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06/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19551

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juillet 2005, 19551


Tribunal administratif N° 19551 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2005 Audience publique du 6 juillet 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19551 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2005 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocat

s à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Kukes (Albanie), de nationalité albanaise,...

Tribunal administratif N° 19551 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2005 Audience publique du 6 juillet 2005

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 19551 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2005 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Kukes (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration intervenue le 22 décembre 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre en date du 21 février 2005 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2005 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2005 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Sandra VION, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 28 septembre 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu le 8 décembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 22 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 30 septembre 2004 ainsi que le rapport d’audition de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 décembre 2004.

Vous auriez quitté l’Albanie le 23 septembre 2004. Vous vous seriez caché avec deux autres personnes dans un camion à Durres. Vous ignorez tout de votre trajet. Vous auriez profité d’un long arrêt du camion pour en sortir. Vous auriez fait le reste du trajet jusqu’à Luxembourg à pied.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 28 septembre 2004.

Vous n’auriez pas fait votre service militaire. Vous ne seriez membre d’aucun parti.

Vos parents seraient décédés et vous auriez vécu chez un oncle. Vous auriez travaillé à la ferme. Votre oncle, pour des raisons financières ne pouvant plus vous garder, vous aurait mis dehors. Vous n’auriez plus d’autre famille pouvant vous héberger. De plus, ayant eu un père Goranais, vous vous seriez fait traiter de « Goranais » ou de « Serbe » par les autres gens du village. Vous précisez que tout le monde vous déteste et que vous ne savez plus où aller.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A, 2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

Tout en compatissant à vos difficultés, je constate que le fait d’être orphelin et de ne savoir où aller n’entre pas du tout dans le cadre de la Convention de Genève. Quant au fait d’être traité de « Goranais », il est insuffisant pour être assimilé à une persécution au sens de la Convention précitée. Votre demande ne répond à aucun des critères de fond de la Convention de Genève. Tout au plus, éprouvez-vous un sentiment d’insécurité, qui ne fonde pas, lui non plus, une persécution au sens de cette Convention.

Une demande qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Par conséquent, votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre de son mandataire du 31 janvier 2005 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale le 21 février 2005.

Par requête déposée le 24 mars 2005, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration des 22 décembre 2004 et 21 février 2005.

Le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de sa demande, le demandeur soutient remplir les conditions pour être admis au statut de réfugié, au motif qu’il aurait été et risquerait d’être victime de persécutions en Albanie du fait que son père aurait été considéré comme « Goranais » ou « Serbe », impliquant que lui-même aurait été exposé à des « insultes et humiliations » quotidiennes dans son village d’origine où, suite au décès de ses père et mère, étant relevé que sa mère serait décédée lors de sa naissance et son père il y a environ 5 années, il aurait vécu avec son oncle, à la ferme de ce dernier. Il ajoute encore que son oncle ne l’aurait pas aimé, se serait mal occupé de lui et l’aurait obligé à travailler « dur » et qu’en cas de retour, il ne pourrait escompter de l’aide de personne.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre compétent a fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours. Il ajoute encore que les déclarations du demandeur seraient sujettes à caution, dès lors qu’un examen médical aurait relevé que l’âge indiqué par le demandeur serait faux et qu’il serait « plus âgé ».

Dans sa réplique, le demandeur conteste avoir fait de fausses déclarations quant à son âge et critique que l’examen médical n’aurait pas été adéquat pour pouvoir en tirer des conclusions précises.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Or, même abstraction faite des conclusions du délégué du gouvernement relativement à de fausses déclarations relativement à l’âge de l’intéressé et aux éventuelles incidences quant à la crédibilité du demandeur, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

Les craintes exprimées par le demandeur s’analysent en substance en l’expression d’un sentiment général d’insécurité, le demandeur n’ayant pas fait état de circonstances permettant de retenir que la vie lui aurait été ou serait intolérable dans son pays d’origine, les prétendues vexations subies par lui de la part de différents membres de la population de son village d’origine ne suffisant à elles-seules pas pour permettre d’en tirer pareille conclusion. Il en va de même en ce qui concerne le traitement que son oncle lui aurait réservé, ce dernier ne pouvant manifestement pas être considéré comme agent de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 6 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19551
Date de la décision : 06/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-06;19551 ?

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