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04/07/2005 | LUXEMBOURG | N°20004

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juillet 2005, 20004


Tribunal administratif Numéro 20004 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2005 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par Monsieur contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20004 du rôle et déposée le 24 juin 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur , né le … , (Guinée), de nationalité gui...

Tribunal administratif Numéro 20004 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2005 Audience publique du 4 juillet 2005 Recours formé par Monsieur contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 20004 du rôle et déposée le 24 juin 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur , né le … , (Guinée), de nationalité guinéenne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 juin 2005 ordonnant la prorogation pour la durée d’un mois d’une mesure de placement initiale du 10 juin 2005 audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2005 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 juillet 2005.

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Le 10 mai 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 10 mai 2005 ;

Considérant que l’intéressé a été transféré de l’Autriche vers le Luxembourg en date du 10 mai 2005 en vertu du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Considérant que l'intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé auprès des autorités guinéennes ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé n'est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; » Cette décision de placement fut prorogée pour une nouvelle durée d’un mois suivant arrêté du même ministre du 8 juin 2005 sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 10 mai 2005 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l'intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été délivré par les autorités guinéennes ;

- Que l’éloignement de l’intéressé sera organisé dans les meilleurs délais ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2005, Monsieur a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 8 juin 2005.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que les conditions légales pour proroger une mesure de placement ne seraient pas remplies, étant donné que le ministre serait resté en défaut de préciser, au niveau de la motivation retenue, que la décision litigieuse s’inscrit dans une nouvelle situation « de nécessité absolue » telle qu’exigée par l’article 15 (2) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée. Il conclut partant à une violation de ses droits de la défense en ce sens qu’il ne lui aurait pas été possible d’apprécier la portée juridique exacte de la décision lui notifiée faute pour celle-ci de renseigner l’existence d’une nécessité absolue, susceptible de justifier la prorogation de la mesure de placement initiale.

Le demandeur fait valoir ensuite qu’il serait encore actuellement demandeur d’asile et que de ce fait les dispositions de l’article 15 de la loi du 28 mars 1972 précitée ne lui seraient pas applicables. Il estime que l’autorité administrative, en le maintenant en rétention administrative, l’aurait privé de sa liberté en violation de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, alors que les dispositions des articles 15, 9 et 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée ne prévoient pas la rétention administrative d’un demandeur d’asile entré illégalement sur le territoire d’un des Etats signataires de la Convention de Genève et ne disposant pas de moyens d’existence personnels suffisants.

Il se prévaut ensuite des dispositions de l’article 33 de la Convention de Genève pour faire valoir qu’en tant que demandeur d’asile il ne pourrait pas faire l’objet d’un éloignement du pays pendant l’examen de sa demande d’asile et au cours de la procédure y relative, tout en soulignant que ce principe de non refoulement est repris par la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

Le demandeur conclut finalement au caractère disproportionné de la décision litigieuse par rapport au but poursuivi par l’autorité administrative ainsi qu’au caractère inapproprié de l’établissement retenu pour son placement.

Le délégué du Gouvernement rétorque que contrairement aux affirmations du demandeur, celui-ci ne serait plus à considérer comme demandeur d’asile, étant donné qu’il a été débouté de sa demande d’asile par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 22 novembre 2004 et que cette décision aurait entre-temps acquis autorité de chose décidée. Quant à la condition de la nécessité absolue à la base de la mesure de prorogation litigieuse, il estime qu’elle serait visiblement remplie en se référant d’un côté au fait que le demandeur s’est présenté en Autriche sous une autre identité après avoir été débouté de sa demande d’asile au Grand-Duché de Luxembourg sans soumettre au ministère sa nouvelle adresse, circonstance qui serait de nature à conforter largement le risque de fuite retenu à la base de la décision litigieuse. Il se réfère pour le surplus aux démarches entreprises pour obtenir un laissez-passer en vue de l’éloignement de l’intéressé, laissez-passer qui a été délivré entre-temps en vue du rapatriement prévu pour le 12 juillet prochain.

L’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée prévoyant un recours au fond en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, lequel est également recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

Il est constant que le demandeur a fait l’objet d’une décision de rétention initiale datant du 10 mai 2005 et que le recours contentieux qu’il a fait introduire à l’encontre de cette décision fut déclaré non justifié par jugement du tribunal administratif du 30 juin 2005, de sorte que le tribunal ne saurait plus à l’heure actuelle et dans le cadre du litige ayant comme seul objet la décision de prorogation du 8 juin 2005, procéder à un nouvel examen des conditions de placement initiales.

Il est encore constant que tant la décision de placement initiale qu’a fortiori la décision de prorogation litigieuse du 8 juin 2005 constituent des décisions administratives distinctes de la mesure d’éloignement à la base de la mesure de rétention initialement décidée et prorogée, de sorte que la légalité de cette mesure de refoulement, entrevue notamment à partir du principe de non-refoulement des demandeurs d’asile invoqué en cause, ne saurait être examinée dans le cadre du présent recours dont l’objet est confiné à l’analyse du bien-fondé du seul arrêté ministériel de prorogation du 8 juin 2005.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les moyens du demandeur basés sur une violation alléguée des articles 15 alinéa 1er, 9 et 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, ainsi que 33 de la Convention de Genève sont à écarter comme étant étrangers à l’objet du litige, lequel a pour objet exclusivement la décision de prorogation d’une mesure de rétention administrative et non pas la décision d’éloignement à sa base.1 Il reste dès lors à examiner le moyen du demandeur basé sur le non-respect des dispositions de l’article 15 paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars1972 qui dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le demandeur reproche d’abord au ministre de ne pas avoir mentionné, au niveau de la motivation de la décision litigieuse, les circonstances caractérisant la nécessité absolue prévue par la loi en la matière.

Force est cependant de constater que l’arrêté ministériel litigieux énonce tant la base légale applicable que les circonstances de fait que le ministre a estimé déterminantes pour proroger la décision initiale de rétention en ce sens qu’il est fait référence au fait qu’un laisser-passer a été délivré en vue de l’éloignement de l’intéressé par les autorités guinéennes et que cet éloignement sera organisé dans les meilleurs délais, de sorte que le demandeur a raisonnablement pu déceler que son placement fut prorogé afin d’éviter que son éloignement ne soit compromis, ceci d’autant plus que le ministre a expressément fait état d’un risque de fuite dans son chef.

Quant au bien-fondé de la motivation ainsi portée à suffisance à la connaissance du demandeur, force est encore de constater qu’au vu des diligences déployées par les autorités administratives afin de solliciter un laisser-passer dans le chef de l’intéressé et compte tenu de l’imminence actuelle de l’éloignement projeté, la condition d’une nécessité absolue prévue pour procéder à la reconduction de la mesure de placement initiale est remplie en l’espèce.

Quant au moyen soulevé par le demandeur relativement au caractère disproportionné de la mesure de placement, il est constant que le demandeur rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, et que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, 1 Voire trib. adm. 4 mai 2005, n° 19724 du rôle le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juillet 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Lamesch, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 20004
Date de la décision : 04/07/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2005-07-04;20004 ?

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