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06/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19464

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juillet 2005, 19464


Tribunal administratif N° 19464 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2005 Audience publique du 6 juillet 2005

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Recours formé par Monsieur …, … (Portugal) contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisations de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19464 du rôle, déposée le 10 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Richard STURM, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, entrepreneur de construction, de...

Tribunal administratif N° 19464 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2005 Audience publique du 6 juillet 2005

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Recours formé par Monsieur …, … (Portugal) contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisations de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19464 du rôle, déposée le 10 mars 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Richard STURM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, entrepreneur de construction, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 15 juillet 2004, par laquelle ledit ministre a refusé de lui délivrer une autorisation en vue de l’exercice d’une activité d’entrepreneur de transport, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre en date du 13 décembre 2004, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Kalthoum BOUGHALMI en remplacement de Maître Richard STURM, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

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Le 6 mai 2004, Monsieur … présenta au ministère des Classes moyennes une demande en obtention d’une autorisation gouvernementale en vue de l’exercice d’une activité de « location de moyens de transports avec chauffeur ».

Par décision du 15 juillet 2004, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après dénommé le « ministre », suite à un avis défavorable émis le 8 juillet 2004 par la commission prévue par l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, ci-après désignée par la « commission », refusa de faire droit à cette demande au motif que Monsieur … ne remplirait pas la condition d’honorabilité professionnelle requise « compte tenu de (…) [son] implication dans la faillite de la société anonyme AGORA IMMOBILIERE, notamment par l’absence d’aveu de la cessation des paiements, le maintien artificiel et frauduleux du crédit en ne payant pas les créanciers publics, l’absence de bilans et de comptabilité ainsi qu’une collaboration déloyale avec le curateur de la faillite en question, Me M. A., comme il ressort du rapport du curateur (…) ».

Faisant suite à un recours gracieux introduit par le mandataire du requérant en date du 12 octobre 2004, le ministre confirma sa décision initiale le 13 décembre 2004, étant précisé que ladite décision est intervenue suite à un nouvel avis défavorable de la commission prise le 6 décembre 2004 et releva que l’intéressé n’aurait pas apporté d’élément de nature à atténuer sa part de responsabilité dans la faillite de la société A. S.A., son « argumentation consistant à lui dénier toute responsabilité au prétexte [qu’il] (…) ne serait pas actionnaire, aurait démissionné six mois avant la faillite et aurait été occupé en tant que directeur technique [étant] (…) sans incidence sur les faits concrets qui lui sont reprochés ».

A l’encontre des deux décisions de refus susvisées, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation sinon en réformation par requête déposée le 10 mars 2005.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions critiquées, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre les mêmes décisions.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la matière, l’article 2 alinéa 6 de la loi précitée du 28 décembre 1988 disposant au contraire expressément que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation, compétence ne lui est pas conférée par la loi pour connaître du recours subsidiaire en réformation des décisions critiquées.

Le recours principal en annulation, recours de droit commun, est recevable pour émaner du destinataire direct des actes administratifs défavorables litigieux et pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, dans un premier d’ordre d’idées, reproche en substance au ministre d’avoir commis une violation de la loi et une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce qu’il s’est basé sur des avis du parquet économique et de la commission pour retenir qu’il se dégagerait de son implication dans la faillite de la société A.

S.A., qui a été prononcée par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 15 novembre 1999, qu’il ne dispose pas de l’honorabilité professionnelle requise, au motif qu’il n’aurait pas figuré dans l’actionnariat de cette société et n’en aurait pas été le bénéficiaire économique, qu’il aurait démissionné pour des « raisons personnelles » de la fonction de directeur technique qu’il occupait au sein de ladite société et ceci plus de six mois avant la date de la faillite, qu’il exercerait honorablement l’activité d’entrepreneur de construction et de couvreur depuis le 19 juillet 1999, qu’il n’aurait jamais subi de condamnation pénale et qu’il ne comprendrait pas les raisons qui ont amené le curateur de ladite faillite à faire un avis défavorable sur sa personne.

Dans un second ordre d’idées, le demandeur soutient disposer de la qualification professionnelle requise et requiert que le tribunal retienne « pour la bonne forme » qu’il remplit les conditions de qualification professionnelle d’entrepreneur de transport.

Dans un dernier ordre d’idées, il allègue une motivation vague et imprécise du refus d’autorisation, au motif que le ministre s’y serait référé à des avis de la commission, du parquet économique et du curateur de la faillite de la société A. S.A., mais qu’il aurait omis de les joindre à ses décisions, lésant ainsi ses droits de la défense, et conclut à l’annulation des décisions querellées pour défaut de motivation.

Concernant en premier lieu le reproche du demandeur tiré d’un défaut d’indication suffisante des motifs dans les décisions ministérielles critiquées, dont l’examen est préalable, il est vrai qu’en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base. Il convient encore d’y ajouter qu’en la présente matière, aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi précitée du 28 décembre 1988, « lorsque l’autorisation est refusée, la décision ministérielle doit être dûment motivée ».

Ceci étant, en l’espèce, force est de constater qu’il se dégage des décisions ministérielles querellées que le refus d’accorder l’autorisation de faire le commerce sollicitée est basé sur un défaut d’honorabilité professionnelle suffisante dans le chef de l’intéressé. Les deux décisions litigieuses, qui doivent être considérées comme un tout indissociable, précisant en outre expressément la base légale considérée, à savoir l’article 3 de la loi d’établissement, précitée, et les arguments sous-tendant ledit reproche, de sorte qu’elles n’encourent pas de reproche quant à l’indication d’une motivation suffisante au regard des exigences légales de motivation, ayant mis le demandeur en mesure d’assurer la défense de ses intérêts. – Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que les avis de la commission, du parquet économique, voire du curateur, n’étaient pas annexées aux décisions, le demandeur – qui, au stade pré-contentieux, n’en a pas requis la délivrance – ayant pu inspecter le dossier administratif déposé au greffe du tribunal par le délégué du gouvernement dans le cadre de la procédure contentieuse, de sorte que ses droits de la défense ont également été respectés sous ce rapport.

Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut d’indication suffisante des motifs des décisions critiquées doit être rejeté.

Concernant le premier et principal moyen d’annulation proposé relatif à l’erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait et de la violation des dispositions légales, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles », l’honorabilité s’appréciant, en vertu de l’alinéa second dudit article 3, « sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ». Ainsi, toutes les circonstances révélées par l’enquête administrative et pouvant avoir une incidence sur la manière de l’exercice de la profession faisant l’objet de la demande d’autorisation, doivent être prises en compte par le ministre compétent pour admettre ou récuser l’honorabilité dans le chef du demandeur d’une autorisation.

Ceci étant, si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef d’un demandeur d’une autorisation d’établissement, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef d’un dirigeant d’entreprise - un directeur technique devant indubitablement être considéré comme tel - à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, constituent des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée (v. trib. adm. 5 mars 1997, Pas. adm. 2004, V° Autorisation d’établissement n° 109 et autres références y citées).

Les éléments fournis par un curateur de faillite, le procureur général d’Etat et le procureur d’Etat constituent une base suffisante pour apprécier l’honorabilité professionnelle d’une personne, même en l’absence de poursuites pénales (v. trib. adm. 22 mars 1999, Pas.

adm. 2004, V° Autorisation d’établissement n° 111 et autres références y citées).

En l’espèce, étant rappelé que le tribunal statue en tant que juge de la légalité, c’est-à-

dire que sa mission n’inclut pas l’appréciation des faits, mais la vérification de l’exactitude matérielle des faits et leur nature à motiver légalement les décisions litigieuses, force est de constater que les éléments relevés par l’autorité relativement à l’implication du demandeur dans la faillite de la société A. S.A., son manque de sérieux dans la gestion de la société et, dans ce contexte, plus particulièrement, ses manquements, ne serait-ce que de vigilance, au regard des exigences de tenir des bilans et une comptabilité et le fait de n’avoir évité ou dénoncé l’accumulation des dettes ne sont pas critiquables en ce qui concerne leur matérialité, constituent des fautes qui retombent inévitablement sur l’administration de la société et sont d’une gravité incontestable sur base desquelles le ministre compétent a pu, sans outrepasser les limites de son pouvoir d’appréciation estimer que l’honorabilité professionnelle de l’intéressé était entachée.

Par conséquent, c’est à bon droit que le ministre a refusé l’agrément sollicité par le demandeur, cette conclusion n’étant en rien ébranlée par les éléments mis en avant par le demandeur qui ne sont pas de nature à éradiquer ou excuser les faits et manquements épinglés à juste titre par l’autorité ministérielle.

Il s’ensuit que le moyen afférent laisse d’être fondé et est à abjuger.

Enfin et abstraction faite de toutes autres considérations, la demande tendant à faire « constater » par le tribunal que le demandeur dispose d’une qualification professionnelle suffisante est à écarter pour être étrangère à la solution du litige limité au contrôle de la légalité des décisions ministérielles qui ne se sont pas prononcées sur la qualification professionnelle de l’intéressé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 6 juillet 2005 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19464
Date de la décision : 06/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-06;19464 ?

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