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06/07/2005 | LUXEMBOURG | N°19225

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juillet 2005, 19225


Numéro 19225 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2005 Audience publique du 6 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 3 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19225 du rôle, déposée le 28 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ...

Numéro 19225 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2005 Audience publique du 6 juillet 2005 Recours formé par Monsieur …, … contre deux bulletins d’impôt émis par le bureau d'imposition Luxembourg 3 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 19225 du rôle, déposée le 28 janvier 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 2001 et 2002, émis respectivement le 19 décembre 2002 et le 31 mars 2004 par le bureau d'imposition Luxembourg 3;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2005;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2005 par Maître Philippe STROESSER pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Philippe STROESSER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 juin 2005.

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Suite à une période de congé sans solde, Monsieur …, préqualifié, exerçant la fonction d’enseignant en économie auprès du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, recommença à travailler auprès du Lycée technique de Bonnevoie à partir du 15 septembre 2001.

Par virement du 29 novembre 2001, la Trésorerie de l’Etat versa à Monsieur … une avance de 225.000 LUF sur les traitements des mois de septembre à décembre 2001.

En date du 22 janvier 2002, la Trésorerie de l’Etat fit débiter le compte de Monsieur … de l’avance de 225.000 LUF et lui versa en même temps le montant net des traitements lui redus pour la période de septembre 2001 à février 2002, soit un total de 25.691,36 €.

Suivant bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001 émis le 19 décembre 2002, le bureau d'imposition Luxembourg 3 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes refusa de tenir compte tant de l’avance de 225.000 LUF que du solde des traitements redus du chef des mois de septembre à décembre 2001 pour la fixation des bases d’imposition pour l’année 2001 et précisa dans ledit bulletin que « les traitements de septembre à décembre 2001 sont imposables en vertu de l’article 108 LIR dans l’année 2002 ». Au vu du total des revenus nets imputés à Monsieur …, ce bulletin fixa à son égard une cote d’impôt égale à 0 francs.

Par courrier du 26 janvier 2003, Monsieur … introduisit auprès du bureau d'imposition Luxembourg 3 une réclamation contre ce bulletin d’impôt du 19 décembre 2002.

A travers le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2002, émis le 31 mars 2004, le bureau d'imposition Luxembourg 3 inclut le montant brut de l’ensemble des traitements versés le 22 janvier 2002 à Monsieur … dans le revenu imposable du chef de l’année 2002 et fixa la cote d’impôt sur le revenu en conséquence.

Par courrier de son mandataire du 2 juin 2004, Monsieur … a fait introduire une réclamation à l’encontre de ce bulletin d’impôt du 31 mars 2004.

Ces deux réclamations étant restées sans réponse de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur … a fait introduire, par requête déposée le 28 janvier 2005, un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de ces deux bulletins d’impôt des 19 décembre 2002 et 31 mars 2004.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l’impôt sur le revenu en l’absence d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre ce même bulletin. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

Le délégué du gouvernement soulève le moyen d’irrecevabilité du recours pour autant que Monsieur … entend entreprendre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001 en arguant qu’il serait sans intérêt pour entreprendre ce bulletin, vu qu’il fixerait à zéro la cote de l’impôt sur le revenu redue pour cette année.

Aux termes du paragraphe 232 (1) AO, un contribuable ne peut réclamer contre un bulletin que pour autant que la cote d’impôt ou l’affirmation de l’imposabilité y contenues lui causent grief. Un bulletin ne fixant pas de cote d’impôt positive ne saurait partant en principe ouvrir le droit à réclamation, faute de charge fiscale lui causant grief imposée au contribuable.

Il s’ensuit que le recours sous analyse encourt l’irrecevabilité pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001, émis le 19 décembre 2002. Le recours est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi dans la mesure où il défère au tribunal le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2002, émis le 31 mars 2004.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que ses traitements des mois de septembre à décembre 2001, versés en partie à travers l’avance du 29 novembre 2001 et pour solde le 22 janvier 2002, se rapporteraient du point de vue économique à l’année 2001 et que la date du paiement du 22 janvier 2002 devrait être considérée comme se situant peu de temps après la fin de l’année au sens de l’article 108 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », de manière que ces mêmes traitements auraient dû être inclus dans le revenu imposable au titre de l’année 2001.

A titre subsidiaire, le demandeur argue que du moins l’avance à hauteur de 225.000 LUF aurait dû être imputée à l’année 2001 au cours de laquelle elle a été mise à sa disposition.

Le délégué du gouvernement rétorque que, contrairement à certains développements doctrinaux en Allemagne attribuant encore à une année d’imposition écoulée les paiements intervenus dans les trois semaines de leur échéance, il serait préférable de s’en tenir à l’intention du législateur luxembourgeois exprimée à travers les travaux parlementaires relatifs à ladite loi du 4 décembre 1967 et d’entendre sous la notion de « peu de temps » une période d’environ deux semaines, de manière que le paiement du solde des traitements intervenu le 22 janvier 2002 se situerait en dehors de cette période et serait partant imputable à l’année 2002. Quant à la demande subsidiaire du demandeur, le représentant étatique constate que les sommes déjà versées au demandeur au cours de l’année 2001 du chef des traitements lui redus pour cette année ne sauraient effectivement être imputées à une année d’imposition autre que celle de leur mise à disposition.

Le demandeur fait répliquer que, dans la mesure où la loi précitée du 4 décembre 1967 serait issue de la loi allemande, elle devrait être interprétée dans le même sens et qu’en conséquence le paiement du 22 janvier 2002, intervenu dans les trois semaines après le début de l’année d’imposition 2002, devrait encore être imputé à l’année 2001.

L’article 108 (1) LIR dispose notamment que « les recettes .. qui entrent en ligne de compte pour la détermination des revenus nets visés aux numéros 4 à 8 de l’article 10 … sont à prendre en considération de la façon suivante :

1. les recettes sont à attribuer à l’année d’imposition au cours de laquelle elles sont mises à la disposition du contribuable. Toutefois, lorsque des recettes à caractère périodique sont mises à la disposition du contribuable peu de temps avant le début ou peu de temps après la fin de l’année à laquelle elles se rapportent du point de vue économique, elles sont à attribuer à cette année ».

Quant à la demande principale du demandeur de voir la somme totale des traitements lui redus du chef des mois de septembre à décembre 2001 imputée à l’année d’imposition 2001, il y a lieu de délimiter la période de « peu de temps après la fin de l’année à laquelle elles se rapportent ».

A cet égard, force est de relever que les travaux parlementaires comportent relativement à l’article 108 (1) 1. phrase 2 LIR le commentaire suivant :

« En ce qui concerne les recettes et les dépenses périodiques, par contre, échéant peu de temps avant ou après la fin de l’année, il n’y a aucune difficulté à les attribuer à l’année qu’elles concernent économiquement ; aussi l’article 124 prévoit-il pour ces recettes et dépenses qu’elles seront attribuées à cette année. Il s’agit p.ex. des traitements payés pour la première période de paye de l’année ou pour la dernière. Par « peu de temps avant le début ou après la fin de l’année », il y a lieu d’entendre une période d’environ deux semaines » (Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad art. 124, p. 226).

Il en découle que, même si le législateur luxembourgeois n’a pas formellement inscrit le délai « d’environ deux semaines » dans le texte de l’article 108 LIR, il a néanmoins manifesté sa volonté de voir la notion de « peu de temps » concrétisée dans ce sens et, en présence de cette intention univoque sur ce point, il n’y a pas lieu de s’inspirer de la solution retenue dans le cadre de la législation concernant l’impôt sur le revenu allemand alors même que l’article 108 LIR est pour le reste largement inspiré de cette législation.

Il s’ensuit que l’article 108 (1) 1. phrase 2 LIR ne peut trouver application que si la mise à disposition d’une recette a lieu dans les deux semaines – sous réserve d’une latitude minimale – après l’écoulement de l’année d’imposition avec laquelle elle se trouve en rapport économique. Partant, force est de constater en l’espèce qu’un paiement intervenu le 22 janvier et partant trois semaines après la fin de l’année d’imposition avec laquelle cette recette se trouve en relation économique ne peut plus être considéré comme étant intervenu environ deux semaines après la fin de ladite année d’imposition. Par voie de conséquence, l’exception inscrite à l’article 108 (1) 1. phrase 2 LIR ne peut trouver application en l’espèce et le moyen principal du demandeur est à rejeter.

Quant à la demande subsidiaire du demandeur, il découle de l’article 108 (1) LIR qu’une recette est à imputer à l’année d’imposition au cours de laquelle elle est mise à la disposition du contribuable.

Or, l’avance sur les traitements des mois de septembre à décembre 2001 à hauteur de 225.000 LUF a été virée le 29 novembre 2001 par la Trésorerie de l’Etat sur le compte bancaire du demandeur et cette opération doit être qualifiée de mise à disposition de cette partie des traitements des mois de septembre à décembre 2001 au demandeur au cours de l’année 2001. L’opération purement comptable exécutée par la Trésorerie de l’Etat le 22 janvier 2002 de débit de cette avance du compte du demandeur et du crédit du montant global net des traitements de septembre 2001 à février 2002 ne saurait avoir pour effet d’anéantir la réalité de cette mise à la disposition antérieure d’une partie des traitements pour l’année 2001 et de s’y substituer. Par voie de conséquence, les traitements dus au demandeur pour les mois de septembre à décembre 2001 doivent être considérés comme ayant été mis à sa disposition à hauteur de 225.000 LUF au cours de l’année d’imposition 2001 et seul le solde de ces traitements est à comprendre dans le revenu imposable du chef de l’année 2002.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse est partiellement justifié et que le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2002 encourt la réformation en ce sens que les traitements dus au demandeur pour les mois de septembre à décembre 2001 sont à considérer comme ayant été mis à sa disposition à hauteur de 225.000 LUF au cours de l’année d’imposition 2001 et que seul le solde de ces traitements est à comprendre dans le revenu imposable du chef de l’année 2002.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, déclare le recours irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001 du 19 décembre 2002, reçoit le recours principal en réformation en la forme pour le surplus, au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2002 du 31 mars 2004, dit que les traitements dus au demandeur pour les mois de septembre à décembre 2001 doivent être considérés comme ayant été mis à sa disposition à hauteur de 225.000 LUF au cours de l’année d’imposition 2001 et que seul le solde de ces traitements est à comprendre dans le revenu imposable du chef de l’année 2002, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent, rejette le recours en réformation pour le surplus, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 6 juillet 2005 par le premier juge en présence de M.

LEGILLE, greffier.

s. LEGILLE s. SCHROEDER 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 19225
Date de la décision : 06/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-06;19225 ?

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