptions de l’article 1er , alinéa 2, de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives qui imposent l’indication du domicile du requérant, de sorte qu’elle est à déclarer irrecevable (cf Cour adm. 26 mai 2005, n° 19390C, non encore publié).

Le manquement ainsi constaté soulève par ailleurs encore de sérieux doutes quant à l’intérêt à agir du demandeur.

En effet, si l’intérêt à l’annulation d’un acte administratif doit exister au jour de l’introduction du recours, il y a lieu de constater que cet intérêt est en l’espèce pour le moins sujet à caution, le demandeur ayant purement et simplement disparu, de sorte à devoir être considéré comme ne manifestant aucun intérêt non seulement en ce qui concerne l’introduction de son recours, mais encore en ce qui concerne l’issue du recours, compte tenu du fait que son mandataire demeure au jour des plaidoiries sans nouvelles aucunes de son mandant.

Enfin, il est constant en cause que le demandeur a été repris en charge par les autorités allemandes bien avant l’introduction du recours, de sorte que l’annulation éventuelle de la décision d’incompétence prise par les autorités luxembourgeoises serait dépourvue de tout effet concret.

Force est en effet de constater que le demandeur reste en défaut d’établir, voire seulement d’alléguer un quelconque avantage que l’annulation de l’acte litigieux pourrait lui procurer. Il y a lieu de souligner à cet sujet que la décision d’incompétence déférée au tribunal n’a ni pour objet, ni pour issue un refus dans le chef du demandeur du statut de réfugié, mais uniquement la constatation qu’une autre autorité – en l’espèce les autorités allemandes – a compétence pour statuer sur la demande en obtention du statut de réfugié politique, de sorte qu’il aurait appartenu au demandeur, aux fins de prospérer dans son recours, d’indiquer les griefs propres à la décision d’incompétence et de préciser pourquoi il estime nécessaire que sa demande soit traitée par les autorités luxembourgeoises plutôt que par les autorités allemandes.

Il s’ensuit que le recours est encore à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

Le demandeur demande encore qu’il lui soit donné acte des pièces déposées l’appui de son recours. Le tribunal ne saurait cependant accéder à cette demande étant donné qu’elle est sans la moindre relation avec l’objet de la demande principale et la décision attaquée et que le demandeur n’établit pas une quelconque utilité de pareil « donner acte » ( voir trib. adm. 17 décembre 2003, n° 16429 du rôle ; trib. adm. 17 décembre 2003, n° 16430 du rôle trib. adm. 17 décembre 2003, n° 16431 du rôle; trib.

adm. 17 décembre 2003, n° 16432 du rôle, www.jurad.etat.lu), d’autant plus que ledit relevé des pièces déposées fait, aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, partie intégrante de la requête introductive d’instance.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal;

déclare le recours en annulation introduit à titre subsidiaire irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juillet 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 19771
Date de la décision : 06/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-06;19771 ?

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